Homélie du 30ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 15 octobre 2011Textes bibliques : Lire
“Dans la loi, quel est le grand commandement ?” Voilà la question qui est posée à Jésus dans l’évangile de ce dimanche. C’était une question piège pour le coincer. Et pour cela, on vise son enseignement et son action. Ses adversaires l’accusent de ne pas respecter la loi religieuse, en particulier celle du Sabbat qui interdit toute activité. Il accueille les pécheurs, il touche les lépreux, il va vers les exclus. Il ne respecte donc pas la loi de Dieu transmise à Moïse. Les pharisiens ne voyaient que ce qui était permis et défendu. Ils étaient vraiment des spécialistes de ces 613 prescriptions qu’on trouvait dans la loi. Et les chefs religieux discutaient à longueur de temps pour savoir quel était le plus important.
La Bible avait donné la réponse depuis longtemps : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur” (Dt 3. 5). “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Lv 19. 18). L’important c’est l’amour et non la loi pour la loi. C’est cela que Jésus vient nous rappeler d’une manière nouvelle. Ce qui fait la valeur d’une vie c’est l’amour que nous y mettons. En effet, que valent nos prières et nos pratiques religieuses s’il n’y a pas un vrai amour pour Dieu. Chaque jour, nous sommes de plus en plus engagés dans de multiples occupations. Mais s’il n’y a pas l’amour dans notre vie, cela ne sert à rien. Nous ne valons que par l’amour et nous serons jugés sur l’amour.
Dans l’évangile, Jésus nous demande d’aimer Dieu et le prochain. Les deux vont ensemble. Ils ne peuvent aller l’un sans l’autre. C’est malhonnête d’aimer Dieu sans l’homme ou l’homme sans Dieu. “Celui qui dit j’aime Dieu et qui n’aime pas son frère, est un menteur”. On ne peut pas non plus s’occuper de son frère en abandonnant Dieu. Mère Térésa, qui allait vers les plus pauvres, passait de longues heures en prière. C’est là, auprès du Seigneur, qu’elle puisait la force d’aimer.
Dans la vie, beaucoup choisissent de s’occuper de Dieu sans s’occuper de leurs frères. L’évangile est là pour nous rappeler que toute notre vie doit être entièrement tournée vers Dieu et vers les autres. Il est dommage de constater que beaucoup ne prient plus ; ils se détournent de la messe et des sacrements. A travers tout cela, c’est de Dieu qu’ils se détournent. Sur la croix, Jésus regarde vers le ciel, vers Dieu et ses bras sont étendus vers tous les hommes. En ce jour, le Seigneur nous adresse un appel à aimer comme lui. Il nous rejoint dans toutes les situations de notre vie pour nous montrer le chemin de la Sainteté. Nous ne serons jamais à la hauteur. Mais Dieu nous aime inlassablement. En ce jour, il nous invite à avoir le même regard que lui sur nos proches, en particulier ceux qui sont les plus défavorisés, les plus pauvres, les exclus, les étrangers.
En cette journée missionnaire, cet appel nous rejoint tous. Nous vivons dans un monde qui souffre des guerres, des attentats, des enlèvements. Les mauvaises nouvelles ne cessent de s’accumuler. C’est dans ce contexte que l’Eglise s’efforce de rester fidèle au grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Elle est présente pour annoncer l’Evangile du Christ mais aussi pour servir l’être humain dans sa globalité. Cette année, la semaine missionnaire est orientée vers l’Océanie. Dans ces îles, elle est le lieu indispensable de lien social et de solidarité. Elle contribue au développement, à l’alphabétisation, à l’amélioration de la santé des populations.
Jésus nous apprend à aimer tous les hommes comme le Père les aime. C’est un amour sans limite et sans frontière, un amour qui va jusqu’au pardon. C’est à notre amour pour les petits et les exclus que nous serons jugés. Et à travers eux c’est le Christ qui est là. Il nous appelle tous à aimer Dieu au quotidien et en toutes circonstances. Dans le même temps, il nous appelle à aimer au quotidien tous nos frères proches et lointains. Il importe que notre charité soit active et généreuse. Les organismes de solidarité sont là pour nous aider à la rendre plus efficace. Le Seigneur est là pour nous accompagner et nous montrer le chemin. Plus que jamais, nous pouvons lui dire : “Je crois en toi, Seigneur ; tu es ma vie ; tu es mon amour.”
