5ème dimanche du temps ordinaire C
Abbé Jean Compazieu | 26 mars 2022Ensemble, poursuivons notre course
avec le Christ Jésus
Homélie Textes bibliques : Lire
Les lectures bibliques qui nous sont proposées en ce dimanche sont une nouvelle clé qui nous aide à mieux entrer dans l’esprit du Carême. Trop souvent, nous utilisons celle qui nous ouvre vers des solutions de facilité. Les textes de ce dimanche voudraient nous aider à vivre un carême libérateur, entièrement orienté vers l’avenir.
C’est ce qui apparaît dans le texte d’Isaïe (1ère lecture). Pour les hébreux, les traces du passé tiennent une place importante. Ils avaient à cœur de faire mémoire des merveilles de Dieu. Il y avait eu la libération d’Égypte, la traversée de la Mer Rouge et toutes les années d’Exode dans le désert. Aujourd’hui, nous voyons Isaïe s’adresser de nouveau à un peuple de nouveau en exil à Babylone. Le prophète lui annonce le retour vers la Terre promise. Dieu n’est pas seulement créateur. Il est libérateur et sauveur. Son salut est offert à tous, ici et maintenant. Il ne suffit pas de faire mémoire de ses merveilles d’autrefois. La bonne nouvelle c’est que Dieu n’a jamais cessé d’aimer son peuple. Il est toujours là pour nous sauver.
C’est très important pour nous aujourd’hui. Nous avons souvent trop tendance à idéaliser “le bon vieux temps” où tout était merveilleux. Et aujourd’hui, beaucoup de chrétiens se désespèrent car ils sentent bien que tout part à la dérive. Mais il y a une chose qu’il ne faut jamais oublier : Notre Dieu n’a pas changé. Il reste celui qui veut sauver le monde. Il est capable de faire fleurir tous les déserts, ceux de nos familles, ceux de nos milieux de vie et ceux de notre monde. La fête de Pâques n’est pas seulement celle de notre libération passée. C’est aussi celle de notre propre délivrance par un Dieu qui sauve et pardonne.
C’est ce Christ sauveur et libérateur qui est intervenu dans la vie de Paul (2ème lecture). Lui qui était un fidèle observateur de la loi nous rapporte qu’il a été libéré d’un péché plus caché et plus profond : c’est le péché de celui qui se croit parfait et irréprochable, le péché de celui qui se laisse aller à l’orgueil. Paul pensait posséder la justice qui vient de la loi. Il était un pharisien très généreux. Il ne pensait pas devoir être libéré d’un péché car il s’en estimait immunisé. Mais quand il a rencontré le Seigneur, il a compris que cette justice selon la loi n’est pas la vraie justice selon Dieu. Paul doit comprendre qu’il a besoin d’être libéré de son orgueil. Il lui faut accepter d’avoir besoin d’être sauvé.
De plus, Paul pensait faire une bonne œuvre en persécutant les chrétiens. Il comprend désormais que c’était injuste et criminel. A partir du moment où il a rencontré le Christ, toute sa vie a été complètement bouleversée. Mais il a désormais compris que sa relation avec lui est une relation qui libère. En dehors de lui, ce qui semble essentiel n’est que “balayure”. Il nous fait comprendre à tous que le bonheur de connaître le Christ est un bien qui surpasse tous ceux que le monde prétend nous procurer. L’apôtre nous montre le but de notre vie, le monde de Dieu où nous sommes tous appelés à rejoindre le Christ.
Dans son Évangile, saint Jean nous parle de la miséricorde qui libère. Il nous raconte le procès de cette femme coupable d’adultère. Ses accusateurs sont des scribes et des pharisiens, des experts de la loi de Moïse, des personnes reconnues pour leur ferveur religieuse. D’après la loi de Moïse, cette femme devait être lapidée. Mais s’ils se tournent vers Jésus, c’est d’abord pour le piéger. S’il refuse de la condamner, il ne respecte pas la loi de Moïse. Et s’il la condamne, il est en contradiction avec la miséricorde qu’il prêche.
Mais leur propre manœuvre se retourne contre eux : Jésus ouvre un nouveau procès, celui des accusateurs : “Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre.” Et voilà que chacun est renvoyé à sa propre conscience. Devant Dieu, personne n’est sans péché. D’une manière ou de l’autre, nous sommes tous coupables.
Avant de faire la leçon aux autres, nous avons besoin d’enlever la poutre qui est dans notre œil. Cette poutre, c’est l’orgueil et le mépris à l’égard de ceux qui ont fauté. Tout cela nous empêche d’accueillir l’amour qui est en Dieu. Nous ne devons jamais oublier que le Christ est venu chercher et sauver tous les pécheurs, même ceux qui ont commis le pire. Il veut nous ouvrir à tous un chemin d’espérance.
