Dimanche des Rameaux et de la Passion
Abbé Jean Compazieu | 29 mars 2009Textes bibliques : Lire
La liturgie de ce dimanche nous fait vivre une fête qui se termine en drame. Jésus monte à Jérusalem ; il est acclamé par la foule. Mais lui, Jésus, sait très bien que c’est sa dernière montée vers cette ville. C’est l’heure où le Berger va donner sa vie pour ses brebis. Ses disciples vont être désemparés par sa mort. Plusieurs fois, il leur en avait parlé. Mais pour eux, cela n’était pas possible. Alors il va essayer de les éclairer et de fortifier leur foi. Il organise lui-même une entrée solennelle à Jérusalem. Il avance, assis sur un ânon, comme le berger au milieu de son troupeau. Les gens l’acclament comme un prophète et il les laisse faire.
“Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur…” Cette joyeuse foule avait bien raison. Jésus est vraiment l’envoyé de Dieu. Mais c’est un autre chemin qu’il prendra quelques jours plus tard. Au lieu d’aller vers le temple de Jérusalem, c’est vers le Calvaire qu’il montera. Il ne sera plus là comme un roi au milieu de ses sujets mais comme un malfaiteur condamné à la mort la plus humiliante, celle qui était réservée aux criminels et aux terroristes. Il devra porter lui-même sa croix, une croix lourde de tous nos péchés.
Pilate fera placer une inscription au dessus de sa tête : “Jésus de Nazareth, roi des juifs.” Il ne croyait pas si bien dire : Jésus est vraiment Roi, pas seulement des juifs mais aussi de l’univers entier. Tout au long de cette semaine sainte, nous serons invités à suivre ce Jésus sur le chemin du Calvaire. Nous tournerons notre regard vers cette croix qui nous rappelle à quel point Dieu nous a aimés. Nous nous rappellerons cette parole de l’évangile : “Il n’y a pas de plus grand amour que de sonner sa vie pour ceux qu’on aime.” Nous avons un peu trop l’habitude de la croix du Christ. Mais pour Paul avant sa conversion, c’était inimaginable.
C’est pour le salut du monde que le Christ a donné sa vie sur la croix. Quand une personne est malade et à moitié inconsciente, le seul moyen de la sauver c’est une perfusion. Notre monde malade a lui aussi besoin d’une perfusion d’amour. C’est cela qui va se passer au cours de la semaine sainte. Le Christ est descendu au fond de notre désespérance pour y déposer cet amour qui vient de Dieu. Au-delà de la nuit, il fait naître un jour nouveau. Il n’y a plus aucune obscurité qui échappe à sa présence. Avec tous les chrétiens du monde entier, nous faisons monter une prière unanime : “Toi qui es Lumière, Toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour.”
(D’après diverses sources)
En ce dimanche, je voudrais attirer notre attention sur un homme qui passe inaperçu dans ce long récit de la Passion. Et pourtant, il aurait beaucoup de choses à nous dire. Il s’agit de Simon de Cyrène, celui qui a aidé Jésus à porter sa croix sur le chemin du Calvaire. Nous ne savons pratiquement rien de lui sinon qu’il était originaire de Cyrène. Et Cyrène c’est en Afrique du Nord. C’était donc un étranger. Cet homme finissait sa matinée de travail et il rentrait chez lui pour un repos bien mérité. Mais les soldats romains l’ont réquisitionné pour porter la croix de Jésus.
Ce qui nous frappe chez Simon c’est son anonymat mais aussi la place privilégiée qu’il a prise dans le mystère de la Passion du Christ. C’est un anonyme. On n’a pas reparlé de lui. Il n’a pas eu sa place dans le catalogue des saints. Il est entré dans la nuit et l’oubli de l’histoire. Et pourtant… on peut dire qu’il a eu une place extraordinaire. Il est le seul qui a porté la croix du Christ. Il était seul à côté de lui. En acceptant cela, il a été le partenaire de l’événement le plus bouleversant de l’histoire : C’est le chemin de croix où Dieu lui-même a donné sa vie pour que tous les hommes soient sauvés. En cette heure d’épreuve extrême, Dieu a besoin d’un homme. Simon qui ne faisait que passer par là est devenu le premier disciple de Jésus. Sans le savoir il a répondu à l’appel de celui qui avait dit : “Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive !”
Et voilà que Simon a pris la place de disciple bien avant les Douze qui s’étaient enfui, bien avant cet autre Simon qui l’avait renié. Il s’est compromis avec un homme condamné, rejeté et méprisé de tous. Ce Simon de Cyrène est le frère de gens très simples. Pensons à tous ceux et celles qui se dévouent au service des plus pauvres, des exclus.
Nous vivons dans un monde dur. Beaucoup de jeunes sont inquiets pour leur avenir. La solitude de certains est très lourde à porter. Ils sont de plus en plus nombreux ceux et celles qui sombrent dans le désespoir. Simon de Cyrène nous montre le chemin de la solidarité. Lui le lointain s’est fait le prochain. Comme lui, nous entendons l’immense appel à porter les croix les uns des autres.
