17ème dimanche du temps ordinaire (C)
Abbé Jean Compazieu | 17 juillet 2022« Le jour où je t’appelle, réponds-moi Seigneur. »
Homélie
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L’Évangile de ce dimanche nous parle de Jésus qui prie seul à l’écart. “Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples.” Et il répond : “Lorsque vous priez, dites : Père.” Ce mot est le secret de la prière de Jésus. Il est la clé qu’il nous donne lui-même. C’est ainsi que nous pourrons, nous aussi, entrer en dialogue confidentiel avec le Père qui l’a accompagné toute sa vie.
Les premières demandes nous disent que nous devons nous préoccuper de règne de Dieu, de sa gloire et de sa volonté. Nous sommes invités à donner toute sa place à Dieu dans notre vie. Il ne demande qu’à y exercer sa seigneurie d’amour. C’est dans notre vie que la sainteté de Dieu doit être manifeste. A travers ces demandes, nous exprimons notre reconnaissance au Père qui nous comble de son amour.
Trois autres requêtes viennent compléter cette prière que Jésus nous enseigne. Ces trois requêtes concernent le pain, le pardon et l’aide dans les tentations. C’est absolument important car on ne peut pas vivre sans pain ; on ne peut pas vivre sans pardon ni sans l’aide de Dieu dans les tentations. Mais saint Cyprien nous dit que le pain le plus essentiel c’est celui de l’Eucharistie. Nous devons souhaiter que les chrétiens se nourrissent de ce pain pour être transformés par le Christ. C’est là qu’ils trouvent la lumière et la force de sa grâce.
Le pardon est avant tout celui que nous recevons de Dieu : il se montre Père quand il libère nos cœurs et nous fait revivre. Nous sommes tous des pécheurs pardonnés par l’infinie miséricorde du Père. Ce pardon nous rend capables de gestes concrets de réconciliation fraternelle. Si nous ne reconnaissons pas que nous sommes pécheurs pardonnés, nous ne pourrons jamais accomplir des gestes de réconciliation fraternelle. C’est en accueillant le pardon de Dieu que nous apprenons à pardonner à nos frères.
“Et ne nous laisse pas entrer en tentation…” Nous savons que nous sommes tous exposés aux pièges du mal. Cette tentation c’est celle du désespoir ; c’est quand nous pensons que Dieu nous abandonne. Jésus nous apprend à nous tourner vers le Père pour lui demander de nous libérer de ce mal qui cherche à nous détruire.
L’enseignement de Jésus se poursuit par deux paraboles. Il rend pour modèle l’attitude d’un ami à l’égard d’un autre ami puis celle d’un père à l’égard de son fils. Nous y trouvons une invitation à avoir confiance en Dieu qui est Père ; il sait mieux que nous-mêmes de quoi nous avons besoin. Mais comme pour Abraham dans la première lecture, nous devons lui présenter nos demandes avec audace et insistance. C’est notre façon de participer à son œuvre de salut.
Comprenons bien : le but n’est pas de convaincre Dieu mais de fortifier notre foi et notre patience. C’est une lutte avec Dieu pour les choses importantes de notre vie. Comme Abraham (1ère lecture), nous sommes invités à nous tenir en présence du Seigneur ; la mission des communautés chrétiennes c’est précisément d’intercéder pour ce monde que Dieu a tant aimé. La prière que nous adressons pour eux à notre Père nous aide à changer notre regard sur eux. Comme Abraham, nous avons la ferme espérance que le petit reste des fidèles peut sauver la multitude.
Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus précise que ce qu’il faut surtout demander c’est l’Esprit Saint. C’était la prière des apôtres qui se préparaient à la Pentecôte. En communion les uns avec les autres, nous supplions le Père : Donne-nous ton Esprit Saint. Qu’il soit avec nous pour vivre cette semaine avec sagesse et amour en faisant la volonté de Dieu.
Dans sa lettre aux Colossiens, saint Paul nous rappelle que nous sommes associés à la victoire du Christ sur la mort et le péché. C’est au nom de cette bonne nouvelle que nous pouvons nous unir à sa prière confiante pour nous et pour le monde entier. Cette prière, nous la faisons passer par Marie. Toute son existence a été entièrement animée par l’Esprit de Jésus. Qu’elle nous apprenne à nous tourner vers notre Père avec confiance et persévérance.
