Homélie du 4ème dimanche du Carême
Abbé Jean Compazieu | 15 mars 2020Dimanche de la joie
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En ce 4ème dimanche du Carême, l’Église nous invite à la joie. C’est la joie de ceux qui se préparent au baptême la nuit de Pâques. Pour les premiers chrétiens, ce sacrement était le point de départ d’une rupture avec l’existence qu’ils avaient connue jusque-là. Ils venaient d’un monde sans Dieu dont la vie n’avait pas de sens. Ils avaient le sentiment que c’est seulement par le baptême qu’ils commençaient à vivre vraiment. Le baptême nous arrache à une vie sans issue. Il nous offre de participer à la vie divine. Nous avons tous besoin de retrouver cette force et cette joie des premiers chrétiens.
Ce temps du Carême est une chance qui nous ouvre un chemin de conversion. La première lecture nous invite à nous ajuster au regard de Dieu sur les personnes et les événements : “Dieu ne regarde pas comme les hommes.” Les hommes regardent les apparences. Dieu voit la grandeur de celui qui est petit, faible et méprisé. Au moment de choisir un roi dans la famille de Jessé, personne n’avait pensé au petit David qui était aux champs en train de garder les troupeaux. Dieu ne voit pas comme nous; Il se sert des petits et des humbles pour réaliser de grandes choses. À travers ce message, Dieu voudrait nous apprendre à avoir le même regard que lui.
Dans la seconde lecture, Dieu nous parle de la lumière spirituelle : c’est elle qui nous permet d’avoir le regard de Dieu sur le monde. S’adressant aux chrétiens d’Éphèse et à chacun de nous, il dit : “Autrefois, vous étiez dans les ténèbres. Maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumières.” Vivre en “enfant de lumière” c’est arrêter de voir et de raisonner à la manière du monde, c’est se laisser guider par la lumière qui est en Jésus, c’est avoir, comme lui, un regard plein de miséricorde.
Dans l’Évangile, nous voyons précisément des disciples qui raisonnaient à la manière du monde. Face à un homme aveugle de naissance, ils posent la question qui les préoccupe : “Qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?” Cette question rejoint les nôtres : “D’où viennent les souffrances, les épidémies, les catastrophes qui accablent de plus ne plus de personnes aujourd’hui ? Est-ce une punition de Dieu pour nos péchés ? Aujourd’hui, Jésus nous apporte une réponse : ces malheurs ne viennent pas de Dieu. Dieu est un Père qui aime chacun de ses enfants. Il nous a envoyé son Fils Jésus pour “chercher et sauver ceux qui étaient perdus.”
Cet aveugle sur la route, c’est toute l’humanité. Elle est plongée dans les ténèbres de l’ignorance religieuse et du péché. Jésus a vu toute cette détresse. Et il continue à venir pour nous apporter la véritable libération. Ils sont nombreux ceux et celles qui s’égarent sur des chemins de perdition. Beaucoup sont aveuglés par leurs certitudes, leur orgueil. Beaucoup se détournent du vrai Dieu pour s’attacher à l’argent, aux richesses et aux petits bonheurs qui ne peuvent vraiment les combler ; c’est de cet aveuglement que Jésus veut nous guérir.
Dans l’Évangile, nous voyons Jésus qui guérit un mendiant aveugle de naissance. Il lui ouvre les yeux deux fois. Il commence par lui rendre la vue qui lui permettra de voir les personnes et le monde qui l’entoure. Il lui ouvre aussi les yeux de la foi. Tout cela se fait progressivement. Dans un premier temps, l’homme guéri parle de “l’homme qu’on appelle Jésus” ; ensuite il voit en lui un prophète ; puis quand il se trouve devant lui, il se prosterne en disant : “Je crois, Seigneur.”
Comme cet homme, nous sommes appelés à passer des ténèbres à la foi. Nous aussi, nous sommes souvent aveugles ou malvoyants. Cet aveugle-né est le symbole de l’humanité plongée dans les ténèbres. Mais par le baptême, elle découvre la Lumière du Christ. Pour ces nouveaux convertis, c’est une illumination. C’est la Parole de l’Évangile de saint qui s’accomplit : “Le Verbe était la Lumière, qui, en venant en ce monde, illumine tout homme.”
Face à cet homme guéri et sauvé, il y a tous ceux qui sont aveugles dans leur esprit et dans leur cœur ; il y a ceux qui s’enfoncent dans leur aveuglement qui est celui du péché. Comme le hibou ou la chouette, ils sont aveuglés par la lumière du jour. La Lumière de Dieu, la Lumière de la Vérité leur fait peur. Mais nous ne devons pas avoir peur de la Lumière de Jésus Christ ; il se présente à nous comme le soleil qui rendra lumineuse notre vie.
