5me dimanche du Carême
Abbé Jean Compazieu | 22 mars 2020Le Dieu des vivants
Textes bibliques : Lire
“Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort.” Voilà une parole qui sonne comme un reproche. Elle ressemble beaucoup à d’autres que l’on retrouve dans la Bible, en particulier dans certains psaumes ; on y reproche à Dieu son silence et son absence. Faire des reproches à Dieu, cela ne nous paraît pas correct. Dans ce cas, nous oublions que notre Dieu c’est celui à qui on peut tout dire, même des paroles de reproches et d’incompréhension. Nous vivons dans un monde qui souffre de toutes sortes à cause du coronavirus et des peurs qui en découlent. Et nous nous posons la question : “où est-t-il notre Dieu ? que fait-t-il ?”
Ce cri de révolte c’est déjà une prière. Notre Dieu c’est quelqu’un vers qui nous pouvons crier notre souffrance. Il n’est pas un Dieu lointain et absent auquel on cache certaines choses. Nous pouvons toujours lui dire les peurs et les interrogations qui nous tracassent. Quand tout va mal, nous pouvons toujours nous adresser à lui ; et si nous ne savons pas prier, nous pouvons toujours “crier” vers le Seigneur. La liturgie de ce dimanche nous propose le psaume 129 : “Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur, Seigneur écoute mon appel ; que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière.”
Aujourd’hui, nous voyons Marthe et Marie reprocher à Jésus de ne pas avoir été là pour empêcher la mort de leur frère Lazare. Et pourtant, il avait été averti depuis plusieurs jours de la mort de son ami. Arrivé devant le tombeau, Jésus est bouleversé d’une émotion profonde. Comme nous, il ressent douloureusement la mort d’un ami ou d’un parent. Mais à travers Lazare, c’est aussi la détresse de toute l’humanité qu’il voit, celle de tous ces hommes, femmes et enfants qui se trouvent enfoncés dans la misère et qui n’ont plus le minimum pour survivre. En ce jour, nous nous tournons vers lui et nous lui demandons qu’il nous donne un cœur semblable au sien, sensible à la peine des autres.
Si nous voulons comprendre quelque chose à cet évangile, il nous faut prendre en compte toutes nos interrogations face à la souffrance et à la mort. Nous sommes peut-être trop habitués à cet évangile. Nous l’avons entendu des centaines de fois, en particulier lors des célébrations de sépultures. Nous connaissons la fin de l’histoire. Nous savons que Jésus va faire quelque chose et tout va rentrer dans l’ordre. Lazare sera “relevé” ; il pourra reprendre ses occupations, retrouver ses sœurs, ses amis. Mais un jour, il connaîtra de nouveau la mort.
L’évangile de ce dimanche ne nous présente pas ce geste de Jésus comme un miracle mais comme un signe. Au-delà du relèvement de Lazare, il nous parle de nous ; le message qu’il nous adresse est un message d’espérance. En lui, c’est le Dieu des vivants qui se révèle au monde. En ce jour, il nous fait entendre son appel : “Lazare, viens dehors !” Aujourd’hui, c’est aussi à chacun de nous qu’il s’adresse : “Viens dehors ! » Il nous appelle tous par notre prénom pour nous renouveler cet appel : “Viens dehors…” Je te libère de tes bandelettes… je te fais respirer un air nouveau… Ce n’est plus l’air des tombeaux et des cadavres, mais un air pur, celui où vivent les hommes.
Cette promesse d’une vie nouvelle, ce n’est pas seulement pour après notre mort mais pour aujourd’hui. C’est aujourd’hui que Lazare est réveillé et qu’il va reprendre vie avec les autres. Mais le Seigneur compte sur nous pour enlever la pierre. Cette pierre, c’est celle de notre égoïsme et de tout ce qui nous ferme à Dieu et aux autres. Le Christ compte sur nous pour participer à cette œuvre de libération. Nous pensons à tous ceux qui sont opprimés, sans travail, affamés ; en ces jours, notre attention va vers tous les malades les plus éprouvés. Nous croyons que le Seigneur peut ouvrir ces tombeaux-là. Mais nous savons aussi que sa parole et son action passent par nos engagements.
Le Seigneur est toujours là. Il veut nous remettre debout chaque jour. Il vient faire sauter toutes nos bandelettes, celles de la peur, du désespoir et de la discorde. Il est le Dieu libérateur. Avec lui, nous sommes entrés dans l’ère de la résurrection. Désormais, tout redevient possible car il nous fait partager sa vie. C’est pour cela qu’il se donne à nous dans l’Eucharistie.