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Sources : Revue Feu Nouveau, Pour célébrer l’Eucharistie (Feder et Gorius), lectures bibliques des dimanches (A. Vahoye), missel communautaire, François selon Saint Luc
Les évangélistes mentionnent souvent les moments où Jésus se retire pour prier. Impressionnés et émerveillés par les conversations du Maître avec son Père, ses disciples aimeraient bien savoir comment Jésus prie. « Seigneur, apprends-nous à prier. » (Lc 11:1) C’est alors, pour Jésus, l’occasion de laisser non seulement à ses disciples mais également à nous tous un riche héritage. « Quand vous priez, dites : ‘Père’ » (Lc 11:2) Jésus nous invite à nous adresser à Dieu, dans une attitude d’amour et de confiance. Une relation aimante car Dieu est ‘Père’ avant tout. Un Dieu à visage humain que Jésus annonce. Une grande révélation ! La prière est donc un instant d’intimité, en tête-à-tête avec Dieu le ‘Père’ !
Le ‘Notre Père’ enseigné par Jésus est la prière chrétienne par excellence ! Il est à la fois récité en commun lors des offices, mais aussi prié personnellement dans le silence. Dès les premiers mots, le ton est donné :‘Père’. Un mot qui vient du fond du cœur ! Cette prière reflète le mieux notre relation filiale envers Dieu, ‘notre Père’. Une rencontre personnelle avec Lui. ‘La prière, disait ainsi sainte Thérèse de Lisieux, est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie. C’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus.’ Ce n’est donc pas un dialogue avec un Dieu lointain et abstrait, mais avec un Père. Une approche de confiance et d’abandon. Par le ‘Notre Père’, nous entrons dans l’élan d’un enfant qui s’adresse à son Père en s’ouvrant à Lui. Une relation d’amour entre Dieu et nous, un cœur-à-cœur avec Lui. Un moment précieux de réconfort pour l’âme. Même si notre prière ne nous conduit pas à une transfiguration comme celle de Jésus sur le mont Thabor, elle peut nous apporter la sérénité qui nous redonne force et confiance.
La prière est un pilier indispensable dans la vie d’un chrétien. Pourtant, comment prier malgré l’aridité spirituelle ? La grande question !… Saint Paul lui-même avoue sa fragilité : « L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. » (Rm 8:26) Le ‘Notre Père’ est une bonne introduction quand c’est le désert de l’âme. Une bonne approche quand on ne sait pas quoi dire. Une amorce pour relancer une conversation. C’est bien ce que suggère sainte Thérèse de Lisieux lorsqu’elle parle de son expérience personnelle : ‘Quelquefois, lorsque mon esprit est dans une si grande sécheresse qu’il m’est impossible d’en tirer une pensée pour m’unir au Bon Dieu, je récite très lentement un Notre Père et puis la salutation angélique, alors ces prières me ravissent, elles nourrissent mon âme.’ Le ‘Notre Père’, la source de toute prière, nous reconnecte à Dieu dans les moments les plus arides. Il vient nourrir notre prière personnelle lorsqu’elle s’essouffle.
La prière est au-delà de tous mots, de toutes émotions. C’est une source de vie ! Elle relève avant tout d’une attitude intérieure, une élévation de l’âme. Il s’agit d’une disposition intérieure qui nous détache de ce qui nous entoure pour entrer en relation avec ‘notre Père’. Elle ne se limite donc pas à des moments particuliers, mais peut se faire à tout instant : un ‘Notre Père’ récité posément, une petite pensée ou même un simple signe de Croix… L’important c’est l’ouverture de l’esprit et du cœur à Dieu, une connexion intime avec ‘notre Père’. Dès l’instant où la prière jaillit comme une conversation intime, elle devient naturelle. Tout commence par le silence. Car c’est dans le recueillement que notre âme s’ouvre spontanément à Dieu. Nous Lui confions nos soucis, nos attentes et nos espérances. Mais la prière n’est pas uniquement une demande. Dans le texte du Livre de la Genèse (Gn 18:20-32), en première lecture de la liturgie de ce dimanche, nous voyons Abraham demander à Dieu de pardonner aux habitants de Sodome. Il prie avec insistance, on dirait un marchandage. Voyons-y plutôt une persévérance dans sa foi en Dieu, une profonde espérance dans sa bonté. De la même façon, dans l’agitation quotidienne de la vie, sachons nous réserver de temps à autre un moment de silence pour entrer en conversation avec Dieu. Faisons une pause pour L’écouter en toute sérénité. Dans cette rencontre intime, notre âme se lance spontanément dans un élan fait de louange et d’action de grâce. C’est ce qu’a fait la Vierge Marie : ‘Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !’
Laissons-nous transformer par le ‘Notre Père’ enseigné par Jésus. Pensons à remercier Dieu pour tous ses bienfaits, pour les grâces qu’Il nous accorde, pour les personnes que nous rencontrons sur le chemin de la vie. Laissons-nous guider par l’Esprit-Saint pour demander à Dieu, non pas de réaliser ce que nous voulons, mais d’accomplir sa volonté : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. » (Lc 11:2-4)
Nguyễn Thế Cường Jacques
Attardons-nous sur le deuxième enseignement de Jésus donné dans l’évangile du jour, le premier étant celui de la prière du Notre Père. A-t-il jamais rien dit de plus complet et concret sur la prière d’intercession ?
