Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 29 août 2020
La correction fraternelle
Les lectures bibliques de ce dimanche nous rejoignent en période de rentrée. Beaucoup d’activités communes, scolaires ou autres, reprennent leur cours. À cette occasion, il nous est utile de réfléchir à nos responsabilités. Qu’est-ce qui doit nous guider dans nos relations avec les autres ? Cette question se pose depuis toujours et elle occupe une place importante dans la liturgie de ce jour.
C’est ce qui se passe avec le prophète Ézéchiel au temps lointain de l’exil à Babylone. Nous le voyons se sentir responsable de sa communauté. Il s’entend appelé par le Seigneur et reçoit la mission de “guetteur” pour la maison d’Israël. Dieu ne lui demande pas de surveiller ses proches mais d’être un gardien qui veille sur eux ; il doit tout faire pour les empêcher de prendre le mauvais chemin. Le psaume qui suit nous montre la route à suivre : “Écoutez la voix du Seigneur ; ne fermez pas votre cœur.
Quelques siècles plus tard, saint Paul viendra apporter un éclairage nouveau. S’adressant aux chrétiens de Rome, il leur rappelle les éléments essentiels de la loi : pas d’adultère, pas de meurtre, pas de vol, as de convoitise… Mais il invite à aller plus loin : ” Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même… Le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour.”
L’Évangile vient préciser un aspect important de cette loi de l’amour, notamment en ce qui concerne les relations dans la communauté des disciples. Pour comprendre ce message, nous devons nous rappeler que nous sommes tous membres de la famille de Dieu et qu’il ne veut pas qu’un seul se perde. Il veut ramener à lui tous ses enfants dispersés. Il nous invite à partager son souci en nous aidant mutuellement à vivre en enfants de Dieu. Notre mission n’est pas d’épier le péché de notre frère mais de lui montrer le chemin qui peut le sauver.
Nous ne devons jamais oublier que celui qui a péché est d’abord notre frère. Avant d’être un coupable, il est un frère qu’il faut aimer, un malade qu’il faut soigner et guérir. Il ne s’agit plus d’accuser ou de dénoncer mais d’avoir un regard fraternel qui accueille et redonne confiance. C’est cette attitude qu’a eu Jésus envers la Samaritaine. Il a eu une qualité d’écoute et un regard qui ont provoqué en elle ce retournement et cette conversion.
Si cette rencontre individuelle n’aboutit pas, Jésus nous invite à faire comme le médecin qui fait appel à un confrère : “Prends avec toi deux ou trois personnes…” A deux ou trois, on y voit plus clair. On arrivera à mieux le persuader. Puis en cas de refus, on va le dire à la communauté de l’Église. Elle va tout faire pour le porter dans sa prière et le ramener à Dieu.
“S’il n’écoute pas l’Église, considère-le comme un païen et un publicain.” Non, ce n’est pas la condamnation finale qui exclut le pécheur. C’est lui qui s’est mis en dehors. Tout doit être entrepris par l’ensemble de la communauté pour ramener celui ou celle qui s’est égaré en prenant une mauvaise orientation. Nous connaissons tous la parabole de la brebis perdue. Son maître fait tout pour la retrouver. On peut dire qu’actuellement, c’est tout le troupeau qui est perdu. Nous sommes tous concernés. Personne n’a le droit de dire que ce n’est pas son problème. Nous sommes tous responsables les uns des autres : un jour, Dieu nous posera la question : “qu’as-tu fait de ton frère ?”
Cet Évangile se termine par un appel à nous unir dans la prière. Quand nous sommes réunis en son nom, Jésus est là. Il est présent aujourd’hui dans l’Eucharistie qui nous rassemble. Il nous rejoint pour mettre son amour en nos cœurs. C’est avec lui que nous pourrons refaire la communion qui est cassée. Et surtout, n’oublions jamais que pour gagner tous ses frères, Jésus s’est donné jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur une croix. Alors “aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur mais écoutons la voix du Seigneur. Amen
Télécharger : 23ème dimanche du Temps ordinaire
Sources : Revue Feu Nouveau – Guide Emmaüs des dimanches (JP. Bagot) – Lectures bibliques des dimanches (Albert Vanhoye)
“Il faut beaucoup parler d’amour avant de parler d’interdits. Parce que la vraie vie est au-delà des “barricades” de toutes sortes.” (Louis Futin)
Cette semaine, je ne pourrai pas mettre vos commentaires en ligne avant samedi.
