12ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 13 juin 2010Qui est Jésus pour nous ?
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Pour bien comprendre cet évangile, il faut se rappeler ce qui vient de se passer : les foules sont très impressionnées et émerveillées par tout ce que fait Jésus. Il vient de guérir tous ceux qui en avaient besoin et de multiplier les pains pour nourrir les foules rassemblées autour de lui. Avec de tels miracles, le succès est garanti. Mais nous savons bien que cela n’intéresse pas Jésus. Il n’a que faire de la popularité. Alors, le soir venu il se retire pour un long temps de prière. Il veut rester en cœur à cœur avec le Père et ne pas se détourner de sa vraie mission qui est d’un tout autre ordre.
Tout cela est important pour nous : Nous vivons dans un monde où beaucoup courent après le merveilleux. On fait appel à ceux qui ont des pouvoirs. C’est un signe de baisse de la foi. Aujourd’hui, le Christ voudrait nous ramener à l’essentiel. Pour cela, nous sommes invités à nous unir à sa prière et à puiser à la source de celui qui est Amour. Le Christ lui-même passait de longues nuits en prière. C’est en nous nourrissant de la Parole du Christ et de l’Eucharistie que nous pourrons être en communion avec lui.
Il nous faut bien entendre la question de confiance que Jésus pose à ses disciples. Qui suis-je ? que pense la foule de moi ? Et vous, mes disciples, que dites-vous. Pour la foule, les réponses sont très diverses. Certains pensent que Jésus n’est autre que Jean Baptiste ressuscité ; d’autres le prennent pour le prophète Élie. Dans ces réponses, il y a déjà un point positif : C’est l’idée de la résurrection. On l’envisage pour Jean Baptiste et les prophètes. Une partie du peuple juif était donc prête à entendre le message de la résurrection du matin de Pâques.
Pierre a une réponse spontanée : “Tu es le Messie de Dieu”, celui qui a reçu l’onction, celui qui est habité par l’Esprit de Dieu et qui vient instaurer le Royaume de Dieu. D’ailleurs, pour Pierre, la multiplication des pains en est la preuve : le Royaume de Dieu est déjà là. Bien sûr, Pierre a donné la bonne réponse mais il n’en a pas compris toute la portée. Il imagine un roi triomphant qui va rassembler les foules et libérer le peuple d’Israël de l’occupation Romaine. C’est à cause de ce malentendu que Jésus défend vivement à ses disciples de ne le répéter à personne.
Oui, Pierre a raison de dire que Jésus est le Messie. Et nous le proclamons avec lui. Mais il n’est pas le Messie que l’on croit. Jésus annonce un Messie souffrant : “Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué et que le troisième jour, il ressuscite.” Le Christ veut donc inciter les disciples à se démarquer de l’opinion de la foule. Il veut leur ouvrir les yeux sur leur véritable mission, une mission de service et non de puissance.
La même question nous est posée à tous : qui est Jésus ? Qu’en disent les gens autour de nous et dans le monde ? Et les médias, comment en parlent-ils ? Nous avons tous entendu des propos surprenants qui n’ont rien à voir avec la foi des chrétiens. Nous vivons dans un monde où beaucoup ne savent plus. Ils sont très compétents dans divers domaines mais pour ce qui concerne la foi des chrétiens, ils n’ont pas suivi. Et nous voyons bien que les médias partagent cette ignorance. Cela ne sert à rien de se lamenter. La question importante c’est de nous demander qui est Jésus pour nous. C’est une invitation très forte à aller au cœur de la foi et à vraiment mettre le Christ au centre de notre vie. Il nous appelle à un cœur à cœur avec lui dans la prière. C’est absolument nécessaire pour tenir bon dans les tempêtes de ce monde.
Si nous nous laissons guider par lui, il nous conduira sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Lui-même nous avertit : “Celui qui veut sauver sa vie la perdra et celui qui perd sa vie pour moi la sauvera.” Un chrétien ne cherche pas d’abord sa réussite professionnelle, son confort, sa sécurité personnelle. Un disciple du Christ, c’est quelqu’un qui risque tout. Sa vraie priorité, c’est Jésus Christ, c’est le Royaume de Dieu. Pour acquérir ce trésor, il est prêt à sacrifier tout le reste. Quand Jésus nous invite à prendre notre croix chaque jour, il ne veut pas dire que ce sera le grand Vendredi Saint, les larmes et la mort atroce à chaque instant. Il veut simplement nous rappeler que chaque jour, comme son Maître, le disciple donnera sa vie à petite dose.
