17ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 18 juillet 2010
Seigneur, apprends-nous à prier
Textes bibliques : Lire
Les lectures de ce dimanche nous parlent de la prière. A ce sujet, nous pouvons nous poser des questions que nous croyons importantes : Quand et où peut-on prier ? Pour l’évangéliste, ces questions sont sans intérêt. D’ailleurs, il n’y répond guère. Il nous montre Jésus qui est “en prière, un jour, quelque part”. La bonne question que nous devons tous nous poser c’est “comment prier ?” C’est en voyant Jésus en prière que les disciples lui demandent de leur apprendre à prier.
Et pourtant, ces disciples n’étaient pas des ignorants au sujet de la prière. A la synagogue et au temple, ils avaient appris à prier. On leur avait enseigné les prières traditionnelles du peuple d’Israël et ils les disaient fidèlement tous les jours. Mais à la vue de Jésus en prière, ils étaient profondément impressionnés. Ils ont été les témoins émerveillés de sa prière silencieuse et prolongée dans la solitude de la montagne. Ils ont pressenti le mystère de sa prière, une prière qui ne consistait pas qu’à des formules répétées par cœur. C’est dans ce mystère qu’ils ont désiré pénétrer : “Seigneur, apprends-nous à prier !”
Aujourd’hui, nous faisons nôtre cette demande des disciples. Nous aussi, nous avons l’habitude d’utiliser des formules que nous avons apprises par cœur quand nous étions au catéchisme. Nous ne devons en aucun cas les renier. Mais aujourd’hui, nous sommes invités à faire un pas de plus. Nous demandons au Seigneur de nous faire entrer dans sa prière. Il nous répond en nous enseignant le “Notre Père” qui est devenu le modèle de toute prière chrétienne. Il nous apprend à nommer la personne que nous prions : “Père”. C’est le cri du cœur qui reconnaît nos liens avec Celui que nous prions. Dieu est vraiment notre Père, un Père qui aime passionnément chacun de ses enfants et qui ne veut que leur bonheur. La prière est un acte de foi envers quelqu’un qui nous aime et que nous aimons. Quand nous prions, il est absolument essentiel d’aimer Dieu et d’être assurés de son amour pour nous.
Tout au long de cette prière, nous trouvons différentes demandes : les deux principales portent sur la sanctification de son nom et la venue de son règne. Demander à Dieu de “sanctifier” son nom c’est espérer qu’il soit enfin reconnu par tous. Dans un monde qui ne cesse de tourner la foi des chrétiens en dérision c’est plus que jamais nécessaire. Nous nous tournons vers notre Dieu en appelant la venue de son règne. C’est une manière d’espérer qu’il établisse son monde de paix et de justice.
Nous demandons aussi “le pain de chaque jour”. Nous pensons bien sûr à la nourriture matérielle qui est nécessaire pour vivre. Et nous n’oublions pas que, pour beaucoup, elle fait cruellement défaut, même parfois tout près de chez nous… Mais ce pain, c’est aussi la Parole de Dieu. Jésus lui-même nous prévient : “l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu”. Nous avons sans cesse à nous ajuster à ce Dieu qui nous fait vivre. Ce Dieu auquel nous croyons est “amour”, un amour qui va jusqu’au pardon. Si nous voulons nous approcher de lui, nous devons pardonner à nos frères et nous approcher d’eux. Il y a des rancunes qui durent des mois et des années. Si nous voulons être en communion avec notre Père du ciel, cela n’est pas possible. Le Christ nous recommande d’aller nous réconcilier. Nous avons tout à y gagner
Nous demandons aussi à Dieu de nous préserver de la tentation. Nous sommes facilement tentés de nous écarter de lui pour un bénéfice illusoire. Notre Dieu nous offre un trésor inestimable, mais trop souvent, nous préférons la pacotille. Bien sûr, il respecte notre liberté. Nous pouvons choisir d’aller vers lui ou de nous en détourner. Mais nous devons savoir qu’il ne met pas de piège sur notre route. Nous ne sommes pas tentés par Dieu mais par notre propre convoitise.
Alors la question “comment prier” trouve un éclairage nouveau : il faut prier comme Jésus et avec l’Esprit Saint. Le pape Jean-Paul II disait que “la prière n’est pas pour nous satisfaire. Elle est dépossession de nous-mêmes”. L’important c’est de “laisser le Christ prier en nous”. Avec lui, nous entrons dans une relation unique au Père. Nous mettons nos pas dans ceux de Jésus. C’est un engagement de tous les jours malgré les obstacles et les chutes. Prier c’est donner sa pleine confiance au Père, quoi qu’il puisse arriver.
