Homélie du 11ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 7 juin 2021Semer et faire confiance
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Les trois lectures de ce dimanche vont dans le même sens. Elles nous invitent à la confiance et au courage. L’Évangile nous dit que le Royaume de Dieu est une force qui avance au travers de nombreuses difficultés ; rien ne peut l’arrêter. La première lecture est extraite du prophète Ézéchiel ; elle nous parle, elle aussi, d’une extraordinaire croissance. Dans la seconde lecture, saint Paul s’adresse à des chrétiens persécutés ; mais il garde confiance et il réaffirme son engagement pour le Seigneur.
À travers ces trois lectures, c’est le Seigneur qui nous parle ; il nous a promis d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est vrai que les médias nous disent souvent le contraire ; alors on s’interroge : “où es-tu, Seigneur, quand on se fait la guerre dans de nombreux pays, quand on commet des violences contre les plus faibles, quand les plus pauvres sont jetés à la rue ? Et bien sûr, comment ne pas penser à cette pandémie qui a fait de nombreuses victimes.
Ce cri de désespoir était celui des habitants de Jérusalem. Déportés en exil loin de chez eux, ils sont complètement désemparés. Leur peuple semble voué à la destruction. Le prophète Ézéchiel a assisté à la chute totale de son pays. Mais il annonce à son peuple que rien n’est perdu. Ce qui n’est qu’une minuscule bouture va germer et devenir un grand arbre. Ceux qui sont totalement brisés, Dieu les fera vivre merveilleusement. Le prophète trouve les mots justes pour redonner courage et espérance à son peuple. La haine, la violence et le mal ne peuvent avoir le dernier mot. C’est l’amour qui triomphera. C’est une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Rien ne doit ébranler notre foi au Dieu sauveur.
C’est aussi de cette espérance que Paul nous parle dans la 2ème lettre aux Corinthiens (2ème lecture). Les premières années du christianisme ont été marquées par des persécutions. L’apôtre Paul rencontre de nombreuses difficultés dans son ministère. Il a l’impression de descendre à la mort. Mais il a la ferme certitude qu’à travers tout cela c’est la vraie vie qui est en train de germer. Le Seigneur nous prépare une demeure éternelle. Il donnera la couronne de gloire à ceux qui auront accompli leur course jusqu’au bout. Ce message de réconfort est aussi une bonne nouvelle pour les chrétiens d’aujourd’hui. Si nous restons reliés au Christ, rien ne peut nous séparer de son amour.
L’Évangile de saint Marc s’adresse aussi à des chrétiens désemparés. Leur question est de tous les temps : dans ce monde où tout va si mal, où est-il notre Dieu ? Que sont devenues les promesses du Christ ? Comment garder la foi face à toute cette violence. Saint Marc leur rappelle les paroles de Jésus autrefois. Il leur parle de cette semence qui germe et grandit toute seule. Mais entre les semailles et la moisson, il y a beaucoup de temps. C’est une manière de dire que le Royaume de Dieu est en gestation. La récolte viendra mais ce sera pour plus tard. Notre Dieu peut paraître absent mais son action est discrète et efficace.
Dans son discours, Jésus précise que cette graine, c’est “la plus petite des semences de la terre”. C’est la logique même de Dieu. Jésus lui-même s’est fait le plus petit et le plus pauvre. Il a été enterré au tombeau. Mais sa résurrection a été le point de départ de la naissance de l’Église. Celle-ci a commencé petitement avec, un groupe d’hommes insignifiants. Mais ce qui est folie aux yeux des hommes est sagesse de Dieu. Nous voyons des statistiques qui s’effondrent, mais rien ne peut empêcher Dieu d’être à l’œuvre.
Avec nos yeux et nos oreilles, nous pouvons savoir ce qui se passe dans le monde. Mais pour reconnaître l’action de Dieu, il faut le regard de la foi. Comme les disciples d’Emmaüs, nous reconnaissons la présence du Christ quand il nous explique les Écritures et qu’il nous partage son pain eucharistique. C’est en lui que toute notre vie retrouve son sens. Nous découvrons que même dans les pires épreuves, Dieu ne nous a jamais abandonnés.
Concrètement, nous croyons que Dieu agit quand les ennemis enfin se parlent, quand des hommes, des femmes et des enfants sortent du cercle infernal de la rancune et de la violence pour faire des gestes de paix et de réconciliation. Dieu agit quand des savants inventent des moyens pour combattre les maladies. Il est présent quand des équipes s’organisent pour visiter des malades ou des prisonniers. C’est ainsi que les signes de la présence de Dieu sont nombreux. Nous sommes comme le paysan de la parabole. Les choses se passent sans que nous n’en sachions rien et sans que nous comprenions comment.
Quand nous voyons la vie germer, c’est Dieu qui est là et qui agit. Que nous dormions ou que nous nous levions, la semence germe. En attendant la moisson, il nous faut apprendre la patience et surtout la confiance. J’ai fait ce que je devais faire. À toi, Seigneur, de jouer. Tu m’as demandé de semer des graines d’amour, de justice, de paix, de réconciliation… Mais c’est toi qui donnes à la semence de pousser et de donner du fruit.
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Sources : Revue Feu Nouveau – Lectures bibliques des dimanches – Homélies pour l’année B (A Brunot), Guide Emmaüs des Dimanches et fêtes – ADAP
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« En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait : ‘Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment.’ » (Mc 4:26-27) Une parabole fascinante : La semence germe toute seule, par sa propre force ! Une merveille de la nature ! Une fois enfouie sous terre, le grain commence dans le secret un fantastique processus de croissance. La vie se développe, invisible à nos yeux