20ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 9 août 2009Textes bibliques : Lire
Nous méditons aujourd’hui la suite du discours de Jésus sur le Pain de vie. Il nous laisse un enseignement de la plus haute importance pour notre vie chrétienne. S’adressant à la foule, Jésus leur dit : “Moi, je suis le Pain Vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement.” Ces paroles, nous les avons entendues souvent et nous risquons de nous y habituer. Aujourd’hui, prenons le temps de les écouter comme si nous les entendions pour la première fois. Rappelons-nous : Il vient de multiplier les pains pour refaire les forces physiques de tous ces gens affamés. Aujourd’hui, il leur propose une nourriture pour une vie plus importante, “la nourriture qui demeure en Vie éternelle”.
Jésus est le Pain Vivant d’abord par son enseignement. Ses paroles sont “esprit et vie”. Nous n’aurons jamais assez de mots pour remercier le Seigneur pour sa Parole qui relève et qui fait vivre. Mais il veut nous offrir encore davantage : Le Pain que je donnerai c’est ma chair. Cela signifie que c’est Jésus lui-même qui se donne à nous. Il se fait nourriture. Bien sûr, les juifs ne comprennent pas. Ils sont même choqués. Mais Jésus ne leur donne aucune explication. Au contraire, il insiste : “Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous”. Il ne peut pas être plus clair. C’est même une provocation : Proposer à des juifs de boire du sang, c’était impensable.
Ces paroles du Christ nous renvoient au soir du Jeudi Saint : Il dit à ses apôtres : “prenez et mangez, ceci est mon Corps… Prenez et buvez, ceci est mon sang. A chaque messe, nous sommes invités à refaire cet acte de foi en la présence du Christ sous les apparences du pain et du vin. En célébrant l’Eucharistie, nous devenons des vivants et nous donnons la vie au monde.
Car cette vie que nous recevons du Christ est destinée à être communiquée au monde entier. Les équipes du Service Evangélique des Malades le savent bien : Quand elles vont porter la communion à des malades, c’est pour ces derniers LE grand événement de la journée. Porter le Christ aux autres, c’est le meilleur service qu’on peut leur rendre. Ceux qui, au cours de la guerre 39-45, ont connu les camps de concentration n’ont pas manqué d’en témoigner. Il arrivait que des prêtres célèbrent l’Eucharistie au péril de leur vie. Si nous lisons les témoignages d’Edmond Michelet, Marcel Calo et d’autres, c’est très fort. C’est dans l’Eucharistie qu’ils ont puisé la force de tenir bon dans les pires horreurs.
Depuis vingt siècles, des générations de chrétiens ont vécu de l’Eucharistie. Beaucoup devaient faire de longs et pénibles déplacements pour participer aux célébrations. Chez nous, beaucoup ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont de ne pas être à plus de dix minutes du lieu où est célébrée l’Eucharistie. Si un personnage important arrive quelque part, on vient de très loin pour le voir. Par l’Eucharistie, c’est le Christ, Maître et Seigneur, qui vient à nous et qui se donne à nous.
Ce qui mobilise les chrétiens pour se rendre à l’Eucharistie, c’est la foi. Ce qui les démobilise, c’est souvent l’usure de la routine et de la répétition et, finalement, le manque de foi. On s’installe dans l’anorexie spirituelle et on finit par organiser sa vie en dehors du Seigneur. Aujourd’hui, il nous faut entendre ces paroles du Christ : “Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous”. Cela signifie que si nous nous refusons de répondre à l’invitation du Seigneur, nous nous détournons de cette vie qu’il nous offre.
Quand on parle de l’Eucharistie, il faut “s’accrocher” car c’est un “sommet” de la foi catholique. Tout au long des siècles, l’Eglise n’a jamais cessé d’approfondir ce mystère, mais il nous dépassera toujours. L’essentiel ce n’est pas d’en faire une approche théorique et intellectuelle mais une approche amoureuse et vitale. Nous y découvrons à chaque messe combien le Christ est plein d’amour pour chacun de nous et pour le monde. Il est tellement passionné que nous lui manquons quand nous ne nous approchons pas de lui.