Prendre sa croix, c’est d’abord remplir chaque jour ses tâches de manière responsable. C’est refuser de piétiner l’autre et de le repousser pour se tailler soi-même une bonne place. C’est modérer ses appétits ; c’est accepter de posséder moins pour que d’autres possèdent un peu plus ; c’est livrer des combats qui conduisent à recevoir des coups, combats pour la justice, la vérité, le respect des personnes. Si nous voulons être en communion avec le Christ, nous ne devons pas oublier qu’il est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour le salut de tous les hommes. C’est sur ce chemin que nous choisissons de le suivre.
Aujourd’hui, Seigneur Jésus, tu nous invites à te reconnaître dans le Pain Eucharistique. Avec Pierre et les apôtres, nous savons que tu es l’Envoyé du Père des cieux. Avec toute l’Église, nous savons que tu es le fils de Dieu. Chacun de nous t’admire comme un protecteur, un frère, un ami. Donne-nous -nous consentir à le suivre chaque jour là où il nous entraîne, sur ce chemin où l’on sauve sa vie en la perdant.
D’après diverses sources.
Je suis très étonnée de voir combien jésus est intéressé par le regard que posent les gens sur lui. Tous, quoi que différemment, voient en lui un prophète.
Par le baptême, je suis devenue chrétienne est normalement je DEVRAIS ETRE UN AUTRE CHRIST. Hélas, je ne lui ressemble pas beaucoup. Il faut que je rabaisse mon indépendance, et que je m’ouvre davantage aux autres.
Pourtant, je veux mettre mes pas dans ceux de Jésus même si je suis affrontée à l’épreuve : bien sûr, ce ne seront pas la persécution ou le martyre, MAIS MES PETITES CROIX DE CHAQUE JOUR.
Pour cela, l’Esprit Saint peut me révéler et me faire accepter le chemin de dépouillement qui mène au Seigneur. Le Christ y est passé, Lui aussi.
Personnellement, je crie “VIVE DIEU” au Seigneur ; c’est surtout un témoignage de ma gratitude. Dieu à qui je dois tout, est le plus grand et aussi le plus petit. Son amour, plein de délicatesse ne fait pas sa promotion ni sa publicité. A moi de le trouver dans toutes les facettes de la vie.
Merci, Père Jean, d’avoir si bien expliqué ce que veut dire : “porter sa croix chaque jour”. J’avoue que le Seigneur m’aide beaucoup à me tenir debout pour aider du mieux que je peux ceux qui croisent mon chemin.
Seigneur, je te dis tout simplement que j’AI UNE IMMENSE FOI EN TOI. Elle m’aide à vivre, malgré les inévitables ratés de l’existence. Seigneur, je suis, autant que je le peux, ta servante.
PORTEZ-VOUS BIEN !!
Christiane
Pourquoi « devoir » souffrir ?
Tout avait bien commencé pour le jeune prophète de Nazareth : son annonce du Règne de Dieu, son enseignement et surtout les guérisons miraculeuses qu’il opérait lui avaient attiré un succès rapide et les foules se pressaient à sa rencontre. Cependant très vite la méfiance des autorités avait tourné en hostilité. Une délégation de pharisiens et de docteurs de la Loi était venue de Jérusalem pour observer ce Jésus au comportement inacceptable (5, 17) : il prenait des repas avec des pécheurs notoires (5, 30), il enfreignait la loi du shabbat (6, 5.11) et surtout il offrait le pardon des péchés ! Blasphème intolérable !! (5, 21 ; 7, 49). Furieux, certains étaient décidés à l’arrêter (6, 11).