Par la communion, Jésus vient vivre en nous. Il vient en nous pour aimer notre Père et tous nos frères et sœurs de la terre. Nous lui rendons grâce : Béni sois-tu, Seigneur pour cet amour. Tu nous envoies le rayonner autour de nous. Garde-nous fidèles à cette mission. Qu’elle soit le programme de toute notre vie. Amen
ADAP : Lire
Merci pour ce texte sur la mission: dès hier nous avons commencé la semaine missionnaire avec les documents de l’Oeuvre Pontificale missionnaire sur l’Océanie, même avec jeu scénique par les enfants de la catéchèse: voyage d’île en île pour découvrir les secrets du bonheur. François Beauchesne
30ème dimanche – année A – 23 octobre 2011 – Evangile de Matthieu 22, 34-40
TANT QU’ON N’A QUE L’AMOUR……
La tension monte dans la capitale surpeuplée par le flux de pèlerins qui se préparent à célébrer la fête de Pâque. La nouvelle libération va-t-elle s’effectuer ? Le Messie va-t-il survenir et nous emmener à la victoire ? Les gens demeurent intrigués par ce Jésus de Nazareth qui annonce le Royaume mais les autorités religieuses, elles, sont excédées par ce Galiléen et elles font tout pour le piéger. Après la question des Pharisiens concernant l’impôt romain, des Sadducéens (familles des grands prêtres) tentent de ridiculiser la croyance en la résurrection des morts, à laquelle ils ne croient pas. Mais Jésus l’affirme très nettement (22, 23-33 : omis dans la liturgie). Là-dessus il va y avoir une nouvelle attaque pharisienne.
Les Pharisiens ont très mauvaise réputation or ce ne sont pas des hypocrites rusés (même s’il y en avait peut-être quelques-uns de cet acabit parmi eux). C’était des hommes très pieux, souffrant de voir que des Juifs, contaminés par le paganisme triomphant, abandonnaient les traditions des ancêtres. Ils s’adonnaient à l’étude incessante des Ecritures afin de connaître la Volonté de Dieu et ils multipliaient les observances afin de pratiquer la Loi dans ses moindres détails.
Leur fidélité et leur application les mettaient à l’écart du commun bien incapable de satisfaire à toutes leurs minuties – d’où leur nom (pharisien signifie « séparé »). Ils étaient les meilleurs.
Un groupe de pharisiens a discuté pour savoir comment piéger Jésus, ce paysan de Galilée qui se permet d’enseigner le peuple, et l’un d’eux, « docteur de la Loi » donc spécialiste des Ecritures et de leur application pratique, se présente.
Les Pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux Sadducéens, se réunirent, et l’un d’eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve :
Il y avait bien le Décalogue, les Dix Paroles, mais à côté de cela beaucoup d’autres lois : la circoncision, l’observance des fêtes, les jeûnes, les interdits alimentaires, les ablutions…On comptait jusqu’à 613 préceptes (mitsvoth). Tout ne pouvait être mis sur le même pied : cette législation avait besoin d’un principe. Qu’est-ce qui était le plus important ? Le théologien, sûr de sa science, vient demander son avis à Jésus, sans doute persuadé qu’il répondra mal et qu’il suscitera les moqueries et les divisions dans la foule.
Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement.
Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture – dans la Loi et les Prophètes – dépend de ces deux commandements »
Jésus va chercher sa réponse non dans le Décalogue mais dans la prière essentielle du SHEMAH qu’il récite matin et soir comme tous ses compatriotes (jusqu’à aujourd’hui) :
« Ecoute, Israël : Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN. Tu aimeras le Seigneur…. » (Deutéronome 6, 5).