Mais si nous venons ici dans cette église ou dans une autre, ce n’est pas pour y rester. C’est pour recevoir la nourriture que Dieu nous donne. C’est pour reconnaître la présence de Jésus au cœur de nos vies. Mais après cela, nous sommes renvoyés à notre vie, à nos activités. Comme les disciples d’Emmaüs, nous avons à témoigner de tout ce que nous avons reçu du Seigneur et de la joie qui est en nous grâce à lui. Ce qui nous est demandé, c’est tout simplement de l’accueillir, de lui donner toute sa place dans notre vie et de nous laisser transformer par lui. Ne nous contentons pas d’un programme minimum. Le Seigneur n’a pas mesuré son amour pour nous. Il s’est donné sans réserve jusqu’à la mort sur une croix.
En célébrant cette Eucharistie, prions-le en communion avec tous les Chrétiens du monde entier. Que le Seigneur nous aide à être disponibles pour accueillir cette nourriture qu’il nous offre chaque semaine. Qu’il nous apprenne à aimer tous ceux qui nous entourent comme lui et avec lui.
D’après diverses sources
Pour moi, l’Eucharistie, c’est Jésus qui se donne tout entier.
Chaque fois que je communie, je suis submergée par un amour extraordinaire qui vient du Christ, un amour qui dépasse toute connaissance comme le dit Saint Paul.
Je ressens en même temps un magnifique élan de reconnaissance pour l’Eucharistie car le Seigneur m’offre un don ABSOLU.
Lorsque je reçois l’hostie, se produisent en moi des changements : je regarde tout d’un oeil neuf, et je ne ressens que bienveillance pour les personnes qui m’entourent.
Jamais, je ne reçois l’hostie de façon distraite. A chaque fois, le même bouleversement s’accomplit et c’est la stricte vérité de dire que je deviens bien meilleure les heures qui suivent.
Le Seigneur nous a tant aimés qu’il s’est donné tout entier, alors le moins que l’on puisse faire c’est d’aller communier car cette action le rendra fou de bonheur et nous aussi.
Christiane
Du Père R.D (Dominicain)
Pain de Vie et de Résurrection
Il est indispensable de bien garder en mémoire le déroulement du chapitre 6 de Jean
que nous sommes en train de suivre pendant ces 5 dimanches.
Au point de départ, et pour la seule fois, Jésus a donné du pain à la foule. Jean nous a convaincus qu’il ne fallait pas parler du “miracle de la multiplication des pains” (expression jamais utilisée dans le Nouveau Testament) mais d’un SIGNE du repas eucharistique. Ensuite il y a eu la traversée houleuse du lac où Jésus s’est révélé à ses disciples comme celui qui ne coule pas dans la mer ( dans la mort), qui sauve du péril et qui dit ” C’EST MOI” – exactement comme Dieu se révélant au Buisson ardent. Qui est ce Jésus qui ose s’attribuer le nom de Dieu: “YHWH” ? !!!! Puis a commencé un grand dialogue avec la foule. Jésus a refusé de réitérer le don du pain. “Cherchez plutôt à avoir un autre pain, leur a-t-il, un pain qui donne la vraie Vie”. Sans comprendre, les gens ont dit: ” Donne-le nous”….Mais ils restaient enfermés dans leurs conceptions utilitaristes. – Alors Jésus a répondu : « C’EST MOI : JE SUIS LE PAIN DE LA VIE. Venez à moi, croyez en moi car je viens du ciel. Je suis la Parole de Dieu: celui qui croit en moi a la Vie divine » . Incompréhension du public ! –
Aujourd’hui cette Révélation atteint son point culminant. – Jésus réaffirme :
Je suis le Pain de Vie… le Pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité.
Et le pain que je donnerai, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie”
Jésus reprend les mêmes expressions mais maintenant il va beaucoup plus loin en précisant ce qu’est ce pain mystérieux: “ma chair pour la vie du monde”!!!
Dans le langage biblique, “la chair” désigne l’humanité dans sa faiblesse, ses limites, sa fragilité: Jésus annonce qu’il va se donner. Nous perçons l’allusion: Jésus va être rejeté, haï, condamné et exécuté de façon ignominieuse mais en réalité, il va faire de cette capture un “don de soi”. Le châtiment infligé par les hommes sera vécu par lui comme une offrande-pour-ses-disciples. La croix le hissera au sommet de son amour pour nous, les hommes. Donc il donnera la Vie au monde.
—– Evidemment cette déclaration inouïe paraît intolérable et provoque sur-le-champ un épouvantable charivari, des hurlements de colère:
Les Juifs discutaient violemment entre eux:
– Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?????…..
En effet, prise au pied de la lettre, la phrase de Jésus évoque le cannibalisme et ne peut que susciter une violente répulsion. Comment comprendre ?
