Homélie du 3ème dimanche du Carême
Abbé Jean Compazieu | 8 mars 2020
Puiser à la Source
Textes bibliques : Lire
Les textes bibliques de ce dimanche nous parlent de l’eau plutôt de ce qui se passe quand elle vient à manquer. La première lecture nous rapporte un événement qui a beaucoup marqué l’histoire des hébreux. Ils venaient de quitter une terre d’esclavage en Égypte pour se rendre vers la Terre promise. Mais pour y parvenir, il faut traverser le désert. Cela n’est possible qu’en allant d’un point d’eau à un autre. Mais à l’étape de Réphidim, il n’y a plus d’eau. Cela peut devenir très grave ; c’est une question de vie ou de mort.
Alors que faire. Le texte nous dit qu’ils ont récriminé contre Moïse : “Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ?” C’est bien beau de nous avoir fait sortir d’Égypte pour conquérir notre liberté ; mais si c’est pour mourir dans le désert, à quoi bon ? Il vaut mieux être esclaves et vivants que libres et morts.
À travers Moïse, c’est contre Dieu que les Hébreux se révoltent ; ils le mettent au défi d’accomplir sa promesse. Pourtant le Seigneur n’a jamais cessé de nourrir et d’abreuver son peuple rebelle : il lui a donné l’eau et la nourriture dont il a besoin pour reprendre des forces. Grâce à cela, le peuple pourra marcher jusqu’au Sinaï pour recevoir une autre nourriture, la Parole de Dieu.
Ce texte biblique nous rejoint dans ce que nous vivons : nous voyons bien que notre vie est souvent une traversée du désert. Quand tout va mal, nous nous révoltons contre Dieu ; mais cette révolte est déjà une prière que Dieu écoute ; il nous fait comprendre qu’il n’a jamais cessé de nous aimer. Ce temps du Carême nous est donné pour puiser à la source de l’amour qui est en lui. Aujourd’hui comme autrefois, il ne demande qu’à nous combler.
Dans la seconde lecture, Saint Paul insiste sur la force de cet amour indéfectible : nous pouvons toujours compter sur lui, même dans les pires moments de notre vie. Cette certitude ne s’appuie pas sur des mots mais sur des gestes de Dieu à notre égard. En lisant l’Évangile, nous découvrons que le Christ s’est livré pour nous et pour le monde entier. Il nous donne accès au cœur de Dieu. L’Esprit Saint nous est donné comme gage de l’amour du Père pour nous. Notre Dieu est l’unique et inépuisable source. Lui seul peut nous combler.
L’Évangile nous invite à faire un pas de plus. Il part de l’eau dont nous avons tous besoin pour vivre. Cela se passe en Samarie, au puits de Jacob. C’est là que Jésus s’est arrêté car il est fatigué par la route. Et c’est là qu’il rencontre la samaritaine. Normalement, cette rencontre n’aurait pas dû avoir lieu ; les juifs et les samaritains évitaient de se rencontrer. Des rivalités très anciennes les opposaient.
Mais à travers cette rencontre, nous découvrons que le Christ n’est pas venu pour le seul peuple juif. Il est venu appeler au salut tous les hommes, y compris les païens. Cette femme venue puiser est le symbole de notre humanité blessée. Dieu nous voit nous précipiter dans le péché et il fait tout pour nous en sortir. Il envoie son Fils “chercher et sauver ceux qui étaient perdus” Quand il demande à la Samaritaine “donne-moi à boire, nous comprenons qu’il a soif de la sauver. Il a soif de son affection et de la nôtre. Et la Samaritaine sera progressivement amenée à reconnaître en Jésus la Source de l’eau vive.
