Homélie du 4ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 21 janvier 2012Jésus parle et agit avec autorité
Textes bibliques : LIRE
Les textes bibliques de ce dimanche nous adressent un message d’espérance très fort. Elles nous révèlent un Dieu passionné par l’humanité qu’il veut sauver. La première lecture nous rapporte une parole de Moïse à son peuple : “Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez” (Dt 18). Tout au long des siècles, Dieu en a envoyé des prophètes. Il lui fallait mettre son peuple en garde contre l’idolâtrie, les injustices et les divers abus possibles. Il lui fallait également réagir contre l’ignorance religieuse et la méconnaissance de la Parole de Dieu.
Cet appel est également important pour notre monde d’aujourd’hui. Ils sont nombreux ceux et celles qui ont abandonné toute pratique religieuse. Pour eux, la foi est devenue quelque chose de secondaire. Mais un autre constat s’impose : Quand on chasse le côté religieux de notre vie, il revient sous sa forme la plus perverse. Les superstitions occupent un terrain de plus en plus important. On court après ceux qui ont des pouvoirs, ceux qui prédisent l’avenir, les voyants, les gourous en tous genres. C’est de ce danger que le Seigneur veut nous prévenir. Et il s’arrange pour mettre sur notre route des hommes et des femmes qui portent son enseignement.
L’Evangile nous révèle que Jésus est ce prophète annoncé par Moïse. Il est un prophète puissant par ses paroles et ses actions. Son enseignement est nouveau. Saint Marc nous le dit : “Il enseignait en homme qui a autorité.” L’Evangile de saint Matthieu insiste encore plus fortement sur ce point dans le sermon sur la montagne ; à plusieurs reprises, nous lisons cette parole du Christ : “vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… Moi je vous dis…” L’enseignement de Jésus est vraiment nouveau. Il ne se contente pas de répéter ce qu’il a étudié. Il parle avec l’autorité de Dieu.
L’Eglise d’aujourd’hui a reçu pour mission d’annoncer cette parole de Dieu. Dans un monde enchaîné par la haine, la violence, l’égoïsme, la précarité, c’est plus que jamais nécessaire. Ce monde a besoin d’entendre une parole qui libère et qui redonne espérance. Nous sommes tous envoyés pour crier la bonne nouvelle à temps et à contretemps. Bien sûr, cela doit se faire dans le respect des personnes. Il serait mal venu de les culpabiliser avec un évangile qui parle du pardon. On ne peut pas non plus l’imposer de manière autoritaire. Ce serait contraire à Jésus qui dit : “Si tu veux…” Quand il appelle, il attend une réponse libre et généreuse. Comme Bernadette de Lourdes, nous ne sommes pas chargés de faire croire mais de dire. Le reste ne dépend pas de nous mais de Dieu.
Jésus ne s’est pas contenté de parler. Il a agi avec autorité. L’évangile nous parle de cet homme possédé par un esprit mauvais qui était venu dans la synagogue. Cet esprit impur s’adresse à Jésus en vociférant : “Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu”. Cette sainteté qu’il reconnaît en Jésus est une déclaration de guerre contre le mal. Jésus libère cet homme par une formule forte d’exorcisme. Il lui fait retrouver sa grandeur dans la contemplation de Dieu.
Cette bonne nouvelle nous concerne tous. Jésus est venu nous libérer de l’esprit mauvais. Il ne cesse de nous apporter la liberté des enfants de Dieu. La guérison de ce possédé nous montre que l’heure de notre libération est arrivée. Cet homme dont parle l’évangile c’est l’humanité entière. Ce que Jésus a commencé à Capharnaüm, il va le continuer tout au long de son ministère en Palestine. Et il continue à la faire tout au long des siècles par son Eglise. C’est lui qui parle quand on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures. C’est lui qui donne la vie quand on baptise. Il est toujours à l’œuvre dans le monde d’aujourd’hui.
Si nous voulons être des messagers de la bonne nouvelle, il faut que toute notre vie soit imprégnée de cet amour qui est en Dieu. Nous ne pouvons parler que de ce que nous vivons avec Jésus. Pour cela, nous commençons par nous nourrir de la Parole de Dieu ; nous nous laissons transformer par elle. Il est important que notre vie soit en accord avec cette Parole que nous avons à annoncer de la part de Dieu.
