7ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 15 février 2009Lectures : Lire
Il n’est pas facile de manœuvrer un brancard au milieu d’une foule. Chacun de nous peut imaginer tout l’effort fourni par ces quatre hommes qui cherchent à porter le paralysé au devant de Jésus. Il faut jouer du coude, monter le malade jusque sur le toit puis le descendre délicatement dans la pièce. Ils veulent à tout prix rejoindre Jésus : Il est le prophète, puissant en paroles et en actes. Lui seul est capable de susciter une telle confiance. Pour le rencontrer, ils ne craignent pas de traverser murs et plafonds. Les limites de l’impossible se déplacent.
Jésus est plein d’admiration devant une telle foi. Une précision : l’évangile nous parle de “leur” foi : il ne s’agit pas de celle de l’homme paralysé mais de celle des porteurs. Parce qu’ils avaient la foi, ces hommes ont osé s’approcher de Celui en qui ils entrevoyaient un messager de Dieu. Parce qu’ils avaient la foi, ils ne se sont pas laissés décourager par la foule. Ils ont tout fait pour amener le paralysé jusqu’à Jésus. Ils se sont adaptés aux circonstances. Et c’est ainsi que ce pauvre homme a pu se trouver au devant de son Sauveur. Et c’est cette foi admirable qui a permis au Christ d’agir.
Il y a là un message important pour nous-mêmes et pour nos communautés. Il nous arrive régulièrement d’être auprès d’un malade en fin de vie qui n’a plus la force de prier. Il est important qu’il soit porté par l’affection et la prière de son entourage. C’est leur foi qui le sauvera : Jésus nous a prévenus : “En vérité, je vous le déclare, si quelqu’un dit à cette montagne, ôte-toi de là et jette-toi dans la mer, et s’il ne doute pas en son cœur, mais croit que cela arrivera, cela lui sera accordé.” (Marc 11. 23). Oui, nous pouvons demander au Seigneur une foi qui surmonte tous les obstacles, une foi qui déplace les montagnes.
Devant une telle foi, la réponse de Jésus est toujours la même : “Tes péchés sont pardonnés.” Comprenons bien : Le péché n’est pas la cause du handicap de cet homme. Par contre, le péché est souvent comparé à une maladie paralysante. Il provoque l’immobilité spirituelle qui nous rend incapables de suivre le Christ et de progresser en faisant le bien. Nos fautes nous replient sur nous-mêmes et paralysent nos mouvements de don de nous-mêmes envers les autres. C’est pour cela que nous avons besoin d’être pris en charge pour la foi tout comme pour les infirmités physiques.
En pardonnant les péchés, Jésus nous fait comprendre que le rétablissement intérieur est prioritaire. Ailleurs, il précise que “ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades.” (Mt 9. 12) Dans le cas présent, il s’agit de cet homme malade mais aussi des publicains et des pécheurs. Nous avons nous aussi à nous reconnaître pécheurs devant lui. L’important c’est que nous nous laissions porter et que nous-mêmes nous portions les autres jusqu’au Christ Sauveur. Nous ne pouvons aller à Dieu qu’ensemble, les uns avec les autres. C’est ce que nous recommande l’apôtre Paul : “Portez les fardeaux les uns des autres.” Etre porteurs les uns des autres, c’est savoir accepter humblement l’aide des autres. C’est aussi savoir découvrir leurs besoins et les aider délicatement.
Et le Seigneur est là pour accueillir les pécheurs. Avec lui, il n’y a jamais de situation désespérée. Il est venu inaugurer “un monde nouveau”. Il ne veut plus se souvenir de nos fautes passées. S’il veut nous libérer de nos péchés, c’est parce qu’ils paralysent la libre circulation de l’amour entre les hommes. Ils ratatinent les cœurs endurcis par l’égoïsme. Seul l’Amour peut vaincre le péché et redonner vie aux hommes. C’est cette libération que Jésus apporte au paralysé en lui disant : “Tes péchés sont pardonnés. Il nous faut bien comprendre toute la portée de ce pardon. Pour le pécheur c’est une délivrance. Ce pardon vient résorber toutes les divisions. Il nous rend disponibles aux appels de l’Esprit Saint. Il nous rend libres pour aimer Dieu car la santé de l’âme c’est d’abord l’amour de Dieu.
L’homme pardonné est aussi guéri de sa paralysie. Cette guérison est le signe que “le Fils de l’Homme a le pouvoir de pardonner les péchés.” En se levant, le paralysé confirme la vérité des paroles de Jésus. Celui-ci est bien “le Fils de l’Homme” puisqu’il a le pouvoir de pardonner. Jésus ne partage ce pouvoir qu’en raison de sa filiation divine.
