Homélie du 31ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 21 octobre 2011Pharisens et pharisaïsme…
Textes bibliques : Lire
Depuis cinq semaines, saint Matthieu nous décrit la polémique entre Jésus et les pharisiens : nous avons lu la parabole des deux fils (celui qui dit oui mais ne fait rien puis celui qui dit non mais qui répond à l’appel du Seigneur). Puis nous avons entendu la celle des vignerons homicides, celle des invités désinvoltes, la question sur l’impôt à César. Dimanche dernier, Jésus était interrogé sur le grand commandement. Aujourd’hui, nous entendons le Christ qui invective vigoureusement les pharisiens. Il dénonce ce qu’on pourrait appeler “les pièges de l’autorité.”
Tout d’abord, une précision s’impose : nous ne devons pas confondre pharisiens et pharisaïsme. Les pharisiens étaient des hommes profondément religieux. Ils étaient très attachés à la loi de Moïse ; cela les rendait très estimables. Plusieurs fois, Jésus a mangé à la table de ces dignitaires. Une nuit, il a eu une longue conversation avec Nicodème. L’évangile nous parle aussi de Joseph d’Arimathie. Plus tard, il y a eu Saul qui est devenu le grand Saint Paul. Pendant des années, il a combattu avec acharnement les chrétiens pour défendre la loi de Moïse. Puis il est devenu un grand témoin de la foi. Tout cela nous rappelle que la conversion est toujours possible, y compris pour les pharisiens.
Le pharisaïsme est un état d’esprit, une mentalité. C’est l’attachement à la loi pour la loi jusque dans les moindres détails. C’est aussi le mépris du petit peuple qui ne connaît pas la loi et ne la pratique pas. Le pharisaïsme des chefs religieux les mène à la vanité et à la satisfaction d’être du côté des bons. Mais sous un masque de justice, c’est l’hypocrisie qui se cache. C’est la lettre qui tue l’esprit. Ils n’oublient qu’une chose : Dieu voit ce qu’il y a dans le cœur de chacun.
Ce que Jésus dénonce, ce n’est pas leur message. Il ne leur a jamais reproché de dire la loi. Il leur fait simplement remarquer que leur vie n’est pas en accord avec leurs paroles. Ils enseignent la loi mais ne l’observent pas. Ils disent et ne font pas. Ils sont très exigeants pour les autres, ils leur imposent de lourds fardeaux ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Ils aiment paraître pour être remarqués des hommes. Leur but, c’est d’attirer la considération et l’intérêt des autres. Au lieu de guider le peuple qui leur est confié, ils ne pensent qu’à eux-mêmes.
Nous avons là un avertissement très clair et une mise en garde très forte. Elle s’adresse à tous ceux qui ont pour mission d’annoncer l’Evangile, les évêques, les prêtres, les catéchistes, les parents, les éducateurs de la foi… “Ils disent et ne font pas…” Un jour ou l’autre, cette parole du Christ nous interpelle tous, qui que nous soyons. C’est la tentation du “paraître”, la course au prestige et aux honneurs. Notre orgueil peut nous amener à mépriser les autres que nous jugeons pécheurs et ignorants. En agissant ainsi, nous sommes loin de Celui qui est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus.
Alors, nous pouvons nous poser la question : Comment pouvons-nous nous garder du pharisaïsme et du goût du pouvoir. La réponse, nous la trouvons dans les textes bibliques de ce jour : le psaume nous invite à imiter l’enfant qui se blottit contre sa mère ; il sait qu’il doit tout à son père ; de ce fait, il ne cherche pas à faire le savant ; dans la seconde lecture, saint Paul nous invite à nous mettre au service des autres ; nous devons le faire avec douceur, sans être à charge et sans tirer profit des titres et fonctions. Enfin, dans la première lecture, le prophète Malachie nous rappelle que nous devons glorifier le Seigneur de l’univers. En un mot, nous devons nous disposer à l’humilité et au service. C’est cela qui nous éloigne du risque d’usurper le pouvoir de Dieu et de trahir nos frères.