Jésus, avec sa pédagogie naturelle efficace et accessible, compare le priant à un enfant avec son père. Il est vrai, et on l’a déjà beaucoup dit, que la métaphore peut grandement troubler les personnes dont le père a été défaillant, absent ou maltraitant. Comment projeter une image positive du père sur Dieu quand le nôtre ne nous a occasionné que manque et souffrance ? Je conçois tout à fait que cet état de fait puisse être un obstacle à la foi confiante en un Dieu Père et au langage ecclésial courant. Soyons donc d’autant plus attentifs à toux ceux qui sont blessés dans leur filiation en leur révélant avec conviction le visage tendre et miséricordieux du Dieu de Jésus Christ. Sachons témoigner de sa paternité pleine de sollicitude et de justice / justesse. Montrons par notre chemin de vie et de foi que le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de tous leurs descendants se laisse volontiers quêter et trouver. Car si l’homme est mauvais parfois dans son rôle de père et d’humain – c’est le Christ lui-même qui nous le dit aujourd’hui – Dieu ne saurait être à son image. Le serpent n’a pas fini d’empoisonner nos jours terrestres, mais ce n’est pas Dieu qui nous l’enfante, lui qui nous a donné son propre Fils, Ichthus, (poisson en grec ancien) : Jésus, Fils de Dieu, Sauveur.
Par toute ma vie, je peux pour ma part témoigner que l’enseignement donné ici par Jésus est hautement véridique. Et je le dis pour être passée au creuset de l’épreuve de la nuit de la foi pendant plus de quinze années, puis par toutes sortes de souffrances spirituelles, psychiques et concrètes pendant de longues années encore après avoir enfin retrouvé le goût de Dieu. Ma foi a été tout sauf aisée et dogmatique. Mais je puis assurer que la quête sincère et obstinée de Dieu aboutit à la grâce de la foi authentique. Pour Le trouver, oui, il faut Le chercher. Partout. Dans la nature, la création, dans les livres et les arts, dans les témoignages et les visages, dans le deuil et dans la mise au monde. Partout, jusque dans les contre-témoignages. A côtoyer et analyser ce qui n’est pas Dieu, on le retrouve encore, par effet de contraste.
Dieu n’aime rien tant que d’être cherché avec persévérance, avec envie et goût de Le trouver. Car bien souvent, l’athée qui campe sur sa posture n’a pas envie de Dieu : il n’est pas en quête, mais plutôt en rébellion, en suffisance de soi et de l’humain. Eprouvez jusqu’aux tréfonds de l’âme la désillusion de l’autre – notre alter ego en humanité – et la soif de la transcendance et de la perfection de Dieu vous viendra. De même, croisez sur vos chemins des témoins lumineux du Christ ressuscité, et l’évidence du Père vous (re)viendra aussi. J’ai personnellement beaucoup d’amis non-croyants ou athées. Je les aime et les respecte tels qu’ils sont, mais je ne peux que constater qu’ils demeurent arc-boutés sur la finitude humaine : ils ne voient pas d’autre nécessité que l’amélioration du quotidien des uns et des autres – et parfois ils sont admirables dans l’humanitaire – et sont prompts à idéaliser voire idolâtrer telle ou telle figure du genre humain. Mais ils ne se posent pas la question de savoir d’où viennent la grâce, le talent, l’essor, la joie profonde. Ils n’ont pas de perspective d’éternité. Ils ne voient pas plus loin que l’horizon terrestre.
Pour moi, j’ai quêté et je quête encore, avide de savoir qui est vraiment ce Jésus que toujours j’ai chéri. L’ayant enfin replacé dans sa filiation divine, je lui ai demandé la foi, et elle m’a été donnée en surabondance. Frappant à la porte de son cœur, j’ai intercédé encore et encore pour mes frères et sœurs en humanité, obtenant maintes grâces et exaucements, en particulier quand je demandais pour autrui et non pour moi-même. Et demandant au Père foi et Vérité, j’ai reçu infiniment plus que ce que j’ambitionnais : le Fils, l’Esprit et d’indicibles promesses.
Oui, demandons et demandons encore au Père ce qu’il a de meilleur. Il ne l’a créé ou engendré que pour la joie infinie qu’il éprouve à en gratifier ses pauvres créatures égarées dans ce monde en déliquescence. Nous donnant son Fils, Ichthus, il nous ouvre à la capacité de l’Esprit, et nous prépare intensément à la survenue de son Royaume… qui n’est pas de ce monde.