Quand nous lisons l’Evangile, nous trouvons des paroles de Jésus qui relèvent et redonnent confiance. Nous en avons tous besoin tout au long de notre vie. Pour grandir, le petit enfant a besoin des mots d’amour de ses parents. Il en est de même pour les couples. Un amour sans parole ne peut exister. Il y a des paroles qui redonnent force, courage et confiance. D’autres peuvent causer des dégâts très graves dans la vie d’une personne. La Parole du Seigneur est vérité et sa loi délivrance.
Dans la deuxième lecture, saint Paul nous recommande d’être attachés au Seigneur sans partage. Les vocations sont différentes mais nous sommes la même Eglise de Jésus Christ. Nous nous sommes rassemblés pour accueillir la Parole de Dieu et nous nourrir de son Eucharistie. A la fin de la messe, nous seront renvoyés pour en être les témoins et les messagers par nos paroles et nos actes. En ce jour, nous te prions, Seigneur : que ton Eglise et chacun de ses fidèles puissent vivre et partager chaque jour cette Bonne Nouvelle.
Sources : Signes, Feu Nouveau, Homélies de Simon Faivre, Avec saint Marc (Claire Patier), lectures bibliques des dimanches (Albert Vanhoye)
Super votre homélie ! J’ai aussi été ému lorsque j’ai lu la phrase qui suit: “Quand nous lisons l’Evangile, nous trouvons des paroles de Jésus qui relèvent et redonnent confiance. Nous en avons tous besoin tout au long de notre vie. Pour grandir, le petit enfant a besoin des mots d’amour de ses parents.” Merci et bonne route !
Manon St-Eustache Québec
Je vous remercie. Je suis très heureux que ces paroles vous rejoignent. Mais comme je l’ai dit plusieurs fois, le principal travail, c’est l’Esprit Saint qui le fait dans le cœur de chacun. Bon dimanche
Difficile la deuxième lecture de St Paul !….
Je vous signale les interventions de Marie-Noëlle Thabut. Elle propose chaque semaine des commentaires des lectures du dimanche suivant. Au moment où je vous écris, ceux de dimanche prochain ne sont pas encore en ligne. Vous trouverez le lien dans la marge de gauche à la rubrique Homélies.
4ème dimanche – Année B – 29 janvier 2012 – Evangile de Marc 1, 21-28
UNE PAROLE QUI GUERIT
Il y a deux sortes de prédications chrétiennes. La 1ère est inaugurale, essentielle, brève, fondatrice, itinérante : elle est celle que Jésus a adoptée et pratiquée tout au long de sa vie missionnaire. Parcourant la Galilée, il proclame que Dieu vient et donc qu’il faut se convertir et croire à cette Bonne Nouvelle. Jésus apparaît comme un héraut (en grec : kèrux), un envoyé du Souverain, qui circule en annonçant une nouvelle importante qui concerne tout le monde. De ce fait cette proclamation s’appelle « le kérygme ».
L’autre prédication est seconde, longue et explicative : elle détaille le contenu du kérygme, le fait comprendre, en déploie toutes les conséquences pour la vie. C’est ce qu’on appelle « l’enseignement », la catéchèse.
Marc, dimanche passé, nous a présenté le « kérygme », la proclamation par Jésus de l’Evangile : aujourd’hui il nous raconte le 1er exemple de son « enseignement ».
PREDICATION A L’ASSEMBLEE CROYANTE
Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm.
Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes.
Abandonnant le désert judéen de Jean-Baptiste et Nazareth, son village, Jésus vient dans la petite ville de Capharnaüm située au nord-ouest du lac de Galilée, port de pêche et poste de douane. Ce sera le centre de son rayonnement dans la région (sans qu’il y demeure en permanence).
Comme il le fera toute sa vie, en bon Juif observant, Jésus pratique le repos du shabbat et se rend aux offices de la synagogue, y emmenant ses premiers disciples. Sans doute a-t-il déjà commencé à prêcher de-ci de-là : intrigué, le responsable du culte lui a demandé d’assurer la prédication.
