Homélie du 28ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 3 octobre 2021Discerne ce qui est essentiel pour toi.
Les textes bibliques de ce dimanche nous montrent l’importance du regard dans notre vie. Nous connaissons le regard méfiant, celui qui ne voit que le mal chez les autres. Nous rencontrons également le regard bienveillant, celui qui est attentif aux besoins des autres, celui qui fait confiance.
La première lecture de ce jour nous parle du regard de la Sagesse. Dans le monde biblique, la sagesse c’est Dieu. Pour lui, “tout l’or du monde n’est que du sable… L’argent sera regardé comme de la boue.” C’est pour chacun de nous un appel à changer notre regard sur ces richesses qui risquent de nous détourner de l’essentiel. Dans notre prière, nous sommes invités à demander la sagesse de Dieu, celle de son Esprit Saint. C’est en lui seul que nous trouverons le vrai bonheur.
La lettre aux Hébreux (2ème lecture) nous renvoie au regard de la Parole de Dieu. Nous n’oublions pas que pour l’Évangile de saint Jean, la Parole de Dieu, le Verbe fait chair, c’est Jésus lui-même. “Soumis à son regard, nous aurons à lui rendre des comptes”. Nous recevons ces paroles non comme une menace mais comme une mise en garde. L’auteur de la lettre aux Hébreux nous a présenté l’Évangile comme une “promesse d’entrer dans le repos de Dieu”. Cette promesse ne tiendra pas si nous faisons preuve d’incrédulité. Nous serons jugés d’après nos actes et nos paroles mais aussi d’après nos pensées. Cela signifie que nous subirons les conséquences ultimes de nos choix. C’est pour nous un appel à accueillir la Parole de Dieu dans la confiance et la docilité.
Dans l’Évangile, nous lisons que Jésus regarde l’homme qui vient à lui et se met à l’aimer. Puis par deux fois, il regarde ses disciples avant de leur délivrer un message de la plus haute importance. Il est heureux de voir cet homme qui veut avoir la Vie éternelle. Cet homme a observé les commandements depuis sa jeunesse. Aujourd’hui, Jésus l’invite à aller à l’essentiel : “vends tout ce que tu as ; donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel.”
À travers ces paroles, Jésus nous invite à changer notre regard. L’essentiel ce n’est pas l’argent ni les richesses ; ce n’est pas non plus le respect de la loi et des commandements, même si c’est important. Le seul vrai trésor c’est celui dont Jésus veut nous combler. Le vrai bonheur, c’est d’aimer, de donner et de se donner. Jésus a tout donné. Il est allé jusqu’au don de sa vie sur la croix. Il nous a ouvert un passage vers e monde nouveau qu’il appelle le Royaume de Dieu. Pour le suivre sur le chemin qu’il nous montre, il nous faut nous détacher des richesses de ce monde et donner toute sa place à l’amour et à la générosité.
Pour beaucoup, c’est trop demander. Les disciples eux-mêmes demeurent sceptiques. Alors, Jésus les regarde pour leur délivrer un message de la plus haute importance. C’est vrai qu’il leur demande l’impossible. Mais il leur promet que les renoncements à cause de l’Évangile leur vaudront le centuple, même si cela passe par les persécutons et l’incompréhension du monde.
Ce qui nous est proposé, c’est de nous laisser envahir par ce regard plein d’amour du Christ. Au jour de notre baptême, nous avons été immergés dans cet océan d’amour qui est en lui. Si nous restons en communion avec lui, nous comprendrons que ses exigences ne sont pas une menace mais un appel à vivre en plénitude. Saint Benoît nous recommande de “ne rien préférer à l’amour du Christ.” Oui c’est possible car tout est possible pour Dieu.
Aujourd’hui comme autrefois, le Seigneur continue à nous appeler. Il compte sur chacun de nous ; il est avec nous tous les jours, non pour nous surveiller mais pour nous conduire sur le chemin de la vraie vie. Un sondage récent affirme que 51 % des Français ne croient pas en Dieu. Pourtant, il les regarde tous avec beaucoup d’amour. Il est saisi de pitié pour tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui sont comme des brebis sans berger. Il est venu pour que tous les hommes du monde entier et de tous les temps aient la vraie vie en abondance. Sa priorité est de chercher et sauver ceux qui courent à leur perte.
Nous recevons les textes bibliques de ce jour comme un appel à nous ajuster au regard de Dieu. Se laisser regarder par l’amour, se laisser porter par la Parole, se laisser emplir de la Sagesse, c’est la porte de la Vie éternelle, c’est le chemin du vrai bonheur. Comme les disciples nous ne comprendrons pas tout. Mais ce regard de Jésus changera notre vie et la transformera. Ce regard passionné, c’est comme un feu qui ne demande qu’à se répandre dans le monde entier. Il suffit d’une étincelle. C’est de cela que nous avons à témoigner tout au long de notre vie. Prions le Seigneur pour qu’il nous garde fidèles à cette mission.