Il ne s’agit pas d’un ordre arbitraire, d’une sommation : d’abord le croyant doit « écouter ». Il lui est rappelé que YHWH est Dieu unique, que ce Dieu l’a créé, l’a libéré, l’a comblé de biens, lui a offert une loi bienfaisante. DONC, en retour, le croyant qui reçoit cette révélation ne peut qu’aimer ce Dieu qui depuis toujours et pour toujours l’aime et lui a prouvé cet amour.
Donc l’amour du croyant pour Dieu ne peut se réduire à quelques actes sacrés, quelques cérémonies : cet amour, cet élan vers Dieu ne peut être que total. : « Tout ton cœur, toute ton âme, tout ton esprit ». Le monothéisme intègre le croyant dans son unité, il l’unifie : personne, raison, volonté. Il ne le bloque pas dans un état de peur : il le dynamise, le projette dans le flux de l’amour.
Au contraire, si le croyant n’offre à Dieu que quelques gestes ou quelques moments, s’il se réserve la maîtrise sur son existence, il reste déchiré, malheureux. Se donner à Dieu en entier, c’est se trouver ; se garder, c’est se perdre, s’émietter. L’amour n’est un ordre que pour autant qu’il « ordonne »c.à.d. « met en ordre » le fouillis de l’existence, le mélange de nos qualités et défauts. Il est bien « le grand commandement ».
Le pharisien interrogeait, au singulier, sur « le grand commandement » mais Jésus, au 1er, ajoute tout de suite « un second …qui est semblable » ; « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18). A nouveau l’ordre ne tombe pas de façon abrupte : « Tu dois aimer cet homme ». Certains répondraient que, dans leur cas, c’est impossible, et qu’on ne peut leur intimer pareille obligation. Ce qui est premier ici, c’est l’amour de soi puisqu’on dit d’aimer « comme tu t’aimes, toi ».
Le Sermon sur la montagne avait déjà précisé que cet amour du prochain ne s’évaluait pas aux effusions de sympathie mais aux actes puisqu’il devait s’adresser au-delà du cercle de la sentimentalité :
« Vous avez appris qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même et tu n’aimeras pas ton ennemi ». Et moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous vous persécutent… » (5, 43-44)
Ce qui rejoint ici la célèbre règle d’or:
« Ainsi tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. C’est la Loi et les Prophètes » (7, 12)
De même que tu cherches à développer ton être, que tu te portes vers les choses agréables et te détourne de ce qui te déplait, ainsi agis envers autrui. Comporte-toi envers lui comme tu aimes faire pour ton bien ; ne lui fais pas ce que tu ne veux pas qu’on te fasse.
Aussi bien faut-il au préalable s’aimer ! Et certains diront que cela ne va pas de soi. « Il est plus facile qu’on ne croit de se haïr », disait Georges Bernanos. Il n’est pas si simple de s’accepter sans vanité, de se supporter sans dépit, de ne pas s’en vouloir. Beaucoup d’inimitiés viennent d’un ressentiment contre soi-même.
En relisant bien, on voit donc qu’il y a 4 amours, 4 facettes de l’amour, qu’il importe de garder dans l’ordre :
Au point de départ Dieu révèle son amour total pour l’homme. La croix que Jésus acceptera manifestera la vérité éternelle de cette révélation. L’amour divin est donné. La croix en fait une certitude.
L’homme qui fait confiance se trouve consolidé, unifié par cet amour (« Tel que tu es, tu es aimé de Dieu ») : en retour, et comme naturellement il répond. Sa connaissance du Dieu Amour devient reconnaissance, gratitude, élan. Il peut aimer ce Dieu.
Du coup, parce qu’il sait qu’il est pardonné (inlassablement et à fond), parce qu’il a compris qu’il ne doit pas correspondre à un idéal inaccessible, qu’il ne doit rien mériter, qu’il n’a pas à trembler pour son avenir, il devient capable de s’aimer vraiment lui-même. Il perd vanité, coquetterie, morgue, orgueil, il cesse de se comparer, il ne cherche plus à se hisser au-dessus des autres. Il s’aime comme un enfant de Dieu.