Que dit Jésus ? Quel est le contenu de son enseignement ? Marc n’en dit rien parce que Jésus n’apporte pas une autre religion : il dit la Loi de Dieu. Mais Marc souligne la méthode exceptionnelle du prédicateur : il parle « avec autorité » à la différence des scribes. En effet ces spécialistes des Ecritures qui étaient chargés de former le peuple enseignaient tout en s’appuyant sur les traditions anciennes. Il fallait toujours citer tel passage biblique, telle leçon donnée jadis par un grand rabbin afin de justifier ce que l’on disait. Or, à la différence de ces maîtres, Jésus parle sans avoir besoin de références. « Avec autorité » ne signifie pas qu’il force la voix ou qu’il hurle en tapant sur le pupitre mais que son discours tient par sa propre cohérence. L’assistance n’a jamais entendu un prédicateur agissant de la sorte : « On était frappé »(le verbe signale un effet très marqué, une forte stupéfaction).
La question n’est plus « que dit Jésus ? » mais « QUI EST-IL ? »
LA PAROLE QUI EXORCISE LE MAL
Il y avait dans leur synagogue, un homme tourmenté par un esprit mauvais qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu ! ». Jésus l’interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme ! ». L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.
Saisis de frayeur, tous s’interrogeaient : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais et ils obéissent ».
Et aussitôt sa renommée se répandit dans toute la région de Galilée.
Chaque sabbat, la petite synagogue était remplie par le peuple qui chantait les psaumes et écoutait les lectures et les sermons du rabbin. Le culte habituel était simple, régulier, paisible, un peu ennuyeux comme tous les offices. On pratiquait les rites sans en rien attendre : que pouvait-il se produire ? On venait puis on sortait de l’édifice comme on y était entré. N’est-ce pas ainsi que nous faisons encore ?…
Mais ce jour-là, avec Jésus, éclate du « nouveau ». Car sa Parole n’est pas un ronron pieux, une enfilade de citations savantes, une leçon théologique, un morceau d’éloquence ampoulée : elle est un « enseignement nouveau » qui recèle une « autorité », un pouvoir divin, une force qui percute la carapace derrière laquelle se cachent les bons pratiquants. Cette Parole vrille les cœurs, interpelle, secoue, questionne. D’elle-même elle est capable d’exorciser, de faire apparaître le mal caché et de le faire sortir avec éclat. Heureux l’homme qui cesse de se blinder dans sa bonne conscience de pratiquant honnête et régulier et accueille enfin cette Parole qui, tel un bistouri, peut extraire la tumeur secrète. Et c’est le plus grand pécheur qui réagit, atteint en plein cœur Chaque semaine cet homme venait à la synagogue, suivait le culte avec piété, écoutait les lectures, chantait avec les autres ; il pressentait peut-être qu’il aurait fallu se convertir. Mais il repartait inchangé, auditeur passif d’une prédication qui le laissait indemne.
Aujourd’hui l’homme est atteint au plus profond de lui-même, là où il est aliéné. Et son mal – le démon impur – hurle d’être démasqué. Il n’est pas vaincu par des exhortations plus pressantes ni par des reproches cinglants, ni par des menaces terrifiantes.
Ce n’est pas le contenu de l’enseignement qui agit, mais LA PERSONNE QUI PARLE.
Jésus proclamait la venue du Royaume de Dieu : à présent, tout de suite, l’intérêt se porte sur l’identité de celui qui fait cette annonce et qui a autorité non seulement de s’exprimer sans références mais d’éliminer les puissances mauvaises qui souillent l’homme et l’éloignent de Dieu. « Un plus fort que moi va venir » annonçait Jean-Baptiste qui butait, comme tous les scribes et les prophètes, sur le mur du refus.
L’assemblée est heurtée, « saisie de frayeur » : elle perçoit que l’écoute de la Parole de Dieu n’est pas nécessairement anodine, banale. Que l’on ne vient pas « assister à un office » pour « être en règle », ni pour écouter « quelqu’un qui parle bien ». Mais qu’il s’agit de se présenter devant Dieu comme des malades profonds en quête de guérison. On ne vient pas à « un exercice pieux » : on vient « pour se laisser convertir », pour changer, se laisser arracher des habitudes auxquelles on tenait trop, pour dépasser l’accoutumance au mal, devenir des « hommes nouveaux » grâce à « un enseignement nouveau ».
Et il n’y en eut qu’UN seul à la synagogue ce jour-là ! Le plus difficile peut-être, ce n’est pas d’envisager un changement mais de se lancer seul tout en voyant que les autres ne bougent pas. Ah ! si chaque Eucharistie provoquait UN chrétien à proclamer : « Je sais qui est Jésus : le Saint de Dieu, mon Sauveur ! ».