En ce jour, nous sommes venus à Jésus avec le désir d’accueillir sa parole et de nous laisser transformer par elle. Il peut changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. C’est avec lui que nous trouverons la joie d’aider, de soutenir, de consoler et d’aimer. Que sa Parole soit lumière pour notre monde et que son amour apaise ceux qui souffrent. Amen
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Autre approche
En méditant sur cette belle page de l’évangile, nous pouvons nous identifier à deux personnages différents. Nous pouvons bien sûr nous identifier à la femme : elle est toute honteuse d’avoir été surprise. Peut-être n’a-t-elle pas pu se rhabiller correctement et la voilà qui se trouve anéantie, humiliée, méprisée sous le regard pervers de ses accusateurs. Peut-être est-elle plus confuse encore d’être ainsi exposée devant Jésus, cet homme plein de bonté devant lequel elle aurait voulu se présenter sous un jour meilleur. C’est précisément dans cet état d’abaissement général qu’elle est rejointe par la miséricorde de Dieu. De l’autre côté, nous pouvons nous identifier à ces hommes accusateurs, ceux qui, sous un prétexte de respect de la Loi ou de la moralité, arrivent en réalité à cacher une attitude mortifère. Tout en reconnaissant implicitement leur culpabilité, ils sont encore incapables d’entrer dans la miséricorde de Jésus. Alors que nous nous approchons de la Semaine Sainte et que nous nous préparons peut-être à vivre le sacrement de la réconciliation, laissons-nous entraîner aujourd’hui dans l’accueil de la miséricorde pour nous-mêmes et dans une attitude miséricordieuse envers nos frères.
Évangile commenté par le Père Alain de Boudemange
La parabole du fils prodigue nous a permis d’explorer un aspect de la réconciliation que Dieu nous offre : le Seigneur nous accueille avec bonté quand nous revenons humblement à lui. L’épisode de la femme adultère dans l’Évangile de ce dimanche nous permet, une fois de plus, de toucher au cœur même de la mansuétude de Dieu. En refusant de châtier la brebis égarée, Jésus fait confiance en sa capacité d’examiner sa conscience et de se repentir. Il libère la femme de sa faute et l’encourage à prendre un nouveau départ. Il lui dit tout simplement de se relever et de reprendre sa route dans la bonne direction. « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » (Jn 8:11) Ce ‘Va’ si généreux, est à la fois une délivrance et une renaissance ! Jésus délivre la femme adultère sur le point d’être mise à mort suivant la Loi de Moïse, néanmoins, Il dénonce son péché. Il la relève et lui offre une porte de sortie pour continuer sa vie autrement. Une vie meilleure est rendue possible grâce au pardon. Un nouvel horizon s’ouvre. Une métamorphose est envisageable !
Miséricorde et libération, voilà ce que Jésus offre, tant à cette femme qu’à nous tous. À travers les Évangiles, nous constatons que Jésus se montre particulièrement indulgent envers les fautifs qui souhaitent reprendre le bon chemin. À Zachée le percepteur d’impôt indélicat, à Marie Madeleine la brebis égarée, à la Samaritaine la pécheresse, à Pierre après son reniement… et à tant d’autres ! Jésus les accueille avec amour et tendresse. Il refuse de les juger. À chacun, sa bonté sauve et redonne vie. « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. » (Lc 5:31-32) La joie de Dieu est immense quand un pécheur revient vers Lui. « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue ! » (Lc 15:6) « Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. » (Lc 15:10) Au sujet de la femme adultère, les pharisiens incitent Jésus à agir en tant que juge. Mais, loin de prendre une attitude accusatrice, Jésus jette sur elle un regard miséricordieux. En même temps, Il ramène les dénonciateurs à leur propre conscience. Il les renvoie au plus intime d’eux-mêmes. « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » (Lc 8:7) Cette mise au point change tout ! En effet, qui d’entre eux peut se dire qu’il est sans péché ? Ces hommes prêts à châtier, à lapider à mort, oublient de s’examiner eux-mêmes…
Cette page d’Évangile nous touche profondément ! Ne sommes-nous pas souvent comme ces pharisiens ? Nous avons tendance à montrer du doigt l’erreur des autres, à les juger et à les cataloguer. Les défauts qui nous dérangent chez eux ne font-ils pas écho à nos propres déficiences ? La sagesse nous rappelle que lorsque nous pointons un index accusateur vers quelqu’un, nous ne voyons pas trois autres doigts dirigés vers nous ! Blâmer quelqu’un, c’est souvent s’accuser soi-même en retour, de manière inconsciente. Ne sommes-nous pas dans l’erreur chaque fois que nous sommes plus exigeants envers les autres qu’envers nous-mêmes ? Jésus nous invite à scruter d’abord notre conscience : « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? » (Lc 6:41) Oui, pour qui nous prenons-nous, nous qui sommes si prompts à déceler les défauts d’autrui et à les monter en épingle ? ‘Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous’ (‘La besace’ de La Fontaine) Nous sommes si facilement tentés de distribuer de bonnes et de mauvaises notes, enfermant nos proches dans nos implacables évaluations. Jésus nous invite à porter un regard clément sur ceux qui nous entourent, car Dieu seul peut voir ce qui se passe dans la conscience de chacun. Il donne à chacun d’entre nous un conseil judicieux : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés. Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. » (Lc 6:37) Reprenant l’enseignement de Jésus, saint Jacques insiste : « Pour qui te prends-tu donc, toi qui juges ton prochain ? » (Jacques 4:12) Et saint Paul nous recommande la plus grande retenue : « Ne portez pas de jugement prématuré, mais attendez la venue du Seigneur, car il mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et il rendra manifestes les intentions des cœurs. » (1 Cor 4:5)
« Va, et désormais, ne pèche plus. » (Jn 8:11) « Va ! » Ce simple mot de Jésus porte en lui toute une espérance. Une ouverture sur l’avenir. Ne restons pas englués dans nos propres erreurs, dans nos actions passées. Il faut aller de l’avant. À l’approche de Pâques, entrons avec joie dans ce dynamisme qui nous pousse à entamer une réelle transformation. Soyons l’acteur de notre vie, éclairée par la foi, guidée par l’espérance, portée par l’Amour de Dieu.
Bonne route vers Pâques !
Nguyễn Thế Cường Jacques