Homélie du 30ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 18 octobre 2014
Tu aimeras…
Textes bibliques : Lire
Pour comprendre les textes bibliques de ce dimanche, il faut dépasser la leçon de morale. Le Seigneur a un message important à nous transmettre. Ce qui est premier, c’est l’alliance entre Dieu et les hommes. Il vient nous libérer de toutes les aliénations qui nous enferment dans l’esclavage. Il continue à nous rejoindre dans nos préoccupations d’aujourd’hui. Il insiste en particulier sur l’accueil de l’étranger. En Dieu tout homme devient un frère à aimer. Alors que nous oscillons entre l’homme et la bête, Dieu nous donne sa loi pour que nous vivions. C’est un cadeau qu’il nous fait pour nous indiquer un chemin d’humanisation et de divinisation. Notre modèle c’est lui. C’est avec lui que chacun peut choisir la vie.
Dans la seconde lecture, Paul montre précisément aux Thessaloniciens ce qu’est l’amour de Dieu. Il leur souhaite de répondre dignement à cet amour qui est en lui. Ils sont tous appelés à devenir pour ceux qui les entourent des modèles de foi et d’amour. Ils viennent d’être libérés des idoles aliénantes. Ils sont maintenant invités à se tourner vers le vrai Dieu et à travailler activement à l’avènement de son Royaume. C’est important pour nous aujourd’hui. Nous vivons dans un monde difficile : les chrétiens y sont critiqués, tournés en dérision ou persécutés. C’est un test de la vraie foi : on n’y échappe pas ; cela arrive sans l’avoir cherché. C’est la logique de l’Evangile qui ne cesse jamais de se vérifier.
L’Evangile nous montre que Jésus a beaucoup souffert de ces persécutions. Les chefs religieux se sont mis à le harceler de questions pour le piéger et le dénoncer. Nous avons entendu celle d’aujourd’hui : “Dans la loi, quel est le plus grand commandement ?” Oui, c’est une question importante. Mais ici c’est un piège pour coincer Jésus. Ses adversaires l’accusent de ne pas respecter la loi de Moïse : il ne respecte pas le Sabbat qui interdit toute activité ; il accueille les pécheurs ; il touche les lépreux ; il va vers les exclus. Tout cela avait été interdit par Dieu dans la loi de Moïse.
Quel est le plus grand de tous les commandements ? La question mérite d’être posée car il y en a 613. Où est le plus important ? La réponse, nous la trouvons dans la Bible : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur” (Dt 6. 5) “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Lv 19, 18). Ce qui est premier, c’est l’amour et non la loi pour la loi. Tout ce qu’il y a dans la Bible, tout ce qui doit être fait, dépend de ces deux commandements.
Cet Evangile nous interpelle tous : que valent nos prières s’il n’y a pas un vrai amour de Dieu et de nos frères ? Les deux vont ensemble. Ils ne peuvent aller l’un sans l’autre. Nous ne pouvons pas aimer Dieu sans aimer notre frère. Et nous ne pouvons pas nous occuper du frère en abandonnant Dieu. Pour être un bon chrétien, nous avons besoin d’être reliés au Christ par la prière, l’Eucharistie et les sacrements. Ces rendez-vous avec le Seigneur sont essentiels. Mais ils doivent aller de pair avec le service du frère dans notre vie de tous les jours. Nous n’avons pas à choisir entre Dieu et l’homme. Depuis Jésus, les deux vont ensemble. Sur la croix, il est entièrement tourné vers le ciel, mais ses bras sont étendus vers tous les hommes du monde entier. C’est pour l’humanité toute entière qu’il a livré son Corps et versé son sang.
Cet appel à aimer à la manière de Jésus nous rejoint dans¬¬ un mode dur et violent. Toutes ces guerres, ces attentats, ces enlèvements, ces exécutions sommaires, ce n’est pas supportable. De même, ce pouvoir de la finance qui enfonce les plus pauvres dans la misère, c’est absolument intolérable. C’est dans ce contexte que l’Eglise s’efforce de rester fidèle au grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Elle est partout présente pour annoncer l’Evangile du Christ mais aussi pour servir l’être humain dans sa globalité. Des chrétiens s’organisent pour aider les plus démunis à sortir de leur pauvreté. Ils nous invitent tous à les rejoindre. Il importe que notre charité soit active et généreuse. Le Seigneur est là pour nous montrer le chemin.
Nous faisons monter vers le Seigneur cette prière de Saint François :
« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.