C’est vrai, Seigneur, tu ne laisses pas mourir en nous la vie que tu nous offres. À l’appel de ton Fils, fais-nous sortir des tombeaux où tu enfermes nos péchés. Rends-nous la lumière éclatante, toi Dieu vivant pour les siècles des siècles. Amen
Télécharger : 5ème dimanche du Carême
Le miracle de la résurrection de Lazare manifeste la puissance de Dieu en Jésus. Il fait sortir son ami du tombeau. Jésus a le pouvoir de redonner la vie ! Une révélation importante qu’Il a faite à Marthe : « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » Cet événement annonce sa propre Résurrection qui sera d’un tout autre ordre : La victoire du Rédempteur sur la mort !
En lien étroit avec l’Évangile, les textes de la liturgie nous préparent à célébrer Pâques, à exalter la Vie. En exil, le peuple Israël était comme mort. Le prophète Ézéchiel lui annonce que Dieu le ramènera à la vie : « Je vais ouvrir vos tombeaux […] je vous ramènerai sur la terre d’Israël. » Dans sa lettre aux romains, saint Paul nous invite à nous laisser vivre ‘sous l’emprise de l’Esprit’ : « Si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. »
« Lazare, viens dehors ! » Jésus ordonne à Lazare de sortir du tombeau. Il nous exhorte également à sortir de nous-mêmes pour rejoindre la vie, la Vraie, celle qui nous met en harmonie avec Dieu, avec nos proches et avec nous-mêmes. Trop souvent, nous nous emmurons dans nos préjugés et conformismes, dans la routine et l’indifférence. Tout cela nous enserre comme des bandelettes autour d’une momie. Débarrassons-nous des sentiments négatifs qui nous isolent, des superflus qui nous entravent. Réveillons-nous à la Vie ! Accueillons-la sereinement telle qu’elle nous est proposée par Dieu. Transmettons la joie et le bonheur à tous ceux qui nous côtoient. Ne nous laissons pas ballotter par les flots de la vie comme une épave dérivant au gré des courants en espérant que revienne vite l’accalmie.
Faisons tout en notre pouvoir pour rendre la vie meilleure pour nous-mêmes et pour tous ceux qui nous entourent. Durant cette période difficile autant sur le plan sanitaire que psychologique et organisationnel, prenons soin de nous-mêmes, faisons plus attention à nos proches, apportons-leur du soutien. Ne nous privons pas de Bonheur. Le Christ est là, Il est la Vie. Il est avec nous et en nous ! Un chrétien rayonnant et positif est un puissant témoin de l’Amour de Dieu dans le monde. Suivre le Christ, c’est entamer avec Lui le chemin vers le Bonheur et entraîner dans notre sillage tous ceux qui traînent les pieds dans leurs ennuis.
‘Fleurir là où je suis planté.’ N’attendons pas demain pour vivre heureux, agissons dès maintenant. Jésus nous invite à placer toute notre confiance en Lui, à marcher dans sa Lumière et à réveiller la Vie en nous. « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. » La foi en Jésus nous garantit la résurrection et la vie éternelle.
Que de gens autour de nous vivent comme enfermés dans des tombeaux. Nous pensons à tous ceux qui sont malades ou isolés, à tous ceux qui sont empêtrés dans leurs difficultés sans pouvoir en ressortir. Aidons-les à redécouvrir la lumière de la Vie. Le Seigneur compte sur nous pour participer à son œuvre de libération. Un simple geste de bienveillance peut ouvrir une porte vers l’espérance pour quelqu’un en plein désarroi ! Un sourire par-ci, une bonne parole par-là… Rien d’extraordinaire. Mais c’est ainsi que le parfum du bien-être embaumera notre existence et ravira notre entourage. L’action du Christ passe par nos engagements pour que le bonheur puisse se répandre autour de nous.
Le Temps de Carême ne nous plonge pas dans la morosité mais au contraire nous invite à célébrer la Vie, la vraie, celle qui nous oriente vers le Bonheur éternel. La vie chrétienne ne consiste pas en un chemin de souffrance. La vie spirituelle ne doit pas être exempte de joie. « Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret, et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mt 6:17-18) Nous allons revivre la Passion du Christ, un souvenir douloureux dans le mystère de la Rédemption. Mais c’est sa Résurrection qui nous sauve. ‘Lumen Christi’, préparons-nous à accueillir sa Lumière !
Nguyễn Thế Cường