Chacun de nous pense à ce malade que l’on va visiter chez lui ou à l’hôpital, ce prisonnier avec qui on reste en contact, cette personne déprimée qui a besoin d’être écoutée et encouragée. Dans bien des familles chacun a ses problèmes et ses souffrances. Mais il est important que des personnes soient là pour aider celui ou celle qui souffre à porter sa croix. A travers tous ces souffrants que nous croisons sur notre route, c’est Jésus qui est là. Tout ce que nous faisons pour le plus petit d’entre les siens c’est à lui que nous le faisons.
Nous allons vivre ensemble cette semaine sainte. Pour tous les chrétiens du monde entier, c’est un moment important de l’année. Avec Simon de Cyrène, nous suivrons Jésus sur le chemin du Calvaire. Sa mort, le vendredi saint, n’est pas un point final. Elle est un « passage » de ce monde vers le Père. C’est ainsi que Jésus est venu nous ouvrir un chemin qui permet à toute l’humanité d’entrer dans la gloire du Père. Les uns avec les autres nous chanterons et nous proclamerons : « Souviens-toi de Jésus Christ ressuscité d’entre les morts. Il est notre salut, notre gloire éternelle. »
Dimanche des Rameaux — 5 avril 2009
Célébrer et Revivre le Mystère Pascal
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A l’orée de la Semaine Sainte et puisque nous célébrons une “année Saint Paul”, contemplons le grand apôtre.
A partir du moment où il rencontra le Christ vivant, ou plutôt où le Christ vint à sa rencontre, quel fut son unique but, sa seule préoccupation, sa passion inextinguible ? :
Annoncer Jésus le Christ crucifié et ressuscité
et créer partout des communautés fondées sur cette foi.
Pour accomplir cette mission, Paul parcourut à pied des milliers de km, logea à la belle étoile, supporta soleil torride, orages, nuits glaciales; il risqua les dangers des loups et des bandits, subit sarcasmes, vexations, injures, fut arrêté, jeté en prison plusieurs fois, giflé, flagellé, roué de coups.
Rien n’arrêta son élan, nulle menace ne le détourna de la mission capitale qu’il avait reçue. Son ultime projet fut de gagner l’Espagne pour y proclamer le Christ mais il fut arrêté, conduit à Rome, condamné et décapité. Il avait environ 60 ans. Enfin il allait revoir Celui qui l’avait saisi sur le chemin de Damas.
Près de 20 siècles ont passé. A Salonique, à Corinthe, à Ephèse, des ruines témoignent de la splendeur passée de ces grandes cités. Oubliés les hommes politiques qui les dirigeaient, les sportifs acclamés par les stades en délire, les célèbres acteurs adulés par le public.
Mais Paul a réussi son projet: les Eglises qu’il a fondées ont traversé l’histoire. Des dizaines de générations de croyants ont transmis le flambeau de la foi, ont continué la “paroisse” que Paul avait un jour créée et aujourd’hui encore des assemblées célèbrent l’Eucharistie et écoutent encore les cris célèbres de l’apôtre Paul :
“J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous sinon Jésus Christ et Jésus crucifié…
Ma vie présente, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi…
Pour moi, jamais d’autre titre de gloire que la croix de notre Seigneur Jésus Christ: par elle, le monde est crucifié pour moi, comme moi pour le monde…
Je peux tout en Celui qui me rend fort…”
Les modes passent: la communauté chrétienne a la clef de l’avenir.
PAUL NOUS PARLE ENCORE
“L’année Saint Paul” ne se réduit pas à un moment de souvenir nostalgique: elle nous appelle à partager cet amour du Christ, à faire mémoire de la Croix et de la Résurrection, à réactiver notre foi, à renforcer notre témoignage. L’apôtre serait étreint de tristesse de voir cette foule immense de baptisés qui, pris par le matérialisme et confondant foi chrétienne avec vague religiosité, se sont détournés de la vie quotidienne de leur Eglise.
Il crierait aux jeunes: ” Je vous en supplie: revenez au Christ et à son Eglise. Rejoignez la communauté pour vivre de la Parole de Dieu et partager le Repas du Seigneur. Rendez-vous compte des périls qui menacent ! Sortez des ornières du confort et de l’indifférence! Retrouvez l’urgence d’une spiritualité authentique ! Ne laissez pas le monde courir à l’abîme !”.
Et il nous lancerait, à nous les anciens: ” Ouvrez les portes au Christ, brisez vos routines, ne vous résignez pas, accueillez un avenir différent, secouez la poussière, osez témoigner de votre foi !”
CELEBRER AUJOURD’HUI LA MORT ET LA RESURRECTION
Célébrer la Semaine Sainte, refaire l’itinéraire tragique et glorieux de notre Sauveur au long de ces prochains jours, nous serrer ensemble pour être le petit peuple bouleversé par la croix, par l’amour infini manifesté par Jésus: voilà à quoi nous sommes invités maintenant.