Du coup il devient capable d’aimer son prochain. L’autre lui apparaît comme « aimé de Dieu » autant que lui-même ; ensemble l’un et l’autre ne vivent que de la miséricorde de Dieu, miséricorde qu’ils ne peuvent que se partager.
« Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture (la Loi et les Prophètes) dépend de ces deux commandements ».
Non seulement ces 2 commandements sont les premiers de la liste des préceptes mais ils en organisent l’ensemble. Toute l’histoire racontée dans l’Ecriture n’est qu’une recherche de l’amour.
Un précepte moral, une règle liturgique, un sacrifice qui ne s’inspirerait pas de l’amour et qui ne conduirait pas à sa croissance aurait peu de sens. L’amour infini est source et but, origine et destination.
L’oubli de cet essentiel fait basculer la liturgie dans la magie, la morale dans le légalisme, l’ascèse dans le masochisme, le droit dans le juridisme, la mission dans le prosélytisme.
Même le péché n’a d’autre raison que de nous conduire à mieux comprendre l’amour. Avoir manqué à celui-ci appelle à le redemander. Nos chutes reculent ses limites et l’ouvrent à l’infini.
Et S. Matthieu ne nous dit rien de la réaction du pharisien et celle de la foule. Lorsque Jésus nous répète à voix douce : « Aime Dieu de tout toi-même et aime ton prochain comme toi », nulle contestation n’est possible. Tout homme bien né ne peut que s’émouvoir de recevoir sa vocation, d’être dégagé des complexes et des lois, appelé à devenir lui-même.
« Au soir de cette vie, disait saint Jean de la Croix, nous serons jugés sur l’amour ».
Raphaël D
30e dimanche dans l’année A
Jésus est épié sans arrêt par ses ennemis qui cherchent à le prendre en défaut : « Faut-il payer l’impôt à César ? » « Quel est le plus grand commandement ? » Ces questions ne sont pas sincères, mais visent uniquement à le piéger.
« Le plus grand commandement ? » Jésus en propose deux, qu’il unit intimement l’un à l’autre. Le premier est tiré du livre de l’Exode : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et tout ton esprit. » Mais Il lui ajoute aussitôt un second, extrait du Livre de Lévitique : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»
C’est d’une totale nouveauté : mettre sur le même plan Dieu et le prochain, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Ce sera la grande leçon de la parabole du jugement dernier, où Jésus s’identifie celles et ceux qui étaient dans le besoin. «Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?… En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Matthieu 25, 31-46).
Pour Jésus, il n’y a pas deux amours, il n’y en a qu’un. La seule manière de savoir si j’aime vraiment Dieu est de constater si ma vie est commandée par l’amour et non la haine, la justice et non l’offense, le pardon et non la vengeance.
Il n’est donc pas question de choisir entre Dieu et homme. Il n’y a pas de concurrence entre les deux amours : « Qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », dit saint Jean. (1 Jean 4, 20)
Il est donc clair qu’on ne peut éliminer un commandement par l’autre, comme certains seraient tentés de le faire. Il serait tellement plus pratique de se dispenser de l’un des deux commandements, en disant : il suffit d’aimer Dieu ou bien, il suffit d’aimer le prochain. Pour Jésus, il n’y a pas un seul commandement, il y en a deux qui ne font qu’un.
Un journaliste voyait un jour une jeune religieuse soigner les plaies d’un lépreux. Il lui dit très sincèrement: « je ne ferais pas ce genre de travail pour un million d’euros ». « Moi non plus, répondit-elle avec simplicité, mais je le fais par amour pour ce pauvre homme qui est en train de mourir.» Elle s’efforçait d’aimer Dieu en aimant ce malade qui se mourait dans cet hôpital africain.
L’essentiel de la religion, nous dit Jésus, c’est donc d’aimer Dieu et d’aimer son prochain, les deux étant indissolublement liés. Tout le christianisme se résume à cela : « tu aimeras ». Que nos efforts maladroits, un peu d’humour sur nous-mêmes et beaucoup de confiance en Dieu nous fassent reprendre à notre compte l’aveu de saint Pierre après sa trahison : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime » (Jean 21)
Les homélies sur kerit.be