Dans ce récit, nous avons entendu des paroles fortes :
“Lève-toi !” Jésus nous veut debout et sans crainte, libérés de tout ce qui a plombé nos vies et de tout ce qui nous a fermés à Dieu et aux autres. Il prononce là une parole de résurrection.
“Prends ton brancard.” Jésus nous veut capables de porter nos souffrances et nos épreuves. Toute rencontre avec lui nous transmet la force d’une vie nouvelle, la capacité d’aimer. Elle nous donne force et courage pour construire des liens de vérité, de justice et de paix. Comme le dit saint Paul dans le 2ème lecture : “Toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur oui dans la personne de Jésus. A nous de dire oui à Dieu, à la vie, à l’amour et à l’Esprit Saint.
D’après diverses sources
7ème dimanche – année B – 22 février 2009 – Evangile de Marc 2, 1 – 12
Paralysie du Corps ou du Coeur ?
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Le 1er chapitre de Marc a montré les débuts spectaculaires de la mission de Jésus. Circulant à travers la Galilée, il annonce la Bonne Nouvelle: “Dieu vient régner sans violence, croyez-le, faites-moi confiance, modifiez vos façons de voir, changez de vie”. Stupéfait par ce “nouveau” prédicateur et sa manière inouïe de parler, le peuple est néanmoins surtout intéressé par les guérisons.
Le chapitre 2 (et jusque 3, 6) rapporte 5 scènes où Jésus, à l’occasion de miracles, affirme le cœur de sa mission et de sa personnalité: cette révélation va susciter stupéfaction et surtout la colère puis la haine des scribes. C’est ce que l’on appelle “les 5 controverses galiléennes”. Aujourd’hui voici la 1ère.
Après une première tournée dans les villages avoisinants, Jésus est revenu à Capharnaüm. La nouvelle se répand, la foule se presse devant la demeure de Pierre et Marc écrit: “ET IL LEUR PARLAIT LA PAROLE”, expression qui, chez les premiers chrétiens, désigne la proclamation de l’Evangile ( Actes 4, 29-31; 8, 25;…).
Ne l’oublions jamais: l’action la plus essentielle est d’oser proclamer que, au cœur même de notre monde ravagé par le mal, Dieu arrive. Le Dieu d’amour et de tendresse peut régner sur le cœur qui s’ouvre à lui, qui écoute la Parole nouvelle de Jésus et se décide à la pratiquer.
Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par 4 hommes.
Comme ils ne peuvent l’approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de Jésus, font une ouverture et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.
On imagine la scène. Un homme a un parent ou un voisin paralysé depuis des années et il veut l’amener à Jésus. Comment faire ? Il trouve des volontaires et, à 4, ils vont chez l’handicapé et le transportent sur son grabat. Ils demandent à la foule de s’écarter: “Laissez passer svp. !”. Peine perdue: ils se heurtent à une barrière de dos. Jésus est enfermé dans son auditoire.
Déçus, les porteurs pourraient s’en retourner. Mais non, ils restent décidés. L’un d’eux va chercher des cordes solides. Les petites maisons de l’époque, sans étage, ont un petit escalier latéral qui conduit sur la terrasse faite de quelques poutres, de branches et de terre battue. Les hommes montent, pratiquent une ouverture par laquelle ils font descendre le bonhomme qui ne doit pas être très rassuré dans cet ascenseur fragile! Au bruit et devant la chute de gravats, Jésus s’interrompt et contemple avec surprise et amusement cet homme qui descend du ciel- tel un ange, un cadeau de Dieu ! Il a tout de suite compris la manoeuvre.
VOYANT LEUR FOI, Jésus dit au paralysé: ” Mon fils, tes péchés sont pardonnés”.
Ces 4 hommes aimaient cet handicapé, ils croyaient que Jésus pouvait le relever; ils sont allés le chercher, l’ont porté; ils ne se sont pas découragés devant la dureté du public; ils ont inventé une méthode pour que le paralysé advienne devant le Maître. Ils étaient animés par la foi(confiance en Jésus), par l’amour ( ils aimaient leur copain) et l’espérance ( ils étaient sûr que Jésus pouvait le relever). — Jésus opère parce qu’il a VU cela.
Merci à tous ces bénévoles qui inlassablement se dévouent pour porter les malades dans les lieux de pèlerinage.
Que faisons-nous en paroisse pour amener les handicapés à la liturgie ?
Croyons-nous suffisamment à la force de “nos intentions de prière”? N”en faisons pas des ritournelles mais ” des cordes” par lesquelles nous amenons les souffrants devant le Seigneur…….