Sources : Homélies des prochains dimanches (Diocèse de Blois), Commentaires de Marie Noëlle Thabut, Revue Feu Nouveau, Fiches dominicales…
« Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! […] Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » (Mc 10:23-25) Qu’elle est dure cette parole du Christ ! Le message est fort. Jésus tient là un discours qui représente la folie aux yeux des hommes. Son dialogue avec un jeune homme riche qui cherche à ‘avoir la vie éternelle en héritage’ a de quoi surprendre. « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : ‘Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi.’ Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » (Mc 10:21-22) Jésus décourage celui qui est déjà en paix avec sa conscience mais qui veut faire un pas de plus sur le chemin de la perfection. En même temps, Il choque la foule qui a entendu la conversation. « Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. » (Mc 10:24) Et nous comprenons la réaction désabusée des gens autour de Jésus. « S’il en est ainsi, qui peut être sauvé ? » (Mc 10:26) C’est le moins qu’on puisse dire !… Cette page d’Évangile nous interpelle encore aujourd’hui.
Plus d’une fois, dans les Évangiles, les déclarations de Jésus, sévères et abruptes, nous laissent perplexes. « Nul ne peut servir deux maîtres. Ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. » (Mt 6:24) « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. » (Lc 6:20) « Quel malheur pour vous, les riches, car vous avez déjà votre consolation ! » (Lc 6:24) Jésus demande un dépouillement radical pour mériter le salut éternel !… Il insiste sur le fait qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume des Cieux en portant sur soi de lourds bagages. « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. » (Lc 13:24) Cela signifie-t-il que tous ceux qui sont tant soit peu à l’aise matériellement seront exclus du paradis ? Richesse et argent ne seraient-ils que des obstacles à la vie éternelle ? Il faut espérer que non ! Parce que, autrement, qui de nous serait assez allégé pour franchir la fameuse ‘porte étroite’ ?
Ces paroles implacables de Jésus nous forcent, nous aussi, à réagir et à approfondir son message. Dans ses déclarations, ce n’est pas la richesse en elle-même que Jésus condamne mais ceux qui y sont fortement attachés. Il dénonce l’avidité et la dureté de cœur qu’elle peut provoquer. Ce n’est pas parce qu’on possède beaucoup de biens qu’on ne peut pas se rapprocher de Dieu, car on peut tout aussi lui tourner le dos quand on est dans l’indigence. Tout dépend de l’usage que nous en faisons. L’important c’est de ne pas laisser l’argent occuper tout notre cœur. Jésus attire notre attention sur le danger que les biens matériels représentent quand ils deviennent le but de notre vie. Bien utilisé, l’argent est une aide non négligeable pour notre famille et aussi pour ceux qui ont besoin d’un coup de pouce. Mais pour certains, il n’y en a jamais assez. La cupidité les pousse à ramasser toujours plus. Quand l’individualisme prend le dessus, cela devient regrettable. Jésus réprouve ceux qui sont tellement obnubilés par leur confort pour avoir une petite attention pour les autres ! La misère autour d’eux est le dernier de leur souci ! Jésus nous met en garde contre l’obsession de posséder toujours davantage. La richesse n’est pas un mal en soi, mais il est important de la mettre à sa juste place. Car son empreinte sur notre vie est parfois bien profonde ! Saint Paul écrivait à Timothée : « Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans le piège de la tentation, dans une foule de convoitises absurdes et dangereuses, qui plongent les gens dans la ruine et la perdition. Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être attachés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligé à eux-mêmes des tourments sans nombre. » (1 Timothée 6:9-10) Bien des fois, l’argent nous rend aveugles !
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus appelle le jeune homme à une rupture qui le libère. Une occasion pour lui d’élargir son horizon bien au-delà de son égo pour trouver l’essentiel. Une invitation au partage ! Jésus met l’accent sur la véritable richesse, celle du cœur. On lâche un acquis pour acquérir un bien supérieur ! Rappelons-nous la parabole du ‘trésor caché et de la perle fine’ : « Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ. Ou encore : Le Royaume des cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle. » (Mt 13:44-46) Un choix décisif à certain moment de la vie. Une question de préférence. Nous avons à gérer nos biens matériels avec sagesse. Nous devons aussi mettre nos capacités et nos talents au service des autres. L’important, c’est de se libérer, chacun à sa façon, pour laisser Dieu prendre racine en nous et pour répandre le bonheur autour de nous. Se désencombrer pour s’ouvrir aux autres.
Tant de choses encombrent notre vie ! Sachons partager nos ressources matérielles et intellectuelles à tous ceux qui en ont besoin. Laissons à Dieu une place de choix dans notre cœur et nous ne serons pas déçus. « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple. » (Mc 10:29-30)
Nguyễn Thế Cường Jacques
Autre approche :
http://www.homelie.qc.ca/homelies/248.html