22ème dimanche du temps ordinaire (C)
Abbé Jean Compazieu | 20 août 2022Toi qui penses être grand, sauras-tu t’abaisser ?
Homélie
Textes bibliques : Lire
Les lectures bibliques de ce dimanche nous parlent de l’humilité. Elles ne veulent pas nous donner de simples conseils de politesse et de savoir vivre. Il s’agit de quelque chose de bien plus important ; pour comprendre ce message, c’est vers le Christ que nous devons regarder : dans sa lettre aux Philippiens, saint Paul nous dit que Jésus “s’est abaissé… jusqu’à mourir et mourir sur une croix. C’est pourquoi, Dieu l’a élevé au-dessus de tout.” C’est ainsi que Jésus nous montre le chemin qui conduit vers le Père.
La première lecture nous rapporte les paroles de Ben Sirac le Sage. Cet homme a rencontré des personnes qui avaient des responsabilités importantes. Certains étaient vraiment gonflés d’orgueil : cela pourrissait les meilleures choses jusqu’à la racine ; d’autres agissaient avec patience et douceur. En restant humbles, ils savaient se faire aimer ; cela les rendait plus efficaces. Cette leçon d’humilité n’est pas seulement un bon conseil pour avoir de la considération. L’humilité qui est mise en avant c’est d’abord celle du Seigneur. Ce sont les humbles qui lui rendent gloire. En accomplissant “toute chose avec humilité”, on s’accorde au Seigneur lui-même.
C’est un peu ce même message que nous trouvons dans la seconde lecture (Lettre aux Hébreux). L’auteur y parle de la venue de Dieu et de ses manifestations. Autrefois, sur la montagne du Sinaï, ces manifestations étaient visibles : il y avait le feu, les ténèbres, l’ouragan, le son des trompettes. Quand le Christ est venu, rien de tout cela : tout s’est passé dans l’humilité. Cette venue du Christ a été pour les chrétiens le point de départ d’une alliance nouvelle, une relation nouvelle avec Dieu. C’est en Jésus que nous trouvons la source du bonheur au ciel et sur la terre. Nous sommes introduits dans la cité sainte avec les saints et les anges. Tel est l’enseignement de l’auteur de la lettre aux Hébreux.
L’évangile nous montre Jésus invité chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas. Il constate que les invités choisissent spontanément les premières places. Alors, il dit une parabole pour remettre les choses à l’endroit : Comprenons bien : ces paroles du Christ ne sont pas de simples conseils de politesse ; il a bien mieux à faire : “Va te mettre à la dernière place, dit-il ; et on te dira : avance plus haut”. A travers ces paroles, le Christ nous parle des conditions d’admission au Royaume de Dieu : il nous recommande de bannir toute ambition, tout sentiment de supériorité.
C’est ce message que nous retrouvons dans le Magnificat de la Vierge Marie : Dieu élève les humbles ; il abaisse les orgueilleux. Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus nous recommande d’inviter les petits, les pauvres, les exclus. Bien sûr, ils ne peuvent pas rendre l’attention qu’on leur porte. Mais cet amour gratuit et désintéressé ne restera pas sans récompense au jour de la résurrection. Etre à la fois sans prétention et désintéressé, c’est le meilleur moyen de gagner le cœur de Dieu et celui des hommes.
Pour nous aider à comprendre cela, nous pouvons partir de ce que nous avons pu observer. Si les rivières coulent vers la mer, c’est parce que le niveau de la mer est plus bas que celui des cours d’eau. C’est son aptitude à se tenir aussi bas qui lui permet de recueillir toute cette eau. C’est un peu l’image de ce qui se passe dans notre relation à Dieu. Il est pour nous comme cette rivière qui ne demande qu’à nous combler de son amour. Mais cela ne sera possible que si nous restons au bon niveau. C’est l’humilité qui nous aide à accepter notre petitesse et la grandeur de Dieu. Si nous restons imbus de notre orgueil et de notre supériorité, rien ne sera possible.
Jésus nous a donné le plus bel exemple d’humilité. Il est Dieu fait homme. Il est né dans les conditions les plus ordinaires. Il a vécu parmi les pêcheurs du lac de Galilée ; il a accueilli des publicains, des pécheurs notoires, des lépreux. En toute circonstance, il a été un modèle d’humilité. Il n’a autorisé ses disciples à l’appeler “Maitre et Seigneur” qu’après leur avoir lavé les pieds. Nous n’oublions pas que cet humble service n’était normalement accompli que par le serviteur. Nous, disciples du Christ, nous sommes invités à suivre chaque jour le même chemin que le Maître.
En ce jour, nous nous tournons vers toi, Seigneur : tu es venu non pour être servi mais pour servir. Toi qui connais notre orgueil et nos désirs de grandeur, nous te prions : montre-nous le bonheur qu’il y a à donner sa vie pour ceux qu’on aime ; ainsi, nous parviendrons tous à la joie de ton Royaume. Amen
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“Le jour où les disciples se disputaient entre eux la première place, Marie, elle, s’abaissait, non seulement en tout, mais plus que tous, d’autant qu’elle était plus grande que tous.
C’est justice donc que, du dernier rang, soit placée au premier, celle qui, première de tous, se faisait la dernière ; c’est justice que soit devenue souveraine de tous celle qui se montrait la servante de tous ; c’est justice enfin qu’ait été exaltée au-dessus des anges celle qu’une ineffable bonté abaissait au-dessous des veuves et des repenties, au-dessous de celle dont sept démons avaient été expulsés.