Vivre le Carême, c’est accueillir cette lumière qui vient de Jésus. Cette lumière c’est celle de la foi. Elle nous aide à voir les personnes et les événements avec le regard de Dieu. Comme l’aveugle guéri, nous deviendrons des témoins du Christ. Nous pourrons proclamer notre foi avec fierté : “Je crois en Dieu qui est lumière, Je crois en Dieu, il est mon Père.” Amen
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Sources : Revues Feu Nouveau, Les cahiers Prions en Église – « C’est dimanche (Emmanuel Oré) – Homélies de l’année liturgique A (Simon Faivre) -Dossiers personnels
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« Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »
Une interrogation épineuse sur l’origine du mal !… Car pour les disciples du Christ, il y a bien une raison à l’infirmité de cet aveugle-né ! ‘Qui a péché ? Qui est responsable ?’ Pour eux, infirmité suppose culpabilité. Une relation de cause à effet ! Ce raisonnement semble bien primaire ! Leur question est brutale, certes, mais qui, un jour ou l’autre, ne l’a pas affrontée ? Et en cette période de crise sanitaire, la question devient encore plus insidieuse !
Ce type de discussion manifeste un profond malaise face à une forme d’inégalité sociale que personne n’a choisi. Certains sont nés riches et d’autres pauvres. Certains sont en pleine santé tandis que d’autres restent infirmes pour la vie ! C’est déconcertant pour tous, croyant ou non. Cette question insoluble du mal est le propos même de tout le livre de Job. C’est un homme juste et pieux, et pourtant il est plongé dans l’adversité la plus complète. Devant cette absurdité de la condition humaine, la foi chrétienne n’a jamais prétendu avoir la réponse.
Quand on est malade, il est terrible de s’entendre expliquer que c’est de sa faute et que l’on a bien cherché !… Cependant, il est toutefois vrai que certains types de comportement amènent des conséquences regrettables, mais ce n’est pas le cas de cet aveugle de l’Évangile, son invalidité est de naissance. Jésus refuse de s’engager dans ce genre de supputation. Et sa réponse ne se fait pas attendre, elle est claire et sans détour : « Ni lui, ni ses parents. » Ce n’est pas de sa faute ni celle de ses parents qu’il est né aveugle.
Souvent nous sommes habitués à ne percevoir que l’extérieur des choses, l’aspect le plus superficiel. Le texte de l’Évangile d’aujourd’hui nous ouvre la vue sur une dimension qui nous dépasse. Jésus nous invite à voir le monde autrement, sous la lumière de l’Évangile. Car, « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5:45) Un Amour inconditionnel. Ainsi, face au problème du mal, Jésus n’oppose pas un discours. Il est là pour aider et, si besoin est, pour guérir. Son attitude à l’égard de l’aveugle-né contrastait avec celle des pharisiens. Ces derniers s’enfoncent dans leur rigidité de l’observance aveugle de la Loi sans s’ouvrir à la charité envers le prochain. Ils ne reconnaissent pas la main de Dieu derrière ce miracle accompli le jour du sabbat. Ils prétendent ‘voir’ la vérité mais en réalité ils restent aveugles dans leur propre logique ! Une constatation amère de Jésus : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
La foi nous apporte une nouvelle façon de voir le monde et la vie sous la lumière de l’Évangile. Quand un douloureux événement survient avec son lot de souffrances inévitables, s’il est bien accepté et sublimé, l’épreuve peut devenir salutaire. Cette perception nous procure la sérénité dans l’âme. Comme l’aveugle guéri, nous sommes appelés à dire : « Je crois, Seigneur ! » Comme lui, nous pourrons alors proclamer : « Il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. » Saint Paul nous exhorte à rester dans ce chemin de lumière : « Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière, or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité… » (Ep 5:8)
L’aveugle guéri par Jésus est devenu, par la suite, un témoin de la foi en racontant à tous ce qui lui est arrivé. Nous aussi, nous devons être des témoins de cette Lumière venu dans notre monde pour nous illuminer. La Passion du Christ que nous allons méditer tout le long de la Semaine Sainte ne nous conduit pas dans l’impasse mais sur la voie royale de la Rédemption. Ainsi, c’est en accueillant la lumière du Christ que nous devenions lumière.
Nguyễn Thế Cường