Cette source dont parle Jésus est le symbole de la vie de Dieu à laquelle on s’abreuve. Aujourd’hui, Jésus se présente comme l’eau vive qui donne la vie. C’est auprès de lui que nous sommes tous invités à nous désaltérer, même les plus grands pécheurs. C’est important pour nous. En effet, notre marche chrétienne est souvent fatiguée par les doutes, les échecs, les aspirations non satisfaites. On croit trouver le bonheur dans les objets de consommation, mais au bout d compte, on est déçu.
Alors, comme la Samaritaine, nous sommes invités à venir au puits et à nous asseoir près de Jésus qui nous attend. C’est cette démarche que nous faisons chaque fois que nous allons rencontrer un prêtre pour le sacrement du pardon. Et bien sûr, cette rencontre personnelle avec le Christ se fait dans la prière, la méditation des textes bibliques et surtout l’Eucharistie. Le Carême est un temps favorable pour nous désaltérer auprès du Christ et puiser à la Source de la vraie Vie.
Ce matin, le Seigneur nous a convoqués pour puiser et recevoir à pleines mains l’eau vive, l’eau qui comble toutes les soifs. Il vient “demeurer” en nous. Qu’il nous donne d’être, comme la Samaritaine, des messagers de son amour. Amen
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Sources : Revue Feu Nouveau, Missel des dimanches 2020, Missel des dimanches et fêtes de trois années (Bayard), les Cahiers de prions en Église, Dossiers personnels.
Les textes liturgiques de ce dimanche nous rapportent deux récits qui évoquent l’eau comme source de vie. L’eau nous est indispensable. Une évidence ! Sans elle, il n’y a pas de vie possible sur terre. En effet, l’eau n’est pas seulement le creuset du vivant originel, elle en est l’élément primordial. Un indéfectible besoin lie l’homme à cet élément incontournable. Car n’oublions pas que l’eau est le principal constituant de notre corps. Et c’est dans ce milieu bénéfique et nutritif que la nature s’épanouit et se développe.
Le livre de l’Exode nous raconte la rébellion des hébreux contre Moïse et contre Dieu car ils ont soif. Ils errent depuis longtemps dans un milieu aride, sans eau. En plein désert et en pleine chaleur, c’est dramatique. La colère gronde dans les rangs. « Ils récriminèrent contre Moïse : ‘ Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ?’ » Malgré cet affront, Dieu veille toujours sur son peuple et ne l’abandonne pas. Suivant l’ordre de Dieu, Moïse a fait jaillir l’eau des rochers.
L’Évangile nous relate la rencontre de Jésus avec la samaritaine au bord d’un puits. Jésus lui demande : « Donne-moi à boire. » Une requête somme toute banale et naturelle en soi provoque cependant l’étonnement de la femme. Elle ironise : « Comment ! Toi qui es juif, tu me demandes à boire, à moi, une samaritaine ? » Mais, en toute bienveillance et bonté, Jésus lui révèle : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »
« Si tu savais le don de Dieu… » C’est à chacun de nous, personnellement, que ce message s’adresse. Jésus est la Source de Vie. Sa présence en nous est un ‘Don de Dieu’. À certain moment, nous perdons peut-être de vue cette ‘Source d’eau vive’ dans notre propre désert, mais elle est toujours là au fond de notre âme. Il nous suffit d’y retourner lorsque le besoin se fait sentir. Dans les déserts de notre vie, quand nous n’arrivons plus à marcher à sa suite, Dieu est toujours là, prêt à nous soutenir, à étancher notre véritable soif, notre désir le plus profond. Jésus nous invite à venir puiser nos forces à la Source. C’est lui qui nous abreuve. C’est Lui, cette eau vive qui seule peut apaiser la soif brûlante de tout être humain. « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. »
Comme pour la samaritaine et pour le peuple d’Israël, Dieu nous accueille tels que nous sommes. Le parcours de notre vie a peut-être été semé d’embûches, de zones d’errance, voire parfois de transgression. C’est possible ! Mais le Seigneur ne nous abandonne jamais. Il nous rejoint là où nous sommes, dans les situations les plus compliquées, au désert même de notre vie. Et justement, c’est au moment où la soif d’éternité se fait le plus sentir qu’Il vient nous proposer l’Eau Vive. Cette ‘Bonne Nouvelle’ doit être communiquée à tous, à tous ceux et celles rejetés à cause de leur mauvaise réputation ou de leur passé parfois très lourd. Sur la place de son village, cette femme de mauvaise conduite a fait surgir le plus beau des jets d’eau : conduire ses proches à Celui qui accueille toutes les personnes de bonne volonté.
