Homélie du 31ème dimanche du temps ordinaire (3 novembre 2013)
Abbé Jean Compazieu | 24 octobre 2013
“Scandale à Jéricho”
Textes bibliques : Lire
Il y a une grande correspondance entre la 1ère lecture (Livre de la Sagesse) et celle de l’Evangile : Toutes deux nous invitent à célébrer la miséricorde de Dieu. Il est là pour nous aider à sortir de notre situation de péché. Nous sommes tous appelés à nous convertir. Cette bonne nouvelle est pour nous le point de départ d’une grande espérance.
L’auteur du Livre de la Sagesse nous dit que l’œuvre de Dieu est bonne. Il précise que Dieu aime toutes ses créatures et qu’il patiente envers les pécheurs. Comme un bon pédagogue, il apprécie nos petits pas quand nous nous engageons sur la bonne voie. Ce texte nous montre que tout ce qui est bon vient de Dieu. Il insiste très fortement sur le fait que Dieu est amour. Il est source d’amour, de conversion et de générosité. Il est notre Sauveur. Il n’a aucun mépris pour ses créatures, même pour les plus grands pécheurs. La conversion est ouverte à tous.
Ce message est un avertissement très fort pour ceux qui voudraient déformer l’image de Dieu. Le risque est grand d’en faire une caricature. Les violences et les massacres commis au nom d’une religion ne sont pas voulus par Dieu. Les prêcheurs qui appellent à la violence n’agissent pas au nom de Dieu. Le vrai Dieu est amour, compréhension et miséricorde. Il est du côté de ceux que l’on fait souffrir. Il envoie son Fils Jésus pour chercher et sauver ceux qui vont à leur perte. C’est de cela que nous avons à témoigner par nos paroles et toute notre vie. C’est notre mission et notre responsabilité.
Dans sa lettre aux Thessaloniciens (2ème lecture) saint Paul nous rappelle que nous sommes tous appelés à la sainteté. Son message cherche à stimuler la foi des chrétiens. Dieu nous appelle tous à la foi au Christ et cet appel transforme notre existence. C’est important d’y réfléchir car il nous faut éviter les caricatures de la foi. Saint Paul met en garde les chrétiens contre les fausses rumeurs, les prétendues révélations sur la fin du monde. C’est sûr, le Seigneur reviendra, mais personne ne sait le jour ni l’heure. En attendant, nous devons rester fermes dans la foi et fidèles à notre baptême. Nous prions ensemble le Seigneur, en communion les uns avec les autres : oui, il viendra le jour du Seigneur.
L’Evangile nous raconte l’histoire de Zachée. Ce récit, nous le connaissons bien parce que nous l’avons entendu souvent. Le plus important c’est d’accueillir la bonne nouvelle qu’il veut nous transmettre. Nous savons que Zachée était un collecteur d’impôts. Il travaillait pour un pays qui n’était pas le sien. Et il en profitait pour s’enrichir au dépend des gens de son peuple. De plus, en tant que chef des publicains, il était tenu pour responsable des actes de violence de ses subordonnés. Il avait donc tout pour se faire détester.
Mais un jour, il apprend que Jésus passe à Jéricho. C’est vraiment LE grand événement du jour. Il y a là une foule nombreuse. Zachée cherche à voir passer Jésus mais il ne le peut pas car il est de petite taille. Il est bloqué par tous ces gens qui le méprisent. En écoutant cette histoire de Zachée, nous pensons à tous ceux et celles qui ont un passé très lourd. Ils se sentent enfoncés dans leur mauvaise réputation et exclus par les “bien pensants”. Mas Jésus trouve quand même le chemin du cœur de celui qui cherche à le rencontrer. Aujourd’hui comme autrefois, il continue à dire : “Il faut que j’aille demeurer chez toi.”
Cette décision de Jésus provoque des remous. Les “bien pensants” estiment que Jésus aurait mieux fait d’aller dans une bonne famille. Au lieu de cela, il va chez un voleur, un homme infréquentable. Pour eux, c’est un scandale. En ne voyant que le passé de Zachée, ils ne lui laissent aucune chance. Nous aussi, nous pouvons être comme cette foule. Pensons à tous ces gens de mauvaise réputation dont on se méfie et qu’on rejette.
Mais ce n’est pas ainsi que Jésus regarde les exclus de notre temps. Son souci premier ce n’est pas d’entretenir des fidèles mais de sauver ceux qui sont perdus. Le Salut de Dieu est offert à tous. Le Christ est toujours capable de venir nous chercher très loin et très bas. Cette bonne nouvelle doit être annoncée à tous, y compris dans les prisons. Chaque personne est très importante aux yeux de Dieu. Comme Zachée, la rencontre avec Jésus peut provoquer un bouleversement dans leur vie. Ils sont nombreux ceux et celles qui peuvent dire : “Il a changé ma vie”.