Un évêque vient de dire: ” Il n’y a pas trop peu de chrétiens: il y a trop de chrétiens qui ne le sont pas !”
Nous ne voulons plus être des chrétiens routiniers. Avec toutes nos pauvretés, conscients de nos faiblesses et de nos lâchetés, nous relisons le récit de la Passion où se dévoile l’ignominie de l’humanité: versatilité des foules qui hurlent à mort contre un pauvre homme qu’elles acclamaient quelques jours auparavant, orgueil des puissants qui croient posséder la vérité, traîtrise d’un apôtre, reniement de l’autre, lâcheté du juge, vilénie des gens qui injurient un homme en train d’agoniser sur la croix.
Il serait trop facile, et faux, d’accuser tous ces acteurs de la passion pour nous donner bonne conscience. Avouons-le: nous aussi, aujourd’hui, nous ne défendons pas notre Maître, nous le trahissons par nos péchés, nous sommes gênés de confesser notre foi, nous adoptons des mœurs païennes.
Mais la merveille se réalise pour nous comme jadis pour les Apôtres: comme eux, nous savons que le Christ Vivant revient vers nous afin de nous offrir son infinie miséricorde.
A l’exemple de Pierre et de Paul, chacun de nous peut dire: ” C’est pour moi que Jésus a accepté ces terribles souffrances, c’est pour moi qu’il a subi ce supplice. Mais c’est pour moi, pour nous, les croyants, qu’il est ressuscité. Convertissons-nous à lui et nous pouvons vivre ensemble dans la joie de sa Vie partagée”.
Paul avait compris que la mort et la résurrection de Jésus constituaient le pivot de l’histoire, que cet événement marquait la fin de l’ancien monde et inaugurait un Royaume où il n’y a plus Juifs et Grecs, Blancs et Noirs, patrons et ouvriers, nantis et démunis mais où tous nous sommes UN en Jésus Christ, purifiés par son sang et animés de la vie de son Esprit.
Lors des funérailles de notre cher curé, on a beaucoup évoqué sa bonne humeur, son entrain, son ouverture; on n’a pas dit combien il avait souffert en secret de voir tant de petits communiants et de jeunes couples abandonner l’Eglise, tant de baptisés n’ayant plus faim de partager le Pain du Christ.
Comment est-il possible de renoncer à l’Eucharistie, foyer de la foi ?…
Car être chrétien, c’est, en même temps et de façon indissoluble, croire au Christ vivant et être membre d’une communauté réelle, vivante, active.
Oui l’Eglise est très imparfaite et ses liturgies parfois mornes, mais Christ l’a tant aimée ( et son pape Pierre qui l’avait renié ) qu’il a donné sa vie pour elle.
Dans ses lettres, Paul pointe les défaillances de ses communautés, mais jamais il n’aurait manqué la réunion qu’elles vivaient chaque dimanche quand, à tous ses frères et sœurs, Jésus offrait son Corps et son Sang – gages éternels de son amour offert une fois pour toutes.
L’Eucharistie, mémoire de Pâques, enflammait les chrétiens de charité et leur donnait la force d’affronter toutes les persécutions.
Décidons-nous: vivons cette semaine dans la prière, rassemblons-nous pour fêter la Pâque, le passage du Seigneur, redisons-lui notre gratitude pour son Amour, fêtons sa victoire sur le mal.
Cela est de la plus grande urgence.
Ce n’est pas obligatoire: c’est vital et indispensable
R. D… , dominicain
Un rameau n’est pas un talisman mais le signe que nous accueillons Jésus,
un Sauveur qui accepte la croix par amour pour nous.
Laissons entrer le Christ dans nos cœurs et dans nos vies.
PRIÈRE UNIVERSELLE
Acclamant le Seigneur qui, pour nous sauver, va au devant de sa Pâque,
confions-lui les attentes de tous les hommes.
Pour tous nos frères et sœurs chrétiens qui entrent avec nous dans cette Semaine sainte, et pour tous ceux pour qui cette semaine sera une semaine comme les autres… Seigneur Jésus, nous te prions !
Pour les personnes, les familles, les peuples, au plus profond de la détresse, et pour tous ceux qui leur viennent en aide…
Pour tous ceux qui connaissent la terrible expérience du mépris, du rejet et pour celles et ceux qui portent sur eux un regard fraternel et solidaire…
Pour tous ceux qui sont affrontés à la mort, et pour celles et ceux qui accompagnent des familles dans le deuil…
Dieu notre Père, tu as exaucé le cri de ton Fils, à l’heure de sa Passion. Tu exauceras aussi l’immense clameur de ceux qui souffrent et que Jésus te présente aujourd’hui par nos lèvres. Lui qui règne avec toi pour les siècles des siècles. Amen.