Pour comprendre et vivre cet évangile, c’est vers le Christ que nous devons nous tourner. Nous avons en lui un merveilleux guide. Il s’est donné sur la croix pour le salut du monde. En lavant les pieds de ses disciples au soir du Jeudi Saint, il nous apprend à aimer et à nous mettre au service les uns des autres. En s’offrant à l’Eucharistie et en aimant les siens jusqu’à en mourir, il met en pratique son grand commandement : “Que le plus grand soit votre serviteur !”
C’est à une véritable conversion que nous sommes tous appelés. L’important c’est d’abandonner tout sentiment de supériorité et de nous attacher à la loi d’amour avec un cœur tendre et généreux. Ce qui nous grandit vraiment aux yeux de Dieu et de nos frères, c’est le service. Ce qui fait la valeur d’une vie, c’est l’amour que nous avons pour Dieu et pour le prochain.
En ce jour, nous te remercions, Seigneur, de nous inviter à remettre à l’endroit ce qui fonctionne à l’envers dans nos vies. Lorsque nos actes ne suivent pas nos paroles, comble-nous de ta miséricorde. Ouvre nos cœurs à la Parole de celui qui est venu servir, Jésus le Christ notre Seigneur. Amen.
D’après diverses sources
ADAP : Lire
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merci Pere Jean,
j’ajouterai un mot à votre bel homelie, l’humilité
31ème dimanche – Année A – 30 octobre 2011 – Evangile de Matthieu 23, 1-12
Pour la conversion des clercs
Depuis qu’il est entré à Jérusalem, Jésus se tient sur l’esplanade du temple envahie par les flux de pèlerins tout exaltés à l’approche de la fête de la Pâque. Il enseigne la foule et ainsi il restitue à l’édifice sacré sa fonction première : être le lieu où retentit la Parole de Dieu. Parole de lumière mais aussi Parole qui conteste ceux-là même qui dirigent la liturgie et la législation.
Jésus enseigne ses certitudes fondamentales (= tout le chapitre 22 de Matthieu lu ces derniers dimanches) :
Et Matthieu conclut son chapitre : « Et depuis ce jour-là, nul n’osa plus l’interroger ».
Aucun pharisien, aucun grand prêtre n’a pu prendre Jésus en défaut. Mais aucun ne s’est rallié à lui. Au contraire leur hostilité s’exacerbe: ils ne veulent pas l’écouter, endurcis dans leur aveuglement. Peu à peu, d’heure en heure, Jésus sent sa fin s’approcher. C’est pourquoi il va adresser une mise en garde contre ces hommes d’autant plus coupables qu’ils sont les responsables, les guides du peuple.
Ces dénonciations ne s’adressent évidemment pas qu’aux autorités juives car les mêmes défauts peuvent se retrouver dans toute religion, y compris le christianisme !
ENSEIGNER A CONDITION DE FAIRE
Jésus déclarait à la foule et à ses disciples : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. Mais n’agissez pas d’après leurs actes car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt…. »
Jésus l’avait proclamé d’emblée : « Je ne suis pas venu abroger la Loi ou les Prophètes mais accomplir » (5, 17). Donc l’enseignement de la tradition reste valable. La Loi n’est pas déclarée obsolète. Toutefois on remarque parfois que les prédicateurs attitrés, tout en expliquant bien le message révélé, ne le mettent pas en pratique eux-mêmes. Il faut donc dépasser le scandale, savoir discerner entre la vérité dite par l’enseignant et le mensonge de sa conduite.
Ainsi des prédicateurs, emportés par leur zèle, exigent des sacrifices très lourds de la part des fidèles…mais eux-mêmes parfois s’en dispensent. Naguère Jésus, apitoyé par la multiplicité des ordonnances imposées aux gens (prières, sacrifices, jeûnes, ablutions, …), avait lancé : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug » (11, 28) Le prédicateur chrétien doit veiller à ne pas augmenter ni durcir les obligations mais d’abord montrer que lui-même pratique l’essentiel.