Mais pour rencontrer le Christ en vérité, nous devons descendre de notre perchoir. Il nous faut abandonner notre piédestal et laisser le Christ entrer dans notre vie. Cette rencontre avec lui, c’est quelque chose d’extraordinaire. En ce jour, il rejoint notre assemblée pour nous rappeler qu’il est Sauveur. Le Salut de Dieu peut aussi entrer dans nos maisons. Il suffit que nous nous empressions d’accueillir le Christ qui frappe à notre porte. Il continue à venir pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus.
En ce jour, nous te prions Seigneur pour tous les Zachée de la terre, tous ceux et celles qui sont rejetés et méprisés à cause de leur passé et de leurs actes. Tu veux demeurer chez eux comme chez nous. Par ton Eucharistie, tu nous invites chez toi. Que notre rendez-vous à la messe et à l’adoration nous transforme comme il a transformé le publicain de Jéricho. Amen
Sources : Revues Signes, Feu Nouveau, Dimanche en paroisse – Pour la célébration de l’Eucharistie (Feder et Gorius), Lectures bibliques des dimanches C (A. Vahoye)
Pour, les enfants “de 7 à 77 ans (et +++)” :
Merci pour l homelie et les deux vidéos. Le père Guy Gilbert fait comme Jésus, il s invite dans les prisons pour soutenir les hommes méprisés par les gens soit disants honnêtes. Personne ne peut mal juger personne car nul ne sait par quoi l autre est passé. De plus, je suis sûre qu a un moment ou a un autre de notre vie, nous sommes TOUS des Zachee.
Bonne semaine et c est bientot l Avent
Bonne semaine et c est e
31ème dimanche ordinaire – année C – 3 novembre 2013 – Evangile de Luc 19, 1-10
LE PETIT RICHE PERDU DEVIENT UN PAUVRE SAUVÉ
La montée de Jésus à Jérusalem atteint son ultime étape : ayant probablement emprunté la route de la vallée du Jourdain, il parvient à Jéricho où il va obliquer vers l’ouest et commencer l’ultime montée qui, à travers le désert, conduit à la capitale (le chemin du « bon Samaritain »).
Grande oasis sur la rive droite du fleuve, Jéricho est, dit-on, une des plus vieilles villes du monde : sise à plus de 200 mètres en-dessous du niveau de la Méditerranée, elle est célèbre pour ses lauriers- roses (Sir 24, 14), ses magnifiques palmiers et ses baumiers à la résine aromatique très recherchée.
En parvenant à Jéricho, Jésus connaît le poids de l’histoire de ce lieu : il faut l’évoquer pour comprendre l’évangile du jour car il y fait référence.
Libérés d’Egypte, les Hébreux, après la traversée du Sinaï, parvinrent sur la rive orientale du Jourdain où leur guide, Moïse, mourut après avoir nommé son successeur, Josué – nom qui, en hébreu, s’écrit comme « Jésus » (Iéshouah)
Le premier épisode de la conquête de la terre promise est célèbre : après avoir déambulé autour de Jéricho avec l’arche d’Alliance, les prêtres lancèrent les cris des trompettes et sous les acclamations du peuple, les remparts fortifiés de la ville s’écroulèrent. Le massacre fut général sauf pour la prostituée Rahab qui avait accueilli les espions hébreux (Josué 6) : or c’est une ancêtre de Jésus (Matth 1, 5). On sait aujourd’hui qu’à cette époque, la ville n’était plus occupée ! Le récit épique, écrit des siècles plus tard, à la période perse, signifie donc que l’entrée dans le pays de Dieu ne peut être le résultat des armes et de la violence mais le fruit de la prière, de la liturgie, de la foi.
Jésus sait que c’est dans ces environs que le grand prophète Elie fut enlevé vers le ciel (2 Rois 2).
Et il ne peut manquer de se souvenir de Jean-Baptiste qui l’avait baptisé pas loin de là, dans le Jourdain en annonçant « un plus fort que moi qui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu » (3, 16). C’est dans les parages qu’il avait affronté les tentations et avait opté pour une méthode non violente (Une colline proche s’appelle encore « le mont de la tentation »)
Ville frontière très commerciale, lieu de passage vers la Transjordanie, Jéricho est un site important pour les revenus douaniers. Rome affermait la perception annuelle des taxes au plus offrant, à charge, pour celui-ci, de récupérer la somme considérable près de ses concitoyens et voyageurs. Avec ce procédé, les « publicains », comme on les appelait, ne manquaient pas de s’octroyer de plantureux bénéfices d’où leur sinistre réputation : le peuple les assimilait aux voleurs.
