Homélie du 7ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 16 février 2020Être comme Dieu
Textes bibliques : Lire
Quand nous lisons la Bible, l’Ancien et le Nouveau Testament, nous découvrons un Dieu qui a vu la misère de son peuple et qui veut le sauver. Il fait sans cesse le premier pas vers nous. Dans les lectures bibliques de ce jour, il nous montre la réponse qu’il attend de nous : “Soyez saints car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint.” C’est un ordre que Dieu nous donne ; nous sommes tous appelés à la sainteté. Cela signifie que nous devons rejeter toute pensée d’orgueil et de haine. En Dieu, il n’y a pas de place pour la vengeance ni pour la rancune. Notre Dieu est amour. C’est à cela que nous sommes tous appelés.
En ce qui nous concerne, nous voyons bien que nous sommes loin du compte. Nous retombons souvent dans les mêmes péchés ; nous avons du mal à faire la paix avec celui qui nous a blessés. Mais le Seigneur est là pour nous relever et nous aider à avancer. Le pape François nous dit que Dieu ne se lasse jamais de nous pardonner. Il nous appelle tous à la sainteté qui n’est qu’amour et douceur. Cela nous paraît sans doute bien difficile. Le problème c’est que nous sommes souvent des hommes de peu de foi. Mais avec des moyens très pauvres, le Seigneur est capable de réaliser des merveilles.
Dans la seconde lecture, saint Paul s’adresse à des chrétiens qui n’avaient pas compris. Si nous regardons de près, nous constatons que sa lettre est très polémique : il y avait beaucoup de divisions dans la communauté des corinthiens. C’est pour répondre à ces problèmes qu’il leur écrit cette lettre. Il leur rappelle (et nous rappelle) que nous sommes “le temple de Dieu”. Et puisque Dieu est amour, on peut dire que nous sommes le “temple de l’amour”. Si nous sommes habités par cette présence de Dieu, cela change tout dans notre vie. Cet amour que nous recevons de lui va nous rendre de plus en plus semblables à lui. Il va chasser la haine, la rancune, la violence et toutes les formes de méchanceté ; c’est un amour qui ira jusqu’au pardon. C’est à cela que nous serons reconnus comme disciples du Christ.
Dans l’Évangile, nous entendons Jésus s’adresser à des disciples rassemblés autour de lui sur la montagne. Il leur rappelle le commandement de l’ancienne alliance : “vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent…” À l’époque c’était déjà un progrès considérable par rapport à la vengeance sans mesure. Dieu voulait apprendre à son peuple à limiter la vengeance : une seule dent et pas toute la mâchoire. Nous vivons dans un monde qui souffre de l’escalade de la violence et de la haine. Tous les jours, on nous parle de guerres et d’attentats terroristes. Comment aimer ceux qui nous persécutent et nous font souffrir ?
Et pourtant, si nous voulons ressembler à Dieu, il y a une nouvelle étape à franchir : limiter la vengeance, c’est un progrès. Mais dans son discours sur la montagne, Jésus nous invite à faire un pas de plus : si nous voulons vraiment ressembler à notre Père des cieux, nous devons nous interdire toute riposte, toute vengeance et toute haine. E n’est pas une morale que Jésus nous enseigne, ni une leçon de savoir vivre. Le plus important c’est de découvrir qui est Dieu et de nous laisser transformer par son amour.
En fait, nous avons souvent la tête dure ; nous nous faisons des fausses images de Dieu ; nous avons du mal à croire qu’il n’est qu’amour. Et pourtant, Jésus nous le dit d’une manière très claire : “Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes.” À l’époque, le soleil et la pluie étaient considérés comme des bénédictions de Dieu. Être comme Dieu c’est accueillir cet amour universel qui est en lui pour le rayonner et le communiquer autour de nous.
Cet Évangile nous rejoint dans un monde difficile : aimer nos ennemis, prier pour ceux qui nous persécutent, c’est bien ce qui nous est demandé; c’est sur ce chemin que le Christ s’est engagé ; ils sont nombreux ceux et celles qui l’ont suivi jusqu’au bout : ils ont pardonné, ils ont prié pour ceux qui les persécutaient ; ils ont été des artisans de paix et de réconciliation. En ce jour, nous prenons le temps de la prière pour puiser à la source de Celui qui est l’Amour.