VANITE DES CLERCS
Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ; ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques.
Autre défaut ecclésiastique connu : la vanité. On se décharge d’obligations trop lourdes mais on se drape dans des costumes d’apparat, on porte les insignes de sa dignité, on arbore vêtements, chapeaux, cornettes, gants qui sortent de l’ordinaire ; on défile pompeusement à la queue-leu-leu ; en tant que personnalités invitées, on trône au premier rang tout en murmurant des protestations d’humilité. « Oh non il ne faut pas… ».
Comme s’il y avait deux sortes de croyants : les ordinaires et les prélats chamarrés ! Les premiers apôtres – y eut-il plus grands hommes qu’eux ? – étaient vêtus comme tout le monde ; rien ne les distinguait sinon leur amour passionné pour Jésus et l’audace d’affronter les adversaires.
PAS DE TITRES
Ils aiment recevoir des gens le titre de « rabbi ». Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de rabbi car vous n’avez qu’un seul enseignant, et vous êtes tous frères.
« Rabbi » était un titre d’honneur que l’on donnait aux experts en matière religieuse, capables de trancher sur les points de la Loi. Au 1er siècle, il fut conféré par une cérémonie d’ordination (qui disparut par la suite). Maintenant, dit Jésus, vous n’aurez plus besoin d’avoir recours à des juristes : l’Esprit-Saint demeurera en vous et il vous enseignera tout (Jean 14, 26). Vous ne serez plus des ignares dépendant d’autorités mais des « frères » qui s’instruisent l’un l’autre parce qu’ils partagent le même Esprit de Vérité.
Ne donnez à personne sur terre le nom de Père car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux.
Evidemment Jésus ne parle pas du rapport ordinaire du père de famille à ses enfants mais de la coutume de vénérer une autorité religieuse par le nom de « père ». Ou de « révérend père ». Et même de « révérendissime père abbé » (grandiloquence et pléonasme !!). Laissez cela, dit Jésus, aux boîtes de fromage et aux bières : seul Dieu est votre Père et tous, d’égale dignité, vous êtes ses enfants. Cette dignité suprême dévalorise tout titre.
Ne vous faites pas non plus appeler « maîtres » » car vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ.
Ah si le peuple chrétien avait toujours cherché à comprendre et à vivre l’Evangile et non une nouvelle théorie émise par une « Eminence » ou un « Docteur ». Que d’affrontements théologiques ont déchiré l’Eglise, que d’animosités entre savants ont provoqué des schismes !
« Sola scriptura » criait Martin Luther. L’Evangile à la lettre, disait le pauvre François.
———Prier le PERE, méditer l’évangile du FILS, écouter le SAINT ESPRIT, le maître intérieur: voilà ce qui constitue une communauté fraternelle telle que Jésus la veut.
LE GOUT DES GRANDEURS
Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé.
Autre défaut courant : l’ambition. Désirer dépasser l’autre. Se vouloir le plus élevé. Péché qui travaillait déjà le groupe des 12 apôtres. En marchant on se disputait : « Qui est le plus grand ? ». Et Jésus, énervé, de prendre un gamin : « Celui qui se fera petit comme cet enfant, voilà le plus grand » (18, 1-4). A la mère de Jacques et Jean qui intercédait pour que ses fils passent avant Pierre, il répondit : « Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie » (20, 20-28).
Dieu seul fixe les places. Au banquet du royaume, il vaut mieux se diriger vers le fond. (Luc 14, 10)
CONCLUSION
Depuis Jean XXIII, beaucoup d’efforts ont été faits afin de diminuer les fastes et revenir à une simplicité évangélique. Réjouissons-nous et poursuivons sur la lancée.
Que les scandales qui éclatent dans l’Eglise, au lieu de nous inciter à la quitter, nous poussent au contraire à la purifier.
Raphaël D
Bonjour,
Je partage avec vous l’homélie que j’ai préparée pour le dimanche prochain….