Le chef des publicains s’appelle alors Zakkaï et Luc nous raconte son inoubliable histoire.
Jésus traversait la ville de Jéricho. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là.
Au point de départ un homme enfermé : dans sa luxueuse demeure, sa comptabilité frauduleuse, sa passion de l’argent, sa mauvaise réputation. Les gens le détestent pour sa collaboration avec l’occupant et ses rapines ; les pharisiens se détournent de lui avec mépris ; on le catalogue comme un maudit voué à la damnation éternelle. Riche mais seul !
Or ce jour-là un brouhaha éclate dehors et Zachée sort pour voir. Une foule enthousiaste se presse pour acclamer Jésus, le prophète de Nazareth, qui vient de rendre la vue à un aveugle (18, 35) et qui se dirige vers Jérusalem : serait-il le Messie ? Va-t-il enfin nous libérer ? Zachée cherche à voir mais il est petit et se heurte à un mur de dos. Personne évidemment ne s’écarte pour lui permettre de voir. En effet celui qui cherche à voir Jésus commence d’abord par se heurter à la foule qui l’entoure, chante ses cantiques, célèbre ses liturgies sans toujours accueillir l’étranger qui voudrait comprendre.
Déçus par l’Eglise, ulcérés par le manque d’accueil, beaucoup cessent alors de chercher mais Zachée, lui, ne capitule pas. Malin, il se faufile derrière les gens, sort de la ville et grimpe sur un petit arbre : au moins là, personne ne l’empêchera de voir Jésus.
Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie.
Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur !! »
Zachée voulait voir mais il est vu ! Surpris et amusé par ce spectacle insolite – un monsieur bien vêtu perché dans un arbre comme un gamin -, Jésus ne passe pas, indifférent, il ne l’accable pas de reproches, ne le somme pas de se convertir, ne se met pas en colère mais l’interpelle avec douceur
« Zachée (car l’appel est toujours personnel), descends vite (redescends sur terre, ne lambine pas, ne cherche pas de faux prétexte) : Aujourd’hui il faut (car notre rencontre scelle un désir de mon Père) que je demeure chez toi (car si tu voulais me voir, moi aussi je veux voir qui tu es) ».
Il faut imaginer la tête des gens qui voient tout à coup Jésus et ses disciples revenir avec Zachée et pénétrer dans la maison infâme de ce sale publicain : « Comment ? Il va loger chez un pécheur ? ». « On récrimine » comme on le faisait quand Jésus allait chez Matthieu (5, 30) : quel scandale !
Que s’est-il passé à l’intérieur ? Luc n’en dit pas un mot. Madame Zachée a dû mobiliser tout le personnel pour préparer un bon repas et déjà les apôtres, qui ne mangeaient pas toujours à leur faim, se léchaient les babines. Il n’était pas question de loi, de morale, de théologie mais de commensalité, de la joie de partager ensemble un banquet. Et tout à coup (après quelques verres de vin ?), le petit homme se dresse et fait une déclaration époustouflante :
« Voilà Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens – et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus ».
Parce qu’il a osé inviter un groupe de pauvres chez lui, parce qu’il a constaté la joie qui animait Jésus et ses disciples, parce qu’il ne s’est pas senti jugé et menacé, le petit homme qui aimait l’argent et le luxe prend conscience qu’il servait une idole, qu’il avait fait beaucoup de tort à ses compatriotes. C’était lui le vrai aveugle qui enfin ouvrait les yeux sur la vérité de sa vie.
Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Comme l’ancêtre Abraham qui, en dépit de son âge, avait osé faire confiance à Dieu qui l’appelait à sortir, comme Rahab, la prostituée, qui avait cru, Zachée aujourd’hui ose croire en Jésus son sauveur.
Il cherchait « à voir qui était Jésus » : à présent en effet, il voit, il discerne en lui le Messie humble qui l’a rejoint à sa hauteur, le nouveau Josué qui ne conquiert plus une ville par les armes mais qui, par sa parole, fait s’écrouler les murs de l’avarice et de la cupidité.
Alors le petit Zachée entre dans le Royaume où il faut restituer ce que l’on a dérobé, où l’argent n’est plus l’idole meurtrière, où le puissant n’écrase plus le faible, où la joie du partage est plus forte que le plaisir du luxe, où la maison s’ouvre aux démunis, où la table devient l’autel du pardon et de l’action de grâce. Chez Luc, la conversion d’un riche est l’ultime « miracle » de Jésus, comme un point d’orgue, un sommet rare !
Jésus poursuit son chemin : comme Elie, il sait qu’à Jérusalem il sera enlevé au ciel.
Raphaël D