Sources : Revue Feu Nouveau – C’est Dimanche (Emmanuel Oré) – Semainier Chrétien –Lectures bibliques des dimanches et fêtes (A Vanhoye) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes.
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30ème dimanche ordinaire – année A – 26 octobre 2014 – Evangile de Matthieu 22, 34-40
QUAND ON N’A QUE L’AMOUR . . .
Sur l’esplanade du temple, les ennemis de Jésus se succèdent pour le piéger mais il a toujours la réponse sensée et adéquate : oui il faut payer le tribut à l’empereur de Rome (contre les zélotes et la révolution violente) ; oui il y a résurrection des morts (contre les grands prêtres sadducéens – épisode sauté cette année) ; oui l’amour est le cœur de Dieu et de la Loi (contre les arguties et les règlements des légistes). En effet il y avait un 3ème problème débattu dans les écoles théologiques: quel est le principe essentiel de la Loi ? C’est l’évangile de ce jour.
Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? ». Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ». Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Si même ils comptaient dans leurs rangs certains hypocrites et faux dévots, les pharisiens étaient des laïcs extrêmement soucieux d’observer la Loi de Dieu dans tous ses détails ; leurs légistes s’appliquaient sans arrêt à scruter les Ecritures et à préciser les préceptes à enseigner au peuple afin qu’Israël soit vraiment le peuple de Dieu. Dans l’amas des lois et des traditions, il fallait dégager l’essentiel de l’accessoire et les opinions divergeaient : qu’est-ce qui est le plus important : le shabbat ? la circoncision ? la prière ? l’alimentation casher ? le jeûne ? les fêtes ? l’aumône ?….
Jésus fournit la réponse essentielle, celle qui, jusqu’à la fin des temps, éclaire la conduite humaine.
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ».
Voilà le grand, le premier commandement.
Jusqu’à aujourd’hui encore, tout Juif doit, matin et soir, prononcer la profession de foi essentielle appelée le « shema » : « Ecoute, Israël, YHWH notre Dieu est YHWH un. Tu aimeras….. » ( Deuter 6,4). Il n’y a donc qu’un Dieu (Elohim créateur) mais il s’est révélé sous le nom de YHWH (Je suis) lorsqu’il a libéré les Hébreux de l’esclavage, leur a fait passer la mer, a fait alliance avec eux au Sinaï, leur a donné sa Loi, les a guidés à travers le désert jusqu’à la terre promise.
Donc au point de départ et au fondement de tout, il y a l’amour gratuit et actif de YHWH le Seigneur : écoute tout ce que le Seigneur a fait pour toi. En réponse, il est demandé à Israël d’être reconnaissant, de craindre YHWH, de le servir, d’observer ses lois et même de l’aimer. « Tu aimeras » n’est donc pas un précepte arbitraire mais un dû pour un reçu. C’est parce que tu es aimé (ce que l’histoire de tes ancêtres te révèle et te prouve) que tu dois aimer en retour. L’amour de Dieu est reçu afin d’être donné : il consiste donc à imiter YHWH : libérer le prisonnier, le guider, l’éclairer, lui donner un projet.
Cet amour pour YHWH requiert toute l’existence du croyant.
— « de tout ton cœur » : en hébreu le mot ne désigne pas l’affectivité, la sentimentalité mais le centre où la personne crée sa vie, là où elle raisonne, veut, décide, s’engage.
— « de toute ta vie » : l’amour pour Dieu n’est pas un secteur de la vie, il ne se réduit pas à une vague croyance, à des services religieux, à des liturgies : il doit être total, engager toute l’existence. La foi, c’est donner sa vie à Dieu jusqu’à parfois en mourir.
— « de toute ta pensée » : (dans le texte original du Deutéronome il est dit « de tout ton pouvoir »). Puisque notre amour pour Dieu est réponse au sien, il ne se déploiera, ne croîtra, ne subsistera que si nous gardons mémoire des bienfaits que nous avons reçus et dont nous sommes comblés. La Bible exhorte sans cesse à « se souvenir », à faire mémoire (Deut 6, 12…) L’oubli de ce que Dieu fait pour nous entraîne la tiédeur, le laisser-aller.
Donc l’amour du Dieu UN pour l’homme le rend UN, l’unifie, guérit son déchirement, l’apaise, le comble. La foi est bonheur, rectitude lorsque l’homme, luttant contre ses péchés, poursuit son combat pour finaliser toutes ses facultés vers Dieu. Et cet élan sera encore plus fort lorsque le croyant apprend, par l’évangile, que ce YHWH est son Père à qui il peut s’adresser en toute confiance comme un fils bien-aimé.