Jésus pressent donc qu’il est arrivé à un tournant : que faire ? C’est pourquoi il importe de souligner très fort l’entrée du texte de ce dimanche : « Un jour Jésus priait à l’écart »
SUSPENDU A LA VOLONTE DE SON PERE
Luc est l’évangéliste de la PRIERE DE JESUS et il le montre priant à chaque étape importante de son itinéraire : lors de son baptême lorsqu’il accepte sa mission (3, 21), interrompant celle-ci pour s’enfoncer dans la solitude (5, 16), passant une nuit de veille avant de choisir ses douze apôtres (6, 12). Il y aura ainsi au total 15 notations, beaucoup plus que chez les autres évangélistes. Jésus, le Fils de Dieu, a reçu de son Père une mission qu’il doit accomplir avec la plus totale fidélité, sans jamais dévier de la route, en discernant les moments clefs. Il n’est pas un pantin programmé donc il se tourne vers son Père et il l’écoute longuement. Ce jour il a reçu un nouvel appel bouleversant :
Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Pour la foule, qui suis-je ? ». Ils répondent : « Jean-Baptiste ; pour d’autres Elie ; pour d’autres un prophète d’autrefois qui serait ressuscité ». Jésus leur dit : « Et vous que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? ». Pierre prit la parole: «Le Messie de Dieu ».
Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne……
La question rebondit dans tous les évangiles et se répercute jusque dans notre actualité : Qui donc était Jésus ? Le roi Hérode restait perplexe devant les rumeurs qui parvenaient au palais (9, 7) ; les apôtres eux-mêmes s’étaient souvent interrogés (8, 25) ; et le pauvre Jean-Baptiste, en prison et sur le point d’être exécuté, se demandait s’il ne s’était pas trompé en le désignant (7, 19). Pour beaucoup de gens, c’était un grand prophète (7, 16), un véritable envoyé de Dieu.
Mais un disciple ne peut colporter des rumeurs, répéter de vagues opinions, se ranger à l’avis de la majorité, ni même garder sa petite idée dans le secret : il doit trancher et exprimer sa foi personnelle. Le premier, impétueux, Pierre se prononce : Tu n’es pas qu’un prophète, fût-ce le plus grand comme Elie : tu es autre. Maintenant je crois, je sais et je proclame que tu es le Messie, le roi qui a reçu l’onction divine afin de libérer Israël.
Jésus ne nie pas être le messie mais on comprend pourquoi il interdit de le divulguer. Dans un pays sous occupation étrangère, le peuple rêve du libérateur promis par Dieu pour recouvrer l’indépendance. Dans l’ombre, les zélotes préparent l’insurrection et on risque de basculer dans la violence – d’ailleurs le bain de sang arrivera 40 ans plus tard. Jésus intime le silence et, au contraire des rêves de triomphe, soudain il va épouvanter les siens en leur révélant son avenir…et le leur.
PREMIERE ANNONCE DE LA PASSION
Et Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne en expliquant : « Il faut que le fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué et que, le 3ème jour, il ressuscite ».
« Il faut » : l’expression (10 fois dans l’évangile de Luc) ne signifie pas que Jésus doive se soumettre à une fatalité aveugle, ni que Dieu exige ses souffrances pour apaiser sa colère contre nous. Le Père demande à son Fils de poursuivre sa mission telle qu’il la réalise jusqu’alors : annoncer le règne de Dieu par la miséricorde, le pardon et la conversion de vie. Mais du coup, l’hostilité des autorités religieuses va croître et s’exacerber jusqu’à décider de supprimer cet homme qui blasphème et qui ne peut donc être qu’un faux prophète, un faux messie.
Jésus annonce – oh surprise ! – qu’il va se heurter non à la méchanceté des pécheurs ni à la dureté des païens mais bien aux plus hautes autorités religieuses de son peuple ! Le Messie-Prophète va être refusé par les hommes de la splendeur du culte et de la dureté du légalisme. Jésus, sur ordre de son Père, vient donc de décider de « changer la religion ». Or on sait combien le fondamentalisme religieux peut virer en haine lorsqu’il est remis en question.
C’est la passion de Jésus pour son Père qui va le conduire à la passion par les hommes. Ce don total de son humanité fera de lui « le Fils de l’homme » qui reçoit de Dieu son Père « souveraineté, gloire et royauté sur toutes nations », comme le prédisait la fameuse vision de Daniel (7, 14), texte essentiel pour comprendre son itinéraire.
LE CHEMIN DE CROIX PROPOSÉ A TOUT HOMME
Et soudain, alors qu’on croyait Jésus seul avec ses disciples, la foule réapparaît : l’enseignement suivant n’est donc pas réservé aux proches de Jésus mais à tous.