Nous avons un très bel exemple de prière dans la première lecture. Abraham demande à Dieu de pardonner aux habitants de Sodome si on y trouve cinquante justes. Puis progressivement, il fait descendre les enchères jusqu’à dix. Il n’ira pas plus loin. Mais nous avons que plus tard, Dieu ira ira infiniment plus loin. Ce n’est plus le salut d’une ville ou d’un peuple qu’il va accorder mais celui de milliards d’êtres humains. Et cela nous sera accordé non pas à cause de dix justes mais d’un seul. Et ce juste, c’est Dieu lui-même qui le donne gratuitement à toute l’humanité. “Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son fils unique.”
En ce dimanche, nous nous adressons à Dieu qui est Père. Sa justice est amour infini. Nous sommes invités à insister dans notre prière non pour importuner Dieu mais pour oser aller à l’infini de nos demandes. Car Dieu ne veut nous donner rien d’autre que lui-même. Il veut que notre cœur soit à la mesure de son cœur de Père.
Seigneur Jésus, le “Notre Père” est ta prière. Que l’Esprit Saint nous aide à prier comme toi et avec toi. Amen.
D’après diverses sources
J’espère que mon commentaire ne s’envolera pas, comme cela s’est passé tout à l’heure. Enfin, il sera peut être encore plus nourrissant.
Père Jean, j’ai lu ton homélie trois fois pour bien m’en imprégner. Je suis toujours ahurie lorsque je lis que des personnes ne savent pas prier. Car cela ne s’apprend pas ! En effet, apprenons-nous à dire “je t’aime” à une personne ? Non, eh bien pour Dieu c’est pareil.
D’autre part, j’ai le JE VOUS SALUE MARIE et le NOTRE PERE auxquels je tiens beaucoup. Je les savoure souvent lorsque je prie. Et pour finir, je suis souvent en communication avec le Seigneur tout au long de la journée grâce à : “Seigneur, aide-moi”, “Seigneur, je pense à toi”, et “Seigneur merci pour tout”.
Bien sûr, je demande en ce moment au Seigneur qu’il aide mon fils dans son travail très difficile. Et je ne me sens pas exaucée. Pourtant, je sais pertinemment que chacune de mes prières est ENTENDUE et RECUE. Et je sais aussi que, pour me réconforter, le Seigneur m’envoie des sourires sous la forme de quelques belles satisfactions dans ma journée.
De toute façon, quand je ne suis pas exaucée, je me demande : “ai-je bien formulée ma prière ?”
Pour ce qui concerne le NOTRE PERE, je trouve que cette prière comporte toutes les questions nécessaires à un homme pour bien vivre.
PORTEZ-VOUS BIEN !
Christiane
J’ai eu souvent l’occasion d’observer les petits enfants dans un super marché. Ils veulent tout ce qu’ils voient. La maman résiste beaucoup et pourtant, elle l’aime son enfant. Mais elle sait mieux que lui ce qui est bon pour lui. Je pense que c’est un peu la même chose pour nous dans la prière.
J’ai eu l’occasion d’écouter un pèlerin de Saint Jacques de Compostelle qui vient d’être ordonné prêtre. Lors de son pèlerinage, il demandait un hébergement. Plusieurs fois il a essuyé des refus. Et il se disait : “Ce n’est pas grave, le Seigneur a mieux pour moi”. Et finalement il a été reçu chez une dame qui était en train de lire un livre sur les pèlerins de St Jacques…
Nous pouvons dire que si nos prières ne sont pas exaucées, c’est parce que le Seigneur a mieux pour nous. C’est pour cela que le Seigneur nous demande d’insister. Ainsi notre prière finit par sur purifier. Elle s’ajuste mieux à l’amour que Dieu nous porte
Envoyé par le Père Jean M
La liturgie de ce jour comporte un thème bien commun : Demander ! Les demandes ? Elles peuplent nos conversations, nos relations. Comme des fruits sur un marché il est facile d’en faire un bel étalage, tant elles sont nombreuses, fruits de diverses qualités. Elles peuvent être normales, naturelles, excellentes, mais aussi tachées d’égoïsme, empoisonnées de haine et de cruautés barbares. Des demandes ? la vie – la santé, corporelle, intellectuelle, spirituelle – un emploi – le temps – demandes de gains en euros, utiles pour vivre, mais parfois abusifs – le succès – des couronnes : sportives, artistiques, politiques – des valeurs prônées par les droits de l’homme et les démocraties – l’amour, du couple, des parents, des enfants, des amis, de tous les hommes, de soi et des autres, de Dieu …Arrêtons la liste pour nous en tenir à celles de la liturgie !