Pourquoi tant de baptisés ont-ils quitté l’Eglise ces dernières années ? N’est-ce pas parce qu’ils ont reçu des sacrements et des enseignements (moraux, liturgiques, sociaux) sans avoir au préalable été interpelés de façon personnelle par l’annonce du « kérygme » qui leur aurait fait faire « une expérience » de la foi ?
Comment, après tant de siècles d’Eglise, dans des pays habitués au christianisme, faire retentir l’Evangile comme une « Nouvelle » inouïe, jamais entendue ?…
Raphaël D. dominicain
Quatrième dimanche dans l’année B
Marc nous raconte que, dès le sabbat arrivé, Jésus se rend à la synagogue. Il y prend la parole, ce qui est habituel pour tout homme adulte sachant lire distinctement l’hébreu. Mais là où il impressionne son auditoire, c’est par l’ « autorité » de ses paroles. Il fait autorité d’une autorité qui libère et fait grandir. On rencontre parfois de ces personnes qui nous laissent bouche bée, non tant par leurs paroles que par la manière dont elles les habitent. Il n’y pas chez elles d’hiatus entre leurs mots et leur vie profonde Jésus est de cette trempe. Quand il parle, on ne peut qu’être touché. Jésus est ce prophète semblable à Moïse dont parlait le première lecture, dans la bouche duquel Dieu a mis ses paroles..Plus encore : il ne dit pas la parole de Dieu. Il est la Parole de Dieu faite chair. Il ne se contente pas de la commenter, il la manifeste par sa seule personne. Il ne dit pas seulement la Bonne Nouvelle de Dieu : Il est cette Bonne Nouvelle.
Peut-être pourrions-nous regretter de n’avoir pas été ce jour là dans la synagogue de Capharnaüm pour l’entendre. Mais Jésus est toujours là. Il prononce encore les mêmes paroles, aussi fortes et aussi libres.. Il le fait par le livre de la Parole, par toute la Bible, Ancien et Nouveau Testament. Il nous révèle la miséricorde du Père. En certaines circonstances, les paroles de l’Esprit nous sont données du fond du cœur. « Ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Matthieu 10, 19-20). Chaque fois que nous lisons avec foi ainsi ces paroles, chaque fois que nous rejoignons notre cœur profond, nous permettons au Christ de parler aujourd’hui avec des mots d’aujourd’hui.
« Il y avait dans leur synagogue un homme possédé par un esprit mauvais ». L’esprit impur n’’a pas empêché d’aller à la synagogue le sabbat. Le fond de son cœur reste ouvert à Dieu. Mais il est habité par un esprit impur, c’est-à-dire par un esprit qui l’empêche d’être complètement lui-même. Nous sommes un mélange de bon et de mauvais qui ne nous permet pas d’être complètement donnés à Dieu, d’être « attachés au Seigneur sans partage », comme le disait Paul dans le 2e lecture. Dès que cet homme voit Jésus, il se met à crier. L’esprit impur a reconnu l’ennemi qui va le terrasser. Le démon a senti la présence de la sainteté divine. Il tremble devant Celui qui va l’expulser. « Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? », nous dit saint Jacques. « Tu as raison. Les démons, eux aussi, le croient, mais ils tremblent de peur » (Jacques 2, 19).
Jésus, derrière ces vociférations, a entendu la souffrance du pauvre, du frère, du bien-aimé de Dieu : « Silence, sors de cet homme ! »Il vient nous débusquer dans nos complicités secrètes avec les ténèbres. Il vient nous délier de tout ce qui nous empêche d’être nous-mêmes. Il vient nous restaurer dans notre liberté filiale. Contemplons en son visage l’image de l’infinie miséricorde du Père. Sa seule puissance, c’est celle de l’amour. L’amour et la bienveillance désarment le mal. ” Silence ! “ dit-il… Dans ce silence cet homme jadis tourmenté va renaître à la paix intérieure. Avec les témoins stupéfaits de cette humble et douce autorité victorieuse de toute mort, étonnons-nous au seuil du mystère: « Qu’est-ce que cela veut dire ? »
Entrons dans le silence pour nous laisser délivrer par Le Seigneur et recevoir par Lui « les dons les meilleurs, les présents merveilleux, qui viennent d’en haut et descendent tous d’auprès du Père de toutes les lumières » (Jacques 1, 17).
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