Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 6 février 2021Tenu à l’écart
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La première lecture et l’Évangile de ce dimanche nous parle de gens qui étaient atteints par la lèpre. Cette maladie contagieuse et inguérissable faisait l’objet d’un confinement très strict. De plus, dans la mentalité de l’époque cette maladie ne pouvait qu’être la conséquence du péché. C’était une raison de plus pour s’en éloigner. Pour éviter toute contamination, le lépreux devait être tenu à l’écart. Cela n’était pas loin du confinement que nous connaissons.
Pour mieux comprendre cette première lecture, il faut savoir qu’elle s’adresse à un peuple qui se tient en présence du Seigneur. La lèpre est vue comme une trace de mort dans la chair. De ce fait, elle est incompatible avec la présence au Dieu vivant. Les personnes qui étaient frappées par cette terrible situation se trouvaient condamnées à la solitude et au désespoir. Aujourd’hui, la lèpre a pratiquement disparu. Mais l’exclusion reste toujours bien présente : ce sont les sans-papiers refoulés, les chômeurs, les conjoints séparés, les enfants abandonnés…
Jésus se préoccupait de tous les exclus. C’était même sa priorité. Avec lui, le mal n’a pas le dernier mot. Il ne craint pas de braver les interdits en touchant le lépreux. Cette liberté qu’il prend trouve sa source dans son amour pour Dieu et pour le prochain. C’est un amour sans frontière qui ne craint pas de bousculer les règlements. C’est ainsi qu’un jour, il guérit un infirme le jour du Sabbat. Il explique à tous que le Sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. C’est dans le même esprit que saint Augustin donne ce conseil : “Aime et fais ce que tu veux.” La liberté est servante de l’amour. C’est l’amour qui la rend authentique et vraie.
Quand l’amour n’est entravé par rien ni personne, c’est lui qui devient contagieux. Et c’est ce qui arrive. Non seulement Jésus n’est pas contaminé par la lèpre mais c’est lui qui contamine le lépreux. L’humanité de Jésus est porteuse de vie divine. Elle est instrument du salut. Sa sainteté agit dans toute la race humaine. En touchant le lépreux, il met sa chair saine en contact avec la chair pourrie de l’excommunié.
Du coup, c’est cette humanité qui est contaminée par la vie, la santé et la sainteté de Dieu. La contagion est inversée. Elle a joué dans le sens contraire. C’est la santé qui met en péril la maladie, la vie qui contamine la mort. L’amour l’emporte sur la haine. Voilà une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Comme ce lépreux, nous pouvons nous approcher de Jésus et le supplier : “Seigneur, prends pitié !” Et il sera toujours là pour nous dire : “Je le veux, sois purifié.”
L’homme a donc été purifié. Sa lèpre a disparu. Il ne sera plus un exclu. Son être profond est réorienté et réhabilité. Il ne lui reste plus qu’à rencontrer le prêtre pour être réintégré dans sa communauté. Le grand message de cet Évangile c’est un appel à nous laisser toucher par cet amour infini du Christ. Devant lui, nous nous reconnaissons défigurés par le péché. Mais il ne se lasse jamais de nous accueillir et de nous pardonner. Son amour pour nous dépasse infiniment tout ce que nous pouvons imaginer.
En lisant cet Évangile, nous comprenons que Jésus a pris la place du lépreux. Il prend notre place mais pas notre lèpre. Au jour de sa Passion, il prendra la place de Barabbas. Désormais c’est lui qui se trouve dans l’univers des lépreux, dans les lieux déserts. Un jour, il sera rejeté de tous ; on le conduira hors de la ville et on le fera mourir sur une croix. Mais son amour est bien plus fort que la mort et le péché. C’est cette victoire que jour célébrons le jour de Pâques.
L’Évangile de ce dimanche nous apprend à nous tourner vers le Seigneur et à nous laisser toucher par son amour infini. Lui seul connaît vraiment notre détresse et peut nous sauver. Avec lui, il n’y a pas de situation désespérée. Devant lui, nous nous reconnaissons défigurés par le péché. Mais il ne se lasse pas de nous accueillir et de nous pardonner.