En 1ère lecture de la Genèse, Abraham fait une demande importante au Seigneur. Il avait en visite 3 hommes. Deux le quittent pour se rendre à la ville de Sodome où la conduite humaine voit des abus sexuels des plus haïssables. Dieu a décidé sa destruction. Abraham demande au Seigneur de ne pas faire périr les justes avec les injustes, demande légitime. La sentence serait injuste ! Peut-être y aura-t-il 50 justes? Pour ce nombre le pardon du Seigneur est accordé. Dans sa bonté, par demandes successives, Abraham avance le chiffre 10. Pour 10 justes le Seigneur consent encore le pardon. Nous savons que, faute de justes, finalement Sodome sera détruite. Relevons l’attitude sympathique d’Abraham : une prière de demande au Seigneur, renouvelée, toujours plus avenante.
Avec le Psaume nous avons chanté : « Tu écoutes, Seigneur, quand je crie vers toi ». Ce fut le comportement d’Abraham ! Le texte nous dit encore : « De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce, tu as entendu les paroles de ma bouche … pour ton amour et ta vérité ». Si haut soit-il le Seigneur « voit le plus humble, reconnaît l’orgueilleux ». Aucune inquiétude pour s’adresser à lui, d’où la demande : « Seigneur éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains ».
L’Evangile (Luc 11, 1-13) nous centre sur Jésus. Un jour où il « était en prière », celle-ci terminée, un disciple lui fit cette demande : « Apprends-nous à prier ». L’incomparable prière du « Notre Père » est sa réponse. Chaque chrétien se doit de l’exprimer quotidiennement, individuellement, en famille si possible. Prononcée dans bien des réunions chrétiennes, dans toutes les célébrations liturgiques, elle l’est en solennité dans l’Eucharistie.
Jésus la complète par une parabole, celle de l’ami importun. Il s’agit d’un homme ayant de nuit la visite d’un hôte de passage. Pour le restaurer il a besoin de trois pains. Sa solution ? la demande à l’un de ses amis. Même si cet ami est couché, ne se lève pas par amitié, il le fera dit Jésus « à cause du sans gêne de cet ami ».
Conclusion ? « Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte s’ouvrira ». Comparant la bonté humaine du père pour ses enfants à celle de Dieu Jésus indique : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ». Il est bien évident que Dieu ne peut acquiescer à n’importe quelle demande. S’il signale la demande de l’Esprit Saint c’est parce qu’elle est primordiale. Elle est celle de l’Esprit d’amour, nécessaire pour aimer, trésor incalculable, source du vrai bonheur.
En 2ème lecture St Paul souligne que nos demandes d’amour, avec le baptême qui nous incorpore au Christ, « mis au tombeau avec lui, avec lui ressuscités » trouvent leur terme en Jésus Christ. Notre foi en sa résurrection donne vie avec lui, pardonne tous nos péchés : le billet de la dette qui pesait sur nous « il l’a annulé en le clouant à la croix».
Demandons à Marie, sa mère et notre mère céleste, d’ouvrir toujours plus largement nos cœurs à l’Esprit d’amour pour bâtir paix et unité dont notre monde a tant besoin.
Je voudrais guérir du coeur ainsi que mon père
Je voudrais que Naduschka Petroskaia guérisse de son cancer.
Jérôme
Nous porterons toute cette souffrance dans notre prière
Quelle belle histoire que cette histoire d’Abraham qui, après avoir accueilli trois mystérieux visiteurs, supplie le Seigneur pour qu’il épargne cette ville ! Il prie avec insistance : s’il y a au moins cinquante justes dans cette ville, ou même simplement quarante-cinq, ou quarante, ou trente, ou vingt, ou dix, ne vas-tu pas accorder ton pardon ? Plus qu’un marchandage, voyons-y surtout le désir pressant qu’une population soit sauvée parce qu’il y en a quelques-uns au moins, parmi ses membres, qui sont en effet des justes.