Je ne me sens pas apte à pratiquer la correction fraternelle.
J’espère que votre semaine sera lumineuse !
L’Évangile de ce dimanche nous appelle à la solidarité et au dialogue, à rester unis pour former une famille harmonieuse autour du Christ. « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » nous assure Jésus.
Nous considérons souvent notre vie de foi comme une affaire personnelle entre Dieu et nous. Certes, cette relation est toujours unique, mais jamais en tant qu’individu isolé. La foi ne nous appelle pas à construire notre petite béatitude dans un coin mais nous invite à vivre en bonne relation avec les autres. ‘Là où est l’amour, là est Dieu !’ (Léon Tolstoï) Saint Paul nous rappelle : « Vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » (Cor 12:27) En tant que membres d’une même famille, chacun de nous a sa place dans le cœur de Dieu. Nous puisons une grande force dans cette union dans le Christ. Nous nous appuyons les uns sur les autres tout le long de notre parcours vers Dieu. Mais ce lien qui nous unit comporte aussi des responsabilités. Cela implique le devoir d’entraide, de nous épauler les uns les autres à s’élever, mais aussi à ramener au bon chemin ceux qui sont dans l’erreur.
La fraternité, ce lien cordial, pour naturel qu’il paraisse à un chrétien, n’est pourtant pas toujours évident. Dès l’origine, que d’incompréhensions, de disputes voire de ruptures ont bouleversé notre Église !… Au sein de chaque entité sociale, il y aura toujours des moments de tensions. À qui est la faute ? D’où vient cette source de mésentente ? À partir de son propre vécu, chacun a une interprétation très personnelle d’une situation donnée. Il arrive souvent que, dans un différend, on privilégie sa propre version des faits, en total désaccord avec son interlocuteur. Dans une telle situation conflictuelle, Jésus prône l’échange de vues : « Va lui parler seul à seul. » Il nous invite à une prise de conscience réciproque dans un climat d’entente cordiale et à ne pas se comporter en juge.
Le dialogue est toujours un élément essentiel pour ne pas laisser les tensions perdurer ! Échanger des points de vue permet d’éviter les malentendus et de désamorcer des tensions latentes. Mettre des mots sur ses ressentis et sur ses émotions aide à poser les choses et à esquisser ensemble une solution. Adopter une attitude constructive reste la meilleure façon de prévenir une discorde. Chacun essaie de trouver les mots adéquats, de saisir le moment propice afin de désamorcer le conflit. Dans sa lettre aux Romains, saint Paul insiste : « Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. » L’union dans la bonne-entente et la tolérance ! Cela change tout par rapport au regard que nous allons porter les uns sur les autres.
Mais de quoi s’agit-il lorsque Jésus dit : « Si ton frère a commis un péché… » ? Il ne nous incite pas à un jugement qui rejette, mais plutôt à une attitude d’accueil pour montrer la voie à quelqu’un dans l’erreur. D’autant plus que, avant de céder à la tentation de fustiger nos semblables, ne devrions-nous pas nous rappeler de son conseil : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Mt 7:1) ou « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? » (Mt 7:3) Car souvent on a tendance à rejeter la faute sur l’autre. Solidarité et correction fraternelle exigent donc courage et délicatesse d’un côté, humilité et compréhension de l’autre. Ce terrain d’entente se conçoit dans un climat d’apaisement, au prix d’un dialogue hautement gagné. L’amour fraternel est le signe distinctif des disciples du Christ : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » (Jn 13:35) L’appel est bel et bien lancé ! Les bonnes intentions ne suffisent pas, seuls les actions concrètes rendent l’amour crédible.
L’union dans la bonne-entente se pratique d’abord en famille, le noyau central de la société. La famille doit être un endroit où l’on se sent en confiance, là où l’on se parle et s’entraide. Elle se construit par des échanges positifs valorisant chacun de ses membres. Cet apprentissage est lent et implique un effort constant. Il fait appel à la responsabilité de chacun mais constituera une aide précieuse pour les uns et les autres sur le chemin vers Dieu.
Nguyễn Thế Cường Jacques