Homélie pour le 31e dimanche du temps ordinaire, année A, 2011
« Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux » (Ps. 130)
Humble pour servir
En méditant au présent les textes de ce dimanche, c’est l’attitude humble du psalmiste qui m’interpelle. Le Seigneur nous appelle, nous Église, et surtout nous serviteurs et servantes de/dans cette Église d’aujourd’hui, à une certaine humilité pour mieux accomplir notre charge.
Dans la première lecture, entre autres reproches, le prophète constate que les prêtres se sont « écartés » de Dieu et sont devenus pour le peuple une « occasion de chute », un scandale, en « pervertissant » l’Alliance qui aurait dû être l’objet de fidélité. De cette situation, résulte l’« avertissement » assez direct et peut-être un peu sévère de Malachie aux prêtres : « Si vous …». Remarquez que ces menaces sont au conditionnel. C’est donc dire qu’il y a encore possibilité de se convertir et d’éviter la catastrophe. Pourquoi ne pas donc espérer?
Avec un peuple solidaire
Devant cet appel lancé aux prêtres de se convertir, le prophète fait intervenir la solidarité du peuple : « Et nous le peuple….? » C’est au nom de cette même solidarité que le Christ rappelle à ses disciples qu’ils n’ont qu’un seul Père, Celui du Ciel. Jésus met en effet en garde contre d’éventuelles dérives possibles de la part de ses serviteurs.
En fait, à y voir de près, la mission du prêtre n’est réussie qu’au milieu du peuple. La fierté du prêtre est aussi celle du peuple, de même que sa honte. Le peuple est donc aussi appelé à l’humilité et à l’écoute de son Dieu. Dans la deuxième lecture, Paul va justement nous donner l’exemple d’un messager solidaire de son peuple : « Ayant pour vous une telle affection, nous voudrions vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais tout ce que nous sommes, car vous nous êtes devenus très chers. » Et si nous voyions nos prêtres ainsi?
Une Parole qui transcende messager et destinataire
Jésus prend bien soin, dans l’évangile, de prévenir les disciples : même si le messager (le scribe, le pharisien, l’apôtre, le prêtre) ne vit pas ce qu’il enseigne, ce n’est pas une raison pour ne pas écouter et suivre la vérité de sa parole. Certes, notre monde a besoin de maîtres qui enseignent par leurs actes; mais la Parole de Dieu dépasse et transcende celui qui la porte; et c’est cette parole qui doit d’abord préoccuper l’auditeur.
Paul félicite d’ailleurs les Thessaloniciens pour leur accueil de la Parole de Dieu : « Quand vous avez reçu de notre bouche la parole de Dieu, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement : non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. » Que faisons-nous de la Parole de Dieu?
Que faire?
Devant les lectures de ce dimanche, on peut bien être tenté de se décourager, ou pire de vouloir y trouver des raisons de critiquer nos prêtres, évêques et autres serviteurs de l’Évangile. L’actualité ne nous en fournit-elle pas plein de preuves dans la multitude de scandales où l’Église, à tort ou à raison, à travers surtout ses ministres ordonnés, serait impliquée? L’occasion est sans doute bonne pour se lancer dans les attaques! Mais ce n’est pas du tout l’intention des auteurs sacrés.
Les textes de ce dimanche nous appellent plutôt à « resserrer les rangs » : nous faire plus solidaires de notre Église et de nos ministres sacrés; écouter avec foi la Parole qu’ils nous enseignent; et surtout priez pour nos prêtres afin que chacun d’eux se rappelle et vive toujours ce qui lui était dit à son ordination diaconale quand il recevait l’Évangéliaire : « Recevez l’Évangile du Christ que vous avez la mission d’annoncer. Soyez attentifs à croire à la Parole que vous lirez, à enseigner ce que vous avez cru, à vivre ce que vous aurez enseigné ».
Amen.
Abbé Serge Danialou TIDJANI, Ph.D. JCD.