Est-ce que les pratiquants savent s’écarter pour que des chercheurs, des pauvres découvrent le Christ ? L’Eglise n’est-elle pas parfois un mur qui empêche l’accès au Christ Sauveur ?……
Stupeur !: Jésus offre à l’homme non la guérison physique qu’on était venu chercher mais la guérison spirituelle: le pardon. Prenons bien garde: Jésus ne dit pas que la paralysie est la conséquence du péché, qu’elle est un châtiment de Dieu. Il affirme que le mal le plus grave chez l’homme est le péché qui “paralyse” son cœur et sa vie. Certaines personnes souffrantes ne sont-elles pas plus libres que des gens en bonne santé mais enchaînés par leurs vices ?..
Il y avait dans l’assistance quelques scribes qui raisonnaient en eux-mêmes: “Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème ! Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ?”. Saisissant dans son esprit les raisonnements qu’ils faisaient, Jésus leur dit: ” Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu’est-ce qui est le plus facile ? Dire au paralysé “Tes péchés sont pardonnés” ou bien de dire ” Lève-toi, prends ton brancard et marche” ? …Eh bien afin que vous sachiez que le Fils de l’Homme a la pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l’ordonne, dit-il au paralysé, lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi”.
L’homme se leva, prit aussitôt son brancard et sortit devant tout le monde. Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu: ” Nous n’avons jamais rien vu de pareil !!!”
Ce pardon donné par grâce fait bondir les scribes théologiens: prétention insoutenable, blasphématoire ! Si un homme avait péché, il devait se rendre au temple, observer le jour du Kippour, offrir des prières et des sacrifices et implorer la miséricorde divine ! C’est pourquoi, en réponse, Jésus justifie sa déclaration: la guérison physique qu’il opère instantanément est un SIGNE manifeste que sa parole est vraie, efficace, qu’elle opère ce qu’elle dit !
Donc la thérapie à l’endroit des malades est le SIGNE de la guérison essentielle, celle des cœurs.
Et pour la 1ère fois, Jésus s’attribue un titre énigmatique – qui va devenir célèbre: il est LE FILS DE L’HOMME. Cette expression juive désigne d’abord un être humain.
Mais la Bible rapporte un rêve étonnant du prophète Daniel qui, s’interrogeant sur le mystère de l’histoire, décrit la succession des quatre empires ( Babylone, puis les Mèdes puis les Perses puis l’Empire grec) sous la forme de quatre Bêtes horribles (symboles de violence et de cruauté). Mais ensuite apparaît un Vieillard majestueux (symbole du Dieu éternel) qui vient siéger pour le Jugement définitif. Sur quoi arrive ce passage capital:
“Je regardais dans les visions de la nuit et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un FILS D’HOMME. Il arriva près du Vieillard et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté; les gens de tous peuples, nations et langues le servaient.
Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas” ( Daniel chap. 7 )
Jésus s’est reconnu dans cette figure. Alors que les ambitieux, les conquérants cherchent à dominer par la force des armes, Jésus, lui, vient tel un homme agréé par Dieu. Sa douceur est en flagrant contraste avec les Puissants usant de la violence animale mais Dieu lui donne le Royaume éternel – qui se manifeste ici dans la miséricorde, la guérison intégrale du paralysé: cœur et corps.
Donc l’Eglise n’est pas une institution philanthropique mais une communauté mondiale où nous nous amenons les uns les autres en présence du Christ Sauveur afin que chacun entende ses paroles: ” Tes péchés sont pardonnés. Christ te libère de tes entraves, il délie tes liens spirituels, il te donne ce que personne ne peut t’offrir: la miséricorde totale, entière. Tu entres dans le Royaume de Dieu
Cette affirmation est-elle vraie ? Peut-on s’y fier ? Oui absolument ! La preuve en est que l’Eglise partout s’engage en faveur de tous les souffrants et malheureux. Cet engagement près des malades doit conduire les hommes à croire au Christ, à demander le pardon, la guérison de la paralysie des cœurs.
Et d’ailleurs plus le chrétien a conscience du bienfait extraordinaire qu’est pour lui la pitié de Dieu, plus il sera porté à exercer la miséricorde envers les malades.
MERCREDI DEBUTE LE CAREME: qui allons-nous tenter d’amener au Christ ?… Avec quel désir demanderons-nous le pardon de nos fautes ?…Et d’abord savons-nous que le péché est la plus terrible des maladies ?…
R. D , dominicain
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” Heureux l’homme dont l’offense est enlevée !
J’ai dit que je confesserai mes offenses au Seigneur;
Et tu as enlevé le poids de mon péché” ( Psaume 32)