Homélie du Jeudi Saint
Abbé Jean Compazieu | 20 mars 2013Textes bibliques : Lire
En ce Jeudi Saint, nous nous souvenons avec toute l’Eglise de la dernière Cène du Seigneur. C’est au cours de ce repas que Jésus a institué l’Eucharistie et le sacerdoce. Matthieu, Marc et Luc nous disent ce qui s’est passé avec Jésus et les apôtres au cours de ce repas pascal. Pour nous y réparer, nous avons lu le récit de l’Exode (première lecture). Nous y trouvons des consignes données par Dieu au peuple Hébreu pour célébrer la Pâque. C’était un peu avant la sortie d’Egypte. C’est là que le peuple d’Israël était esclave. Il y était victime d’une oppression de plus en plus pesante et sanguinaire.
La première lecture nous décrit tout le rituel que les hébreux devaient observer en souvenir de ce passage vers la Terre Promise. Tous les ans, la famille ou le voisinage devaient se réunir pour le repas pascal en souvenir de la nuit de délivrance d’Egypte. La Pâque est un repas que l’on prend debout, en tenue de voyage, pour gagner le pays où l’on vivra libre.
Jésus a célébré la Pâque au cours de cette fête des Hébreux. Cette célébration gardera toujours cet aspect communautaire. C’est le peuple de Dieu tout entier qui fête sa liberté retrouvée en Jésus Christ. Il y aura toujours ce caractère provisoire : cette liberté que Dieu nous donne est toujours devant nous. Elle n’est jamais vraiment acquise une fois pour toutes. Pour en bénéficier, il nous faut toujours marcher avec le Christ. Il nous faut lutter avec lui pour la conquérir. Il n’est jamais question de nous installer définitivement dans notre situation, dans notre foi, dans notre péché. Nous sommes sans cesse invités à nous laisser déraciner par le Christ pour aller toujours plus loin. La messe du Jeudi Saint et les célébrations de ces trois jours nous réinstallent dans le monde la libération. Elles nous rappellent que nous sommes « appelés à la liberté. »
Comme pour celle des Hébreux, la Pâque des chrétiens est un témoignage communautaire. Avec toute l’Eglise, nous avons à témoigner de notre foi dans le monde. Ils sont nombreux ceux et celles qui ne croient pas. Certains se sont installés dans l’indifférence. Nous ne sommes pas envoyés pour « faire croire mais pour dire ». Il s’agit pour nous de participer activement à cette communauté de foi. Le Dieu que nous célébrons continue à vouloir libérer son peuple. Le principal travail, c’est lui qui le fait dans le cœur des hommes.
Dans la seconde lecture, Saint Paul vient nous rappeler dans quelles conditions doit être célébré le repas pascal. Son message a été écrit pour des chrétiens qui étaient divisés par des jalousies et des mesquineries. Avant de célébrer l’Eucharistie, il faut en sortir car ces disputes sont en contradiction avec la messe. Sans la charité, la communion n’est qu’une hypocrisie. Comprenons bien : nous sommes rassemblés pour proclamer la mort du Seigneur, célébrer sa résurrection et lui dire que nous attendons sa venue. C’est la nouvelle alliance entre Dieu et le monde. Nous prenons conscience de l’amour extraordinaire de de Dieu pour l’humanité. Nous n’aurons jamais fini de méditer sur cette générosité qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Il est important que notre vie et nos rapports entre nous soient en accord avec cet amour de Dieu.
L’évangile de saint Jean ne nous parle pas directement de l’Eucharistie. Mais il nous en donne le sens. Jésus nous montre qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Mais cet amour doit se traduire par des gestes concrets, sinon c’est du rêve. En lisant cet évangile, nous apprenons du Christ à nous aimer en actes et pas seulement en paroles. Plus tard, l’apôtre Paul reprendra ce même message : J’aurais beau faire de grandes choses, même au service des autres, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
Aujourd’hui, nous voyons Jésus laver les pieds de ses disciples. Cet humble service était normalement celui que l’esclave rendait à son maître. En accomplissant ce geste, Jésus a une intention cachée. Pour le moment, Pierre ne peut pas comprendre. Il lui faudra attendre après la résurrection de son Sauveur. En ce Jeudi Saint, le lavement des pieds n’est qu’un signe de l’amour du Christ pour les siens. La preuve suprême leur sera donnée le lendemain par sa mort sur la croix. Le Seigneur ressuscité confirme ce geste de son amour quand il nous lave de son sang au baptême. C’est ainsi qu’il nous donne part à sa vie près de son Père.
Le grand message de ce jeudi Saint c’est que Jésus fait de nous ses amis intimes. Cela vaut la peine de nous arrêter pour connaître ses désirs sur nous. Il se donne à nous pour nous communiquer sa vie, son amour. C’est de cela que nous avons à témoigner dans nos familles, nos lieux de vie et de travail. Le Christ a livré sa vie pour nous et pour la multitude. Notre amour doit être de plus en plus à la mesure du sien, de plus en plus universel. C’est cet amour que les chrétiens célèbrent dans l’Eucharistie.
Nous sommes là pour reconnaître tout ce que le Seigneur a fait pour nous. Nous voulons l’accueillir, nous en émerveiller. Nous voulons l’accueillir avec tous les croyants et avec tous nos frères et sœurs en humanité. « Jamais sans les autres », telle est la condition pour vivre comme Jésus. Nous sommes entrés dans cette Semaine Sainte où l’amour se manifeste en actes. C’est un amour toujours à l’œuvre aujourd’hui et chaque jour.
Oui, Seigneur, donne-nous de t’aimer en toute humilité. Donne-nous de t’aimer dans ton amour pour chacun. Donne-nous de les aimer proches et lointains comme tu les aimes, un amour qui s’éprouve et se prouve.
Sources : Revues signes, Feu Nouveau, Lectures bibliques des dimanches (A Vanhoye), Missel communautaire (André Rebré)