Certes la suite du récit nous apprend que Sodome devait être détruite, maisaussi, pourtant, que Lot et sa famille furent au moins sauvés. Mais surtout, si nous parcourons la Bible, elle nous réserve des surprises. Dans le livre de la Genèse, Dieu avait dit : « Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome », et Abraham n’était pas descendu au-dessous du chiffre dix ; or plus tard le prophète Jérémie rapporterait cet oracle du Seigneur : « Parcourez les rues de Jérusalem, regardez donc, renseignez-vous, cherchez sur ses places si vous découvrez un homme, un qui observe le droit, qui recherche la vérité : alors je pardonnerai à cette ville » (Jérémie 5, 1). Dieu serait donc disposé à pardonner, non plus à Sodome mais à Jérusalem simplement pour un seul juste qui s’y rencontrerait ! Et surtout le quatrième chant du Serviteur, dans le livre d’Isaïe, évoque un homme injustement mis à mort : « Par ses souffrances mon Serviteur justifiera des multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes. C’est pourquoi je lui attribuerai des foules et avec les puissants il partagera les trophées, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et a été compté parmi les pécheurs, alors qu’il supportait les fautes des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs » (Isaïe 53, 11-12). Un seul juste, le parfait Serviteur de Dieu, rendra possible le salut de beaucoup – non plus simplement d’une ville particulière, mais de l’humanité entière. Ce jour-là – ce jour-là seulement – l’antique prière d’Abraham sera définitivement exaucée. La prophétie d’Isaïe s’est effectivement réalisée en Jésus de Nazareth, le parfait serviteur de Dieu. C’est lui, dira l’Epître aux Hébreux, qui a « présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort », et c’est lui qui, ayant été « exaucé », « est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel » (Hébreux 5, 7 et 9). C’est pourquoi il peut nous apprendre à prier en vérité.
Cette prière ne dépend pas d’abord de la quantité de mots que nous adressons au Seigneur. Jésus la résume en ces quelques expressions : « Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain… Pardonne-nous nos péchés… Et ne nous soumets pas à la tentation. » Peu de mots donc, mais le grand désir de ceux et celles qui n’hésitent pas à insister le jour ou même la nuit, qui ne craignent pas de déranger leur Seigneur – à l’image de cet homme qui va trouver son ami en pleine nuit et qui ne craint pas de le déranger pour lui demander du pain.
Cela ne veut pas dire que toutes nos prières soient ou puissent être immédiatement exaucées. La prière n’est ni un moyen de pression ni un acte de puissance, elle est plutôt l’expression d’une pauvreté par laquelle nous osons dire à temps et à contretemps notre attente, notre désir, notre soif. Mais elle est plus encore l’expression de notre espérance, car, que notre prière soit exaucée ou non dans son objet immédiat, nous croyons que nous sommes de cette multitude humaine pour laquelle Jésus-Christ a intercédé une fois pour toutes, et nous avons donc l’assurance qu’à travers toute vraie prière Dieu nous transforme pour nous configurer davantage à son Fils et nous combler de son Esprit.
« Demandez, dit Jésus, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte. » La prière chrétienne repose sur cette certitude que le Seigneur nous précède et qu’il attend notre supplication pour nous construire et poursuivre son œuvre en nous et autour de nous.
Avec l’aimable autorisation de kerit.be
Homélie du Père Meynen :
Écouter ici
La Merveille de la Prière de Jésus
Jésus n’invente pas l’itinéraire de sa vie, il n’improvise pas ses décisions, il ne manigance pas pour s’attirer les faveurs des foules et gagner des places au box-office. Seule lui importe la réalisation du projet que Dieu lui a confié à son baptême : inaugurer le Règne de son Père sur cette terre. Pour découvrir les étapes de cette mission et avoir le courage de l’accomplir jusqu’à son terme, Jésus prie – comme Luc le signale à nouveau aujourd’hui. : « Un jour quelque part, Jésus était en prière. »
Jamais Jésus ne prétendra que sa mission – prêcher, faire le bien, soigner les malades – équivaut à prier. La prière est un acte spécifique qui exige temps, attention, vigilance : pour s’y donner, Jésus quitte les siens et s’enfonce dans la solitude. Quelles que soient l’urgence des œuvres à réaliser et la détresse des malades à guérir, Jésus s’arrête, s’écarte. Car ne peut rejoindre le cœur des hommes que celui qui maintient son cœur près de Dieu. Car le ruisseau tarit s’il perd sa source. Car la foi n’est pas répéter aujourd’hui ce que l’on a fait hier.
Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda :
« Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples ».