Nous chantons quelquefois : “Qu’il est formidable d’aimer !” Mais par expérience nous savons que nous pourrions tout aussi bien chanter : “Qu’il est difficile d’aimer”, surtout aimer à la façon de l’Évangile. Cette Eucharistie que nous allons célébrer vient nous redire tout l’amour du Christ pour nous. Qu’elle nous aide à demeurer dans cet amour et à en vivre chaque jour. Oui, Seigneur, “fais de nous des artisans de paix, des bâtisseurs d’amour”.
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Sources : Revue Feu Nouveau, Homélies de l’année A (Simon Faivre), François selon Saint Matthieu, C’est dimanche (Emmanuel Oré), Missel du dimanche, les Cahiers Prions en Église.
« Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre … »
Aie !… Pensez-vous réellement pouvoir tendre posément la joue gauche à celui qui vient de vous défoncer la droite ? Pensez-vous pouvoir faire du bien à celui qui vous harcèle, vous traîne dans la boue, bref vous persécute ?… On imagine un craintif qui encaisse tout, qui courbe l’échine et encourage par là son persécuteur à poursuivre son agressivité, à brutaliser encore davantage ! Pas facile à justifier une telle attitude, car rien ne prouve que l’adversaire ne va pas profiter de ce qu’il risque d’interpréter comme de la faiblesse pour récidiver ! Et franchement, croyez-moi, nous avons souvent du mal à retenir notre réaction explosive…
Cette Parole du Christ nous met vraiment mal à l’aise. Face aux violences et à la haine, Jésus nous demande de répondre par le bien. Un message renversant ! Mais ce qui nous surprend encore plus dans ce passage de l’Évangile, c’est quand Jésus nous dit : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. » Car ‘Aimer’, pour Jésus, ce n’est pas seulement s’abstenir de faire du tort, mais c’est encore d’ouvrir notre cœur pour offrir l’hospitalité à l’ennemi, sans rien attendre en retour. C’est surpasser nos humeurs envers ceux qui nous agacent ou nous haïssent… Cela dépasse nos capacités humaines. Des fois, il n’est pas bien aisé de témoigner notre affection à ceux qui nous aiment, comment étendre l’amour à l’extrême, jusqu’à aimer nos ennemis ? Pourtant, Jésus l’a fait lorsqu’il invoque sur la Croix le pardon pour ses bourreaux : « Père pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »
Reconnaissons que cette recommandation du Christ nous confronte cruellement à nos limites. Cela suppose, pour ‘madame-monsieur-tout-le-monde’ comme nous, une fameuse maîtrise de soi. Quelqu’un qui ne se laisse emporter ni par le courant de sa propre passion, ni par celui de l’entourage, ni par la pression sociale… C’est surhumain, au-dessus de nos forces. La barre est haute, très haute. Sans doute trop haute pour nous. Oui ! « Aimez vos ennemis ! »… Rien de plus exigeant et de plus fou !
Mais en fait, on se dit : ‘Je n’ai pas d’ennemis !…’ Ne voyons pas à travers ce mot ‘ennemi’ seulement quelqu’un qui nous veut du mal ou nous persécute. L’ennemi pourra être quelqu’un qui nous perturbe, qui nous déstabilise dans la vie de tous les jours. En effet, rarement, on voit un père ou une mère, dire de leur enfant avec qui il serait en profonde mésentente : ‘Mon fils, ma fille, c’est mon ennemi.’ Ou réciproquement, les enfants dire de leurs parents avec qui ils sont brouillés : ‘Ce sont mes ennemis !’ Et pourtant ! Dès lors que notre cœur gronde le tumulte et la rancœur envers un de nos proches, cela se passe en nous comme s’il était ‘un ennemi’, même si nous n’en avons pas clairement conscience.
Dans la réalité de notre vie quotidienne, beaucoup de gens nous tapent sur les nerfs, nous agacent par leur mode de vie et leur manière d’être pas comme tout le monde… Jésus nous recommande d’aimer déjà ceux-là. Il nous exhorte à changer le regard posé sur notre entourage. Avant d’aimer nos ‘ennemis’, commençons par aimer nos proches. Les aimer comme ils sont, avec leur caractère, leur façon d’être, leurs propres soucis, leurs problèmes… Mais laissons-nous aussi aimer dans leur façon de s’exprimer qui nous heurte peut-être, dans leur manière qui nous déplaît des fois !
L’essentiel, c’est d’aimer. L’amour inconditionnel nous surprend. L’amour généreux nous donne des ailes et nous mène loin, très loin… jusqu’à aimer nos ennemis !
Nguyễn Thế Cường
Merci à tous les deux pour vos paroles très pertinentes et bonne semaine à tous.