Homélie du 6ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 3 février 2018
Tenu à l’écart
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Pour comprendre la 1ère lecture, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Jusqu’aux débuts de l’ère chrétienne, la lèpre était considérée comme un signe du péché que Dieu punissait ainsi. Celui qui était contaminé par cette maladie devait donc adopter une attitude pénitentielle, vêtements déchirés, cheveux en désordre. Il était tenu à l’écart car la lèpre le rendait impur et l’excluait du culte. Nous chrétiens, nous savons bien que l’image de Dieu en nous est abimée par le péché. Il provoque une défiguration bien plus grave que celle de la lèpre. Notre complicité avec le péché est pire que la contagion de cette maladie. Il se propage bien plus vite.
Mais avec Jésus, le mal n’a pas le dernier mot. L’Évangile nous le montre circulant vers les lieux inhabités : arrive un lépreux qui s’agenouille devant lui et qui le supplie : “Si tu le veux, tu peux me purifier.” À travers cette prière, il confesse deux choses : son impureté et la puissance du Seigneur. Et il en implore une troisième : le bienfait.
Il est étonnant de voir l’audace de cet homme. Il savait bien que tout contact avec lui rendait impur. Et pourtant, il n’hésite pas à s’approcher de Jésus. Mais aujourd’hui, la situation est inversée : Avec Jésus, c’est la pureté qui devient contagieuse et non la lèpre. C’est le bien qui l’emporte sur le mal et non le contraire. Avec lui, la lumière l’emporte sur les ténèbres. Comprenons bien : l’humanité de Jésus devient porteuse de vie divine. Elle est instrument du salut. Sa sainteté agit dans toute la race humaine. En touchant le lépreux, il met sa chair saine en contact avec la chair pourrie de l’excommunié.
Du coup, c’est cette humanité qui est contaminée par la vie, la santé et la sainteté de Dieu. La contagion est inversée. Elle a joué dans le sens contraire. C’est la santé qui met en péril la maladie, la vie qui contamine la mort. L’amour l’emporte sur la haine. Voilà une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Comme ce lépreux, nous pouvons nous approcher de Jésus et le supplier : “Seigneur, prends pitié !” Et il sera toujours là pour nous dire : “Je le veux, sois purifié.”
L’homme a donc été purifié. Sa lèpre a disparu. Il ne sera plus un exclu. Son être profond est réorienté et réhabilité. Il ne lui reste plus qu’à rencontrer le prêtre pour être réintégré dans sa communauté. Le grand message de cet Évangile c’est un appel à nous laisser toucher par cet amour infini du Christ. Devant lui, nous nous reconnaissons défigurés par le péché. Mais il ne se lasse jamais de nous accueillir et de nous pardonner. Son amour pour nous dépasse infiniment tout ce que nous pouvons imaginer.
En lisant cet Évangile, nous comprenons que Jésus a pris la place du lépreux. Il prend notre place mais pas notre lèpre. Au jour de sa Passion, il prendra la place de Barabbas. Désormais c’est lui qui se trouve dans l’univers des lépreux, dans les lieux déserts. Un jour, il sera rejeté de tous ; on le conduira hors de la ville et on le fera mourir sur une croix. Mais son amour est bien plus fort que la mort et le péché. C’est cette victoire que jour célébrons le jour de Pâques.
Ce que Jésus a fait autrefois en terre de Palestine, il le continue aujourd’hui. Il nous rejoint dans toutes les lèpres et les bouleversements de notre vie et de notre monde, les lèpres corporelles, les maladies, les cancers, le sida, l’alcoolisme, la drogue. Il nous rejoint aussi dans toutes les lèpres psychologiques et morales et surtout celle du péché qui nous ronge et nous enferme sur nous-mêmes. Quelle que soit notre situation, l’Évangile de ce dimanche nous apprend à nous tourner vers le Seigneur. Lui seul connaît vraiment notre détresse et peut nous sauver.
Saint Paul a passé une partie de sa vie à persécuter les chrétiens. Mais il s’est laissé toucher par lui sur le chemin de Damas. Il s’est efforcé de l’imiter. Avec lui, la bonne nouvelle a été annoncée à tous ceux qui étaient loin de Dieu. Les païens sont introduits dans la communauté au même titre que les autres. Comme Paul et bien d’autres après lui, nous avons à réorienter notre vie vers le Christ. Le Carême nous donnera l’occasion de nous mettre en chemin et de tomber à genoux. Nous ferons nôtre cette prière : “Si tu le veux, tu peux me purifier”. Oui, Seigneur, que toute notre vie soit imprégnée de ton amour afin que nous puissions le communiquer à tous. Amen
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Sources : revues Feu Nouveau, Fiches dominicales, Claire Patier Avec saint Marc, Homélies pour l’année B (Amédée Brunot), Homélies pour l’année liturgique B (Simon Faivre)