Il n’y a pas un état permanent de prière : Jésus la commence et la termine afin de rejoindre ses disciples. Ceux-ci sont les hommes et les femmes qui ont accepté de quitter leur Galilée pour marcher vers Jérusalem derrière leur maître, dans l’appréhension d’un destin tragique. Certains d’entre eux sont sans doute d’anciens disciples du prophète Jean qui leur avait enseigné une prière caractéristique de son groupe. A présent qu’ils sont devenus communauté de Jésus, ils demandent à celui-ci de leur apprendre une nouvelle prière. Inspirée par les prières de l’Ancienne Alliance, le PATER brille comme la prière de la Nouvelle Alliance. Nous aurons toujours à demander la grâce de bien redire la Prière du Seigneur. « Jésus apprends-moi à sortir de la routine, à peser le sens des mots, à ne pas bavarder, à me laisser travailler par ces quelques phrases »
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : …….. »
La prière chrétienne n’est donc pas silence, ni formules inventées selon notre bon plaisir : elle est faite de paroles et de paroles reprises de la bouche même du Seigneur. Le PATER n’est pas une belle élévation pieuse, un texte poétique que tout le monde peut s’approprier :
Il vient du secret intime de la relation privilégiée de Jésus- Fils à son Père,
il est accordé sur demande expresse d’un disciple prêt à suivre Jésus jusqu’au bout,
il devient la formule type d’une communauté spéciale que l’on appellera Eglise de Jésus.
C’est une révélation précieuse, un diamant, un trésor nouveau que l’on n’a pas le droit de galvauder ni de rabâcher. Tout mot porte. Apprenons-le à le redire dans sa fraîcheur. (La version de Luc est plus brève que celle de Matthieu qui est devenue le texte habituel)
1) INVOQUER LE NOM : « PERE… »
La prière n’est pas soliloque, expression de nos sentiments mais adresse à Quelqu’un dont il importe d’emblée de dire d’abord le Nom. « ABBA » -diminutif de AB – papa. Mot familier de l’enfant à celui qui l’engendre, le porte, le nourrit, le cajole, le fait grandir, l’éduque. Le chrétien ne parle pas à un Dieu lointain, un Juge impitoyable, un Seigneur. Il ne voit personne (ce serait une idole) : son cœur s’abouche à sa Source de Vie et d’amour. En prononçant ce mot, du même coup il se redit sa propre identité : « enfant de ce Père ». Et il reconnaît que tous les autres disciples de Jésus sont, comme lui, enfants qui, en accord, peuvent murmurer ensemble « NOTRE PERE… ».
2) DEUX VŒUX : « QUE TON NOM SOIT SANCTIFIÉ, QUE TON RÈGNE VIENNE »
Les disciples de Jésus ne prient pas d’abord à leurs propres intentions : comme lui, ils sont passionnés par leur Père.
1) Par son Être. L’identité divine est si souvent niée, bafouée, critiquée, caricaturée, blasphémée. Le verbe au passif est un appel à l’action divine : «Fais-toi reconnaître, découvrir, adorer tel que tu es en vérité ». Que les hommes s’ouvrent à ce qui est au-delà du sensible et qui le fonde. Que s’écroulent les idoles, causes des égoïsmes et des haines et que l’humanité se reconnaisse comme une famille en priant un unique PERE. Que ce Nom soit vénéré, chanté dans une louange éperdue.
2) Par son projet. Dieu n’est pas indifférent : Il nous a faits « à son image » donc libres et responsables et il veut nous sauver, nous libérer de la marée noire du mal qui nous poisse, qui nous étouffe, qui nous tue. A l’exemple de Jésus, et en union avec lui, combien nous devrions exprimer notre désir le plus profond avec la force la plus immense : QUE TON REGNE VIENNE. Il y a tant d’hommes malheureux, tant de méchanceté, tant de déchaînement de haine. Il y a tant d’hommes (tous) qui ont commis le mal et qui sont enfermés dans le remords et le désespoir. Père, viens, préviens, interviens, subviens. Nous sommes tellement fragiles, faibles, inconstants, ignares…Toi seul peux établir ton règne de paix et d’amour.
3) TROIS DEMANDES : PAIN, PARDON, PROTECTION
« DONNE-NOUS LE PAIN DONT NOUS AVONS BESOIN POUR CHAQUE JOUR »
« Manger sans prier, c’est voler » : l’enfant Jésus avait appris ce vieil adage à l’école, il avait vu ses parents toujours fidèles à l’humble prière des repas. Confesser que la nourriture est un cadeau quotidien du Père, c’est avouer sa dépendance filiale, refuser de se prendre comme propriétaire de tout, reconnaître la dignité de tous les convives, refuser la goinfrerie égoïste, entrer dans une société de partage, ne jamais oublier que le pain doit être donné à tout homme sur la terre.