Jésus disait à la foule : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive ».
Il arrive qu’il faille tourner la page comme Jésus le fait lui-même : fini le temps des prédications tranquilles, des miracles spectaculaires, des acclamations populaires. Désormais celui ou celle qui est accroché par Jésus doit, comme lui, « renoncer à soi » : cela ne veut pas dire se maltraiter, se dédaigner, se détester mais oser abandonner certaines idées, modifier des projets, écraser son égoïsme, obéir dans la nuit. « Prendre sa croix chaque jour » : la croix est une condamnation infligée par le pouvoir donc cette expression symbolique ne veut pas dire se faire souffrir, se flageller, être masochiste mais agir de telle manière que les autorités vous jugent, ne tolèrent pas votre comportement et entendent y mettre fin. Le vrai prophète se doit d’assumer, de « prendre » sur lui cette contradiction quotidienne : elle est « normale » ! Et « suivre Jésus » : là est la décision essentielle. Aimer tellement Jésus que l’on se décide à vivre son évangile jusqu’au bout. C’est en voulant être avec lui, près de lui que le chrétien aura le courage de se renoncer et d’être critiqué, persécuté. Son « témoignage » sera « martyre » (même mot en grec).
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera ».
Lorsqu’un homme, une société, un pays cherche à tout prix à se réaliser, à assouvir ses instincts primaires, à imposer son ego, il va à sa perte. Toutes les puissances basculent dans l’abîme, tous les empires s’écroulent dans les ruines. Mais de saint Pierre au père Damien et à Sœur Emmanuelle, innombrables sont ceux qui se sont donnés au Christ, qui ont tout perdu pour lui et qui ont tout gagné : la Vie, la Gloire, la Paix, l’Amour Eternel.
La déclaration de Jésus nous paraît-elle excessive ? L’histoire en a 1000 fois prouvé la vérité.
NOTRE TOURNANT A NOUS AUJOURD’HUI ?
Dans les tourmentes de la crise mondiale, l’Eglise ne peut se cantonner dans des pratiques pieuses, se plaindre des événements, se limiter à des exhortations. Pas plus qu’elle n’a le droit de se résigner dans l’illusion mensongère que Dieu agira plus tard. Comme Jésus, nous avons donc à plonger dans la prière : non pour restaurer les dévotions de naguère et rétablir une Eglise majestueuse mais pour discerner le « kaïros »(le moment de Dieu) et voir le tournant, la conversion que nous avons à prendre.
Jésus a brisé les rêves de ses apôtres pour les appeler à le suivre sur un chemin étroit où il faut perdre sa vie pour la trouver. Nous aussi, chrétiens d’Occident, nous avons rêvé d’une Eglise respectée pour ses rites et admirée pour ses œuvres philanthropiques, tout en estimant que l’on pouvait adopter le style de vie des voisins : s’enrichir, améliorer son confort, adorer les idoles.
Jusqu’au jour où nous avons vu que les vocations se tarissaient, que les nouvelles générations désertaient l’Eglise, que le suicide devenait la cause première de mort des jeunes en quête de sens, que les chansons des idoles induisaient l’esclavage des drogues et des alcools, que l’amour des couples faisait naufrage, que des banques pouvaient ruiner des Etats et même que nous conduisions la planète au désastre définitif.
Seule la PRIERE, l’obéissance à son Père, a permis à Jésus d’avoir le courage de se décider et d’entrer sur la voie étroite de la vérité qui dérange.
Seule la PRIERE, l’écoute de son Evangile et l’amour de Jésus, nous permettra de prendre des options nouvelles et de courir des risques.
A rebours de la majorité attentive à « se sauver », « il faut » accepter de « perdre sa vie ».
Raphaël D
Tout homme est à la recherche du bonheur. Notre foi nous dit que Dieu nous a créés pour un bonheur éternel. Le mot évangile signifie : « heureuse nouvelle ». Pourtant les déclarations de Jésus, aujourd’hui, ressemblent plus à une « mauvaise nouvelle » : il annonce qu’il va souffrir, être rejeté, broyé par la souffrance… tout ce qui va à l’encontre de nos désirs. Et pourtant, c’est une bonne nouvelle, un passage qui nous fera passer de l’échec à la gloire, de la mort à la vie. Essayons de comprendre l’attitude de Jésus face à la souffrance.