Et le second lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
La réponse semblait suffire à la question (le grand commandement) mais voilà qu’elle se prolonge par un « second commandement » qui résonne comme la suite inséparable du premier. Cette fois Jésus recourt au « Code de Sainteté » du Lévitique qui est scandé par l’exhortation solennelle : « Soyez saints car je suis saint, moi YHWH, votre Dieu ». Cette sainteté est tout de suite précisée non par des pratiques religieuses (mystiques ou ascétiques ou miraculeuses) mais par l’amour du prochain et surtout du pauvre : « Tu abandonneras le coin de ton champ pour le pauvre …N’exploite pas ton prochain et ne le vole pas…Ne commets pas de jugements injustes…N’aie pas de pensée de haine contre ton frère ». Et qui se poursuit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lév 19, 18). Le monothéisme inculqué par les prophètes est moral, éthique, il établit des relations justes entre les humains.
Déjà « la règle d’or » était soulignée dans le Sermon sur la montagne : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : c’est la Loi et les Prophètes » (7, 12).
Ici encore l’impératif de l’amour découle d’un indicatif : parce que tu as de l’amour pour toi, tu dois prodiguer la même mesure d’amour pour autrui. Ce qui d’ailleurs ne va pas sans poser un problème : est-ce que nous nous aimons vraiment ? « Il est plus facile qu’on ne croit de se haïr » disait le petit curé de campagne de G. Bernanos – ce que des psychanalystes confirment.
Nous sommes renvoyés au début, à l’amour immense de Dieu pour chacun d’entre nous : la foi c.à.d. la confiance en Dieu Père autorise à nous aimer nous-mêmes, sans suffisance, et du coup nous sommes portés à partager avec le prochain cette charité reçue à profusion.
Dieu t’aime – donc aime-le…donc tu peux t’aimer en vérité…et ainsi aimer ton prochain
De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Toute la Révélation divine est « suspendue » (traduction précise du verbe) à ces 2 commandements qui doivent donc susciter, provoquer, épanouir toute l’existence humaine. Liturgie, piété, actions n’ont sens que pour déployer les urgences de l’amour.
La relation verticale à Dieu « croise » la relation horizontale avec autrui ; foi et charité s’entraident, se réchauffent, se renforcent l’une l’autre en ce lieu de la croix où l’homme naît à son histoire. Saint Jean avait bien compris que le double commandement rayonnait à partir du Fils crucifié (1ère lettre 4, 7-12)
« Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres car l’amour vient de Dieu et quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. Qui n’aime pas n’a pas découvert Dieu puisque Dieu est amour…Voici ce qu’est l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d’expiation pour nos péchés. Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu : personne ne l’a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour en nous est accompli »
Raphaël D. Dominicain
Après toutes ces belles homélies de Jean, Raphaël, Charles, ces commentaires d’une telle richesse, on se sent un peu à court d’idées !
Après tout, nous, humbles chrétiens, paroissiens actifs, impliqués dans la vie de nos paroisses, on ne peut qu’acquiescer à tout ce qui a été si bien dit : AIMER ! Voilà ce que Jésus nous demande tout simplement. Facile ? pas toujours, quand on vous a maltraités, volés, dit du mal contre vous…
On se trouve parfois dans la situation du conducteur qui priait son chapelet et fait marche arrière… Se convertir, pardonner; seul chemin pour mettre en pratique le commandement de l’Amour :
“Tu aimeras ton Dieu de tout ton coeur, de toutes tes forces, de tout ton esprit et ton prochain comme toi même”.
Comme nous le dit si bien St. Jean : “si tu dis que tu aimes Dieu et que tu n’aimes pas ton prochain, tu es un menteur”.
Aimer le prochain qui n’est pas bien beau, bien propre, qui vous demande une pièce, ne pas avoir peu de lui serrer la main; saluer d’un geste de la main l’éboueur qui fait un travail si ingrat, lui montrer qu’on le considère… son sourire vous fait chaud au coeur.
AIMER et se tenir prêt; tous les textes de ces derniers dimanches nous invitent à la conversion, à la réconciliation, nous préparent à fêter dans la joie la fête de la Toussaint. Alléluia !
Un grand merci aussi à Soeur Claire et Marie Noëlle pour leurs commentaires.
Un grand merci à Raphaël D pour son commentaire sur “QUAND ON N’A QUE L’AMOUR”