Mais le pain est aussi symbole de la Parole de Dieu : le disciple implore afin d’entendre la Parole qui, en ce jour, lui montrera la route, le fera vivre.
Et le Pain est enfin Pain de Vie. La communauté demande la grâce de célébrer l’Eucharistie, de devenir communion en partageant le Corps du Christ.
« PARDONNE-NOUS NOS PÉCHÉS
CAR NOUS-MÊMES NOUS PARDONNONS À TOUS CEUX QUI ONT DES TORTS ENVERS NOUS »
Le disciple ne s’estime pas impeccable ou parfait. Jusqu’à la fin de sa vie, et quels que soient ses efforts, il aura toujours à demander pardon car il restera toujours pécheur. Et le pardon – la grâce suprême- lui sera accordé sur le champ par son Père. Non parce qu’il le mérite mais parce que le Fils premier a offert sa vie sur la croix dans ce but. Dans le même élan, dans la joie folle de cette miséricorde gracieusement reçue, il devra, à son tour, offrir ce pardon à tous ses frères sachant que la mise en relation des deux dimensions – verticale (avec Le Père du ciel) et horizontale (avec les frères) – a toujours la forme d’une croix.
« ET NE NOUS SOUMETS PAS A LA TENTATION »
Nous ne demandons pas de ne jamais être tentés. N’étant pas des pantins manipulés ni des animaux programmés par leurs instincts, et notre liberté étant capacité de choisir, d’opter dans un sens ou dans l’autre, nous sommes en permanence mis à l’épreuve : vérité ou mensonge, égoïsme ou partage, indifférence ou engagement, foi ou incroyance…Le disciple connaît son incommensurable faiblesse, il a souvenir de ses chutes, de ses engagements pris et reniés, de ses promesses non réalisées, ses intentions jamais tenues, la force des passions, la pression de l’entourage…Père, que je te garde présent dans ma vie, que je t’appelle sans cesse pour me donner la force de résister. Comme ton Fils Jésus qui a été tenté et que son amour filial a gardé fidèle.
* * * * *
L’enseignement du PATER est suivi d’une petite catéchèse sur la prière.
Quelques notes seulement.
1) UNE PARABOLE (lire le texte) : le péché dans la prière n’est pas la distraction comme nous pensons toujours mais l’arrêt, la non insistance. Prier c’est souvent se trouver devant un mur, une porte qui refuse de s’ouvrir ; Dieu semble ne pas nous entendre. Et nous arrêtons. « Cela ne sert à rien ». Jésus nous apprend à tenir, à persévérer, à nous déchirer les ongles sur la porte close. Il nous apprend surtout que nous devons prier le PATER à l’intention des autres – comme le personnage de la parabole intercédait pour les besoins d’un voyageur.
2) LA CERTITUDE DE L’EXAUCEMENT : Jésus est formel :
« Demandez, vous obtiendrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte.
Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvrira ».
N’avons-nous pas l’expérience fréquente du contraire ? Tant de demandes non exaucées, tant d’appels non répondus. Jésus va expliquer :
3) MAIS LE PERE SAIT QUOI NOUS DONNER :
Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ? ou un scorpion à son fils qui lui demande un œuf ?… Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent »
Il est vrai que nos demandes ne semblent pas toujours exaucées…comme nous le voulons ! Mais Jésus termine son instruction par une révélation capitale : ce que vous devez demander, c’est l’Esprit, le Souffle de votre Père. Ne pas être des demandeurs centrés sur eux-mêmes et leurs conceptions. Mais des enfants du PERE qui, comme le FILS JESUS, se laissent conduire par le Souffle de l’ESPRIT.
Née de l’Esprit, la prière du FILS et des FILS s’adresse au PERE. Alors dans la foi, même si la porte du tombeau semble inexorablement fermée sur la victoire de la mort, ils savent qu’elle peut s’ouvrir à la prière du Fils qui rejaillit dans la vie ressuscitée.
A LA GLOIRE DU PERE et POUR LA VIE DES FILS.
Ce temps de vacances pourrait être un temps
Où nous nous replaçons dans l’attitude de Marie qui écoute
Afin de pénétrer dans le sens prodigieux de cette brève prière.
Elle est le résumé de l’Evangile
Elle est programme de vie chrétienne.
Elle est soudure entre chrétiens
Elle est ouverture confiante en l’avenir de Dieu.
Raphaël D