Je vous en supplie, mes petits-enfants, si vous avez un peu d’amour pour Marie, si vous cherchez à lui plaire, tâchez d’imiter cette vertu, imitez sa modestie. Rien du reste ne convient mieux à un homme, rien n’est plus recommandé à un chrétien, rien surtout ne sied tant à un moine.”
Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153), Docteur de l’Église
Extrait du Sermon des douze étoiles
Et aussi : L’Encyclopédie Mariale
« Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas… » (Lc 14:1) Il observe les invités… Parmi eux, beaucoup « choisissaient les premières places ». Ceux-là sont convaincus d’avoir droit à la place d’honneur. C’est alors l’occasion pour Jésus de montrer à ces vaniteux que la véritable valeur d’une personne se mesure par son cœur et non son apparence ou ses actifs. « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. » (Lc 14:1) Un conseil judicieux et en même temps une leçon pleine de sagesse ! « Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. » (Lc 14:10)
L’enseignement de Jésus va à l’encontre de la mentalité courante, car autour de nous, c’est souvent le goût du pouvoir et des préséances qui prédomine. On rivalise pour être le meilleur, aussi bien dans les assemblées où les prétentieux veulent se montrer qu’au cœur du quotidien où les gens s’affichent volontiers. Du prestige et de la notoriété… Dans tous les milieux sociaux, laïcs ou religieux, on constate cette course à la première place. On cherche à paraître plus qu’on ne vaut. Et pour cela, il y a mille signes distinctifs pour se mettre en valeur : l’appartenance à une certaine classe sociale, la tenue vestimentaire, le maniérisme, le snobisme de certains sujets de conversation… Sans compter que dans les luttes acharnées pour la gloire, trop souvent tous les coups sont permis, au risque d’écraser les autres. Ce qui compte, c’est de se tailler une place dans la classe dominante. C’est la loi de la survie dans notre jungle humaine. L’individualisme et l’affirmation de soi !
À cette logique de compétition, Jésus propose la sagesse de l’humilité. « Quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 14:11) Jésus renverse la logique d’un monde qui donne volontiers une grande importance aux honneurs et aux privilèges. Certes, il ne faut pas non plus tomber dans la fausse modestie qui cache souvent un besoin de reconnaissance. Il ne s’agit pas de choisir la dernière place pour être ensuite propulsé plus haut, mais de reconnaître avec lucidité sa propre limite, simplement et sans illusions. On se pose d’abord la question : ‘Suis-je à la bonne place ?’ Oh oui, l’art de trouver sa juste place. Être soi-même sans fards et sans fausse modestie. C’est une affaire d’harmonie, d’équilibre et de conscience. Et c’est loin d’être évident ! Bien malin celui qui pourrait faire la différence entre humilité réelle et modestie de circonstance… L’erreur qu’on fait souvent est de penser qu’être à sa place c’est porter l’étiquette de la fonction sociale qu’on occupe. Dans cet esprit, certains pensent qu’ils sont au service des autres quand, en fait, ils sont terriblement centrés sur leur personne. Ils jouent au notable et en retirent de secrètes satisfactions.
L’humilité est intérieure et profonde. Cette vertu rend caduc le besoin de se leurrer ou de leurrer les autres. Sa grande force, c’est la capacité de reconnaître ses qualités tout en restant modeste. Être humble, ce n’est pas se considérer comme moins-que-rien. C’est être capable de s’abaisser et non de se rabaisser. L’humilité ne demande pas de se dénigrer, de s’écraser ou de se diminuer. Bien au contraire, elle demande une prise de conscience de notre propre réalité avec les qualités et les vulnérabilités qui font la richesse de notre personnalité. N’oublions pas que le Seigneur nous a confié des talents à faire fructifier. Il a mis entre nos mains une lampe pour éclairer un chemin… Et il convient de ne pas décevoir ses attentes. « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. » (Mt 5:15) À l’opposé, parfois nous rêvons d’être quelqu’un d’autre, nous prétendons avoir tel don, telle qualité. Or l’humilité nous demande de nous accepter tel que nous sommes. Si la modestie peut se feindre, l’humilité demande, elle, une prise de conscience de ses propres capacités. Cette qualité fort appréciée dans la société humaine, s’acquiert avec le temps, avec l’expérience et les échecs. Cette vertu discrète implique un décentrement par rapport à soi. « Bien des gens acceptent de faire de grandes choses. Peu se contentent de faire de petites choses au quotidien. » remarque avec justesse Mère Teresa. « C’est lorsque nous sommes humbles que l’amour devient réel, dévoué et ardent. » Rendre de petits services avec simplicité et amabilité. C’est ce qui plaît à Dieu ! « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur » (Livre de Ben Sira le Sage 3:18)
L’humilité, une vertu peu recherchée, est pourtant une condition préalable pour accéder au chemin vertueux. « L’humilité est le fondement de toutes les autres vertus. » dit saint Augustin. Ce n’est pas un chemin facultatif mais le seul que Dieu a emprunté Lui-même pour nous ouvrir la voie de sainteté : « Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. » (Mt 11:29) Répondons à son appel ! Emboîtons ses pas !…
Nguyễn Thế Cường Jacques