Jésus va tenter de s’expliquer. Mais contrairement à ce que nous attendons, il ne met pas un bémol à sa déclaration, il ne cherche pas à faire passer son message comme un symbole, une “façon de parler”. Au contraire il continue en insistant sur le côté réel, charnel, choquant.
Et de la sorte, il nous donne comme une “théologie de l’Eucharistie” en cinq points qui constitueront notre méditation de la semaine – surtout au moment où la messe ne semble plus du tout comprise par nos contemporains.
* Jésus leur dit alors: ” Amen, amen, je vous le dis: si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la Vie en vous”
L’Eucharistie n’est évidemment pas “anthropophagie” mais communion au “Fils de l’Homme” glorieux et vivant. Elle n’est pas une friandise pour âmes pieuses, un don facultatif pour chrétiens retardés.
Jésus ne la suggère pas comme “utile” mais la proclame nécessaire. Elle – seule – donne la VIE !
Un handicapé me disait un jour: ” Pour moi la messe n’est pas obligatoire: elle m’est indispensable”.
* Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
La traduction précise serait: “…qui mâche, croque…” ! Les parents juifs apprenaient à leurs enfants qu’il fallait bien “mâcher” les aliments du repas de la Pâque. L’Hostie (qui devrait manifester une certaine consistance) doit donc se mastiquer: aucun risque de faire mal “au petit Jésus”! Le croyant désire bien assimiler, communier au Fils de l’homme, recevoir sa VIE ici et maintenant. Le croyant est un Vivant divinisé. Cela ne lui évitera pas la mort mais le Fils de l’homme glorieux aura la puissance de rendre vie à son corps mortel. L’Eucharistie est réception d’une Vie assez forte pour ressusciter une chair mortelle. Communier, c’est ensemencer son corps d’une Vie qui le dépasse.
• En effet ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
Nous assimilons les nourritures terrestres, elles deviennent notre chair et notre sang, elles nous redonnent des forces mais elles ne prolongent qu’une existence promise au déclin et à la mort inéluctable. A l’inverse, dans l’Eucharistie, le Christ Seigneur nous approprie à Lui: c’est nous qui “entrons” en lui. Il nous fait “son Corps”. Notre vie devient “en Christ”, comme dira Paul. En même temps, en l’accueillant en nous, nous devenons son tabernacle, nous devenons des “christophores”, des “Porte-Christ”.
C’est pourquoi il ne faut pas dire à l’enfant: “Tu vas recevoir le petit Jésus… Tu vas faire ta communion” (expressions absurdes) – mais: ” Tu vas être accueilli dans le Cœur de Jésus qui t’aime. Tu vas participer à sa communion et donc tu seras en communion avec tous les croyants du monde”.
• De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que moi, je vis par le Père,
de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
La merveilleuse “demeure réciproque l’un dans l’autre” réalise le vœu de l’amour – moi en toi et toi en moi – mais n’isole pas dans une jouissance égoïste. Recevoir l’Eucharistie de Jésus, l’Envoyé du Père, confère d’emblée une mission. L’homme n’est qu’un habitant de la terre parmi les autres: chrétien, “eucharistié par son Seigneur”, il devient un envoyé de Dieu parmi les hommes. Il est “missionnaire”: il a la charge de laisser le Christ poursuivre, en lui et par lui, sa mission de salut du monde. Il ne s’appartient plus, il doit lui aussi donner sa chair et son sang, donc “se laisser manger” par amour des hommes.
• Tel est le pain qui descend du ciel; il n’est pas celui que vos pères ont mangé.
Eux, ils sont morts; celui qui mange de ce Pain vivra éternellement.
Depuis des siècles, on apprenait dans les synagogues que l’histoire de la sortie d’Egypte suivie de la traversée du désert était un symbole de la marche du peuple de Dieu.
A nouveau donc Jésus rappelle le destin des ancêtres: Oui, Dieu les avait libérés de l’esclavage, leur avait fait passer la mer, leur avait donné sa Loi et la manne, les avait conduits à travers le désert… Mais, sauf rares exceptions, aucun d’entre eux n’était parvenu à la terre promise, destination finale du projet de Dieu. Par leurs récriminations, leurs rébellions perpétuelles, ils n’avaient pu aller jusqu’au bout de leur histoire, ils étaient des morts spirituels.
Désormais, affirme Jésus, ce que la Loi et la manne n’ont pu réaliser, mon Pain l’accomplira.