En cette période de préparation à célébrer Pâques, prenons du temps pour revenir à cette ‘Source d’eau vive’. Jésus nous y attend. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » (Mt 11:28)
Nguyễn Thế Cường
Cet évangile est si intéressant qu’il semble résumer toutes les actions de Jésus: Réconcilier tout en Dieu.
En effet, le début de ce chapitre quatre de Jean donne, selon moi, le goût de suivre le texte pas à pas. Jésus part “de la Judée vers la Galilée. Il devait traverser la Samarie.” Et c’est là, dans le pays qu’il doit traverser, que se déroule l’essentiel. C’est là que le texte est beau pour deux raisons:
1 – La “Samarie des nations” qu’il devait traverser devient la ville de toutes les attentions.
2 – Jésus brise toutes les barrières ethniques et raciales des temps anciens pour s’asseoir en Samarie et plus est, se trouve seul à seul avec une femme aux nombreux maris. C’est cette femme qui deviendra missionnaire.
Pour Jésus, ce ne sont pas les barrières que nous érigeons en son nom ou au nom de la foi qui font la gloire de Dieu, mais les barrières que nous brisons pour rejoindre du monde et faire des disciples quelles que soient leur origines ou leur moralité. Là se remarque combien certains missionnaires et certains prêtres se couvrent et se protègent pour paraître sans mission accomplie tandis que d’autres s’épuisent et se tuent au service de la même mission.
Dans cet évangile, Jésus veut dénuder les évangélisateurs et pasteurs, toutes confessions confondues, qui se cachent derrière leur état clérical et leur sainteté pour enfermer l’évangile dans des divisions et des jugements mondains.
Je suis d’autant plus heureux que cet évangile vienne juste après la célébration de la journée internationale des droits de la femme. La femme relevée, la femme honorée vaut mille fois plus que la valeur de dernier plan que nous leur attribuons. La preuve est que dans nos église et paroisses, elles s’investissent sans compter et sans fin. Mais rares sont les pasteurs qui reconnaissent la valeur de leur investissement.
Ceci dit, il est aussi important pour moi de se pencher sur l’aspect théologique de ce cet évangile.
Jésus qui ouvre la femme à la source d’eau vive qu’il est, puis, le proverbe qui nous vient souvent à la bouche: “Si tu savais le don de Dieu”.
En réalité, le croisement de ces deux éléments parmi tant d’autres dont regorge l’évangile de ce jour, donne selon moi, la quintessence de la mission que le Christ veut partager avec ses disciples et chacun de nous.
Dans notre vase d’argile, nous portons des trésors sur lesquels Dieu compte sans nous juger et sans nous rejeter. Particulièrement, l’amour, la tendresse,la douceur avec laquelle les femmes, comme le Christ, mènent la gestion du temporel sont pour nous des modèles pour les considérer et les inserrer de plus en plus dans la gestion de l’Église et de la cité. Les hommes le savent, mais, à le considérer, c’est comme s’ils perdent un pan de leur pouvoir. Mais ils ignorent qu’en sauvegardant leur pouvoir, ils noient l’évangile dans les considérations mondaines.
Que le Christ lui-même nous conduise sur ses pas à quitter les considérations mondaines pour le suivre en vue de la construction sur terre du royaume où le Christ est glorifié dans le bonheur pour chacun de nous et le progrès pour tous.