Saint Paul a passé une partie de sa vie à persécuter les chrétiens. Mais il s’est laissé toucher par lui sur le chemin de Damas. Il s’est efforcé de l’imiter. Avec lui, la bonne nouvelle a été annoncée à tous ceux qui étaient loin de Dieu. Les païens sont introduits dans la communauté au même titre que les autres. Comme Paul et bien d’autres après lui, nous avons à réorienter notre vie vers le Christ. Le Carême qui s’annonce pour mercredi prochain nous donnera l’occasion de nous mettre en chemin et de tomber à genoux. Nous ferons nôtre cette prière : “Si tu le veux, tu peux me purifier”. Oui, que toute notre vie soit imprégnée de ton amour afin que nous puissions le communiquer à tous. Amen
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Sources : revues Feu Nouveau, Fiches dominicales, Claire Patier Avec saint Marc, Homélies pour l’année B (Amédée Brunot), Homélies pour l’année liturgique B (Simon Faivre)
« En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : ‘Si tu le veux, tu peux me purifier.’ » (Mc 1:40)
Dans la société où vit Jésus, il n’y a peut-être pas d’état plus misérable que celui d’un lépreux. La maladie condamne sa victime à une terrible exclusion, tant sociale que religieuse. Le texte du Lévitique, à la première lecture de la liturgie de ce dimanche, nous laisse sans voix. « Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : ‘Impur ! Impur !’ Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp. » (Lv 13:45-46) Même si nous comprenons que cette loi est inspirée par une mesure d’hygiène contre une maladie incurable à l’époque, nous regrettons néanmoins cette mise à l’écart d’une personne qui a tellement besoin d’être soutenue ! La répulsion que cette maladie inspire, interdit au souffrant toute compassion… Quiconque touche un lépreux devient ‘impur’ comme lui. Une double peine : La souffrance du corps et une blessure de l’âme. Une mort sociale en quelque sorte !
Dans une telle condition, pour pouvoir s’approcher de Jésus, il aura fallu à ce malheureux beaucoup de courage, car Jésus était très entouré. Impur, il n’a plus droit au moindre espoir, à moins d’être sauvé par Dieu ! Mais contre toute attente, Jésus se laisse approcher… Il va même jusqu’à toucher l’intouchable et le guérit. Par ce geste, Il brise l’interdit, même s’il vient d’une institution religieuse ! Jésus a toujours pris parti pour ceux que la société et la Loi marginalisent. Et nous mesurons ici toute la portée de son message d’Amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. […] Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Mt 22:37-39)
Cette page d’Évangile nous rappelle que l’exclusion reste encore très ancrée dans notre société moderne. Elle se présente sous de nombreuses formes et toutes ne sont pas visibles. La précarité, la maladie mais aussi l’âge isolent la personne… D’autres sont exclus à cause de leur passé et de leur réputation. La société les enfonce plus ou moins durablement et ne leur laisse que très peu de chance de s’en sortir. L’exclusion sociale est profondément injuste en ce sens qu’elle ne permet pas d’offrir à tous les mêmes chances de réussite. Cruellement, cet isolement est dû souvent à un bouleversement au cours de la vie. Et aucune classe sociale n’est épargnée ! C’est un grain de sable qui peut enrayer n’importe quelle machine, fût-elle la plus robuste. Elle fragilise l’individu et l’entraîne du même coup à la perte de tous liens sociaux. La personne est piégée dans son quotidien et se retrouve dans un monde non désiré par accident. Alors, la déprime s’installe et la conduit jusqu’à la coupure totale des liens affectifs. Un cycle infernal qu’il est souvent très difficile de s’en dégager.
Pour aussi tragique qu’il soit, ce rejet est quelquefois vécu même dans sa propre famille, par ceux dont on s’attendait d’être reçu ! La plupart du temps, nous ne pensons pas pouvoir aller aussi loin dans nos attitudes envers notre entourage. Exclusion, quand même pas ! Fuir quelqu’un comme de la lèpre ! Jamais ! Mais, mais… pensons-y ! Il y a sans doute quelqu’un parmi nos proches que nous ne voulons absolument pas voir, quelqu’un dans notre cercle relationnel que nous n’avons pas envie d’accueillir chez nous. Quelqu’un qui ne pense pas comme nous ou qui ne se conduit pas comme nous… N’est-ce pas déjà là une forme d’exclusion ? Ne dit-on pas : ‘Qui se ressemble rassemble !’ Les amitiés se construisent souvent sur des bases identiques de goût et de manière de vivre. On a souvent le réflexe d’éliminer tout ce qui est ‘étrange’, tout ce qui est différent, tout ce qui dérange. Dans une société individualiste, on trouve cela normal !…
Jésus est venu abattre toutes ces barrières qui séparent les hommes les uns des autres. Il veut nous élever d’un cran au-dessus de ce qui est purement humain. Derrière l’image de la lèpre, nous retrouvons toute la fragilité de l’existence, tout ce qui empêche l’individu d’être un membre à part entière de la communauté humaine. Devant toutes ces formes de lèpre moderne, allons-nous comme Jésus prendre le risque de la rencontre ? Nous sommes tous invités à apporter un peu de réconfort et d’espérance aux exclus, que ce soit dans notre milieu de travail ou dans notre entourage. Jésus nous incite à briser les obstacles de l’appréhension et du conformisme pour tendre la main à nos semblables isolés ou méprisés.
Nguyễn Thế Cường Jacques
Merci pour vos paroles qui m’ont émue. Je n’oublie pas que nous entrons mercredi dans le Carême.