Celui qui reçoit, dans la foi, le corps et le sang de son Seigneur peut marcher avec assurance: le Fils de l’homme gardera l’homme croyant et le conduira sûrement dans le Royaume éternel.
Le Pain de Jésus est le ressort et le gage de l’espérance.
——- Tels furent les enseignements de Jésus, dans la synagogue, à Capharnaüm.
Dimanche prochain, nous terminerons la lecture de ce chapitre extraordinaire et nous verrons comment la promesse de l’Eucharistie constitue la pierre d’achoppement fondamentale. Comment accepter pareille révélation ? Jamais un homme n’avait tenu de tels propos. Et pourtant le Pain de Jésus continue à être distribué à travers le monde, à étendre l’Amour de Dieu, en son Fils, dans les hommes croyants et à susciter chez eux un amour inouï..
Merci pour le travail louable que vous nous rendez; Chaque semaine je ne manque de me nourrir de vos méditations enfin d’améliorer mes homélies. Je vous confirme que c’est très bien. Comme suggestion je vous propose de multiplier les témoignages car notre monde a beaucoup plus besoin de témoins pour imiter.
Proposé par http://www.kerit.be
Suivons simplement le fil des textes de ce dimanche. Cela commence bien calmement par l’appel de la Sagesse que nous avons entendu au Livre des Proverbes. Elle invite à goûter son hospitalité. Elle convie à un festin : « Venez manger de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé. » Elle ajoute : « Quittez la niaiserie et vous vivrez, marchez droit dans la voie de l’intelligence. » Le seul chemin qui conduise au bonheur est celui de la justice et de l’amour : bref, celui de la sagesse.
C’est une invitation semblable que nous trouvons dans le passage de l’épître aux Éphésiens (deuxième lecture) : « Prenez garde à votre conduite ; qu’elle soit celle non d’insensés mais de sages, qui tirent bon parti de la période présente. » Il n’est de joie véritable que dans la quête de la Sagesse. L’ivresse la plus heureuse est celle que donne l’Esprit Saint.
Mais le passage de l’Évangile de Jean qui fait suite semble rompre tout à fait avec ces conseils encore bien raisonnables. Jésus porte à son comble la stupeur des auditeurs : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous…» Que faire de ces propos impossibles ? On ne peut qu’en constater le caractère déroutant. Nous ne sommes tout de même pas des anthropophages !
Malgré le scandale de ses auditeurs, Jésus n’essaie pas de se rattraper: « Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang une vraie boisson… Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui… » Ces paroles choc expriment l’extrême logique de don total qui est à l’œuvre dans sa vie. Prises au pied de la lettre, elles suscitent naturellement un mouvement de recul, elles laissent l’esprit désarçonné. Ressaisies à la lumière de l’ensemble de sa vie, elles deviennent moins impénétrables sans perdre de leur acuité.
La Sagesse que l’on peut tirer de l’eucharistie est folie. La logique à laquelle l’eucharistie impose de souscrire est folie. En un mot comme en cent : être sage dans le Christ et comme le Christ, c’est être livré à l’amour, l’amour le plus gratuit qui se puisse être. L’intelligence qui est ici en jeu est celle du cœur le plus profond. Celui qui est sage selon le Christ, celui qui tire sa sagesse de l’eucharistie, du Pain de vie, n’obéit pas « aux lois égoïstes de la chair ». Il se laisse guider par l’Esprit qui lui ouvre l’intelligence des propos les plus radicaux du Christ.
La Sagesse est de reconnaître la présence réelle du Seigneur sous les espèces du pain et du vin consacrés. Mais cela ne suffit pas. La Sagesses est de reconnaître la vérité de son don personnel dans ce sacrement. Mais ce n’est pas encore assez si tout cela nous demeure extérieur. La Sagesse accomplie est de nous rendre présents à nos frères et sœurs comme le Seigneur se rend présent à nous. Le Christ se donne à nous, se livre, « se vide de lui-même », comme dit saint Paul, pour qu’à notre tour nous fassions de même. C’est là-dessus que porte le « Faites ceci en mémoire de moi » : célébrez le sacrement en mémoire de moi pour enseigner au monde, « en acte et en vérité », cette vraie Sagesse qui vient de Dieu.
Dans l’assemblée des saints, les exemples de ceux et celles qui ont vécu cette folle sagesse du don de soi jusqu’à l’extrême ne manquent pas : puissent-ils, lorsque nous les invoquons dans la prière eucharistique, nous donner part à cette Sagesse et nous aider à en vivre.