Car Jésus est tout le contraire d’un philosophe stoïcien, qui se résigne à serrer les dents devant l’épreuve. Nous le voyons pleurer le deuil de son ami Lazare, verser des larmes devant les malheurs de Jérusalem qu’il pressent pour l’avenir. Il ne se cache pas pour supplier son Père de lui épargner la souffrance : « Que ce calice s’éloigne de moi. » Sur la croix, ce supplice abominable, il laisse échapper des gémissements et crie même sa douleur. Quel est donc son secret à lui, un être d’une si grande sensibilité, pour que la croix puisse devenir une « bonne nouvelle » ?
On peut dire d’abord qu’il s’y attend. La médecine nous fournit aujourd’hui toute une panoplie d’anesthésiants et de narcotiques qui suppriment beaucoup de souffrances physiques. C’est un bien certes, mais qui nous a rendu plus fragiles devant les difficultés qu’on ne peut éviter. L’homme de l’Antiquité, mais aussi les paysans des petits villages du sud de la planète, sont plus forts que nous devant la douleur. Ce qui ne veut pas dire qu’au temps de Jésus, les hommes, comme nous, ne cherchaient pas à éviter de souffrir. Et le Messie était attendu parmi ces populations occupées par les Romains comme celui qui allait apporter de manière merveilleuse la prospérité et la félicité sur terre. Jésus n’est jamais entré dans ces illusions-là. Il avertit qu’il est un messie tout à fait inattendu : « Le fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté, être tué… » Le monde est comme un champ mêlé, pour l’instant, de bon grain et d’ivraie, où la souffrance ne peut pas être toujours retirée. Quand on s’y attend, on est plus fort.
Mais si Jésus annonce sa souffrance qu’il sent venir, sa sensibilité le rend extrêmement attentif à soulager celle qu’il rencontre sur son chemin : aveugles, boiteux, lépreux, affamés, exclus, pécheurs, tous trouvent en lui un regard rempli de compassion. Jésus a généreusement et longuement ôté la croix de tous ceux qu’il voyait souffrir. Et il nous demande de nous battre résolument contre la souffrance qui meurtrit nos frères : « vêtir ce lui qui est nu, nourrir celui qui a faim, visiter celui qui est en prison… (Matthieu 25). Lui, Jésus, qui guérissait les autres, il s’est laissé meurtrir et défigurer par la douleur jusqu’à crier : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »Plus : c’est librement qu’il s’est avancé vers sa passion : « ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. »(Jean 10, 18).
D’où lui vient donc cette force ? D’un amour, plus fort que nos folies et nos horreurs, d’un amour radicalement non-violent qui se laisse atteindre dans toutes les ignominies qui dépravent l’humanité. Ce qui est un signe d’infamie, ce qui est destruction et humiliation systématique de la personne humaine, ce qui est une torture avilissante, une invention satanique, Jésus le retourne en signe plus, en symbole de l’avènement d’un monde nouveau par l’amour qui va jusqu’au bout : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jean 15, 13). La croix d’infamie devient un signe “+”‘ (plus).
Jésus n’a pas disserté sur le problème du mal. Il a laissé venir la souffrance inéluctable qui lui est tombée dessus. IL l’a dominée. Il ne s’est pas laissé détruire par elle. Il est resté debout sous ses coups terribles : il a souffert dignement, debout, jusqu’au pardon, sachant que sa souffrance n’était pas une absurdité, mais une réussite de l’amour. Ainsi nos épreuves, à nous aussi, ne sont pas forcément des choses ratées, inutiles et perdues. Pour qui ose les vivre à la lumière de la croix de Jésus, elles deviennent force de vie, passage de résurrection.
Avec l’aimable autorisation de Kerit.be
Père Jean M
Qui suis-je ? Question qui non seulement peut abonder en réponses mais est susceptible d’intérêt pour d’autres personnes et certaines communautés. Dans l’Evangile (Luc 9, 18-24) Jésus pose une interrogation en ce sens, « un jour qu’il priait à l’écart », signe de l’importance du questionnement.
« Pour la foule qui suis-je ? » A cet instant Jésus est bien connu. Il annonce sa Bonne Nouvelle, guérit de nombreux malades, chasse des démons. Avec lui il a réuni des disciples appelés à poursuivre son action. On parle de lui : qui est-il ? Jean Baptiste, Elie, un prophète ressuscité ? Les réponses lui donnent déjà un caractère religieux, celui d’un envoyé de Dieu.
Et « pour vous qui suis-je ? » Jésus interroge ses disciples. C’est Pierre, chef des apôtres qui répond : « Le Messie de Dieu ». Précisons ici ce qu’annonce le prophète Zacharie (1ère lecture) comme « Parole du Seigneur » : le don d’ « un esprit qui fera naître … bonté et supplication » – « ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé », mais encore « une source qui jaillira et lavera de leur péché et de leur souillure » les habitants de Jérusalem, dont il faudra voir avec Jésus l’humanité entière. Toutes ces paroles s’appliquent au Messie attendu, la réponse de Pierre est nette à ce sujet.
Evangiles et textes du Nouveau Testament proclameront, à la suite de Jésus lui-même, son identité non seulement de Messie, mais de vrai Fils de Dieu devenu par Marie Fils de l’Homme, et sa vocation d’envoyé du Père pour sauver une humanité séparée de Dieu, et lui permettre d’accéder à la vie éternelle, et comme lui, à la résurrection d’entre les morts. « Levons les yeux vers le Seigneur : il nous sauve par sa croix » nous a fait chanter le refrain du Psaume. Voilà l’essentiel de ce que veut faire connaître Jésus sur sa personne. Le récent temps pascal nous l’a rappelé en détail.
Et moi, qui suis-je ? Une carte d’identité avec photo donne déjà des indications pour l’Etat et bien des organismes. Soulignons que les humains, hommes et femmes, ne sont pas des robots. Chacun possède une identité particulière, de race, de nation, de naissance, complétée parfois par des empreintes digitales et des renseignements génétiques.
Notre condition humaine se distingue par notre corps et notre esprit. Pour assurer sa vie le corps a ses exigences. Il peut témoigner, comme dans le sport, de ses facultés corporelles, non sans lien d’ailleurs avec les facultés intellectuelles et spirituelles de notre être. La prédominance de l’esprit sur le corps, c’est ce qui sera exigé pour répondre valablement au caractère humain.
Qui suis-je ? D’où je viens ? Où vais-je sachant qu’ici bas la mort m’atteindra ? Quel sens a ma vie ? Nombre de questions sollicitent tous les hommes. Chrétiens nous avons à transmettre des réponses qui, avec Dieu et le Christ conditionnent l’humanité entière. Nous croyons en Dieu Créateur de l’Univers et de l’Humanité. Nous croyons au Christ, vrai Dieu et Vrai Homme, Sauveur du monde pécheur. Nous croyons en l’Homme appelé par Dieu à partager sa gloire, celle de l’Amour, pour une joie et un bonheur sans fin.
Nous n’ignorons pas qu’une conduite de vie exige de notre part d’aimer à l’imitation du Christ et de nous ressourcer dans l’Esprit d’amour. Unis au Christ par le baptême, nous avons revêtu le Christ. « Vous ne faites plus qu’un dans le Christ » nous dit St Paul (2ème lecture) ; « Porter sa croix » avec lui, pour vivre son Evangile, sera de notre part un témoignage de notre amour.
Chrétiens nous restons humains. Notre foi et notre amour nous demandent de savoir partager avec tous nos frères, croyants ou non croyants, les valeurs inscrites par Dieu au fond de nos cœurs, et qui honorent l’humanité, de tolérance, de bonté, d’humilité, de vérité, et surtout d’amour de tous. Exigence dès lors : combattre en nous et autour de nous ce qui peut nous dégrader : haine, violence, mensonge, orgueil, domination, sensualité néfaste. Toutefois ne craignons pas d’affirmer Jésus Christ comme la Vérité de la Vie et de l’Amour qui sauve, unit et ressuscite.
Revenons au Psaume : « mon âme a soif de toi » – « ton amour vaut mieux que la vie » – « toute ma vie je vais te bénir » – « oui, tu es venu à mon secours ».
Que Marie qui a su, si douloureusement mais aussi si vaillamment, porter sa croix au pied de celle de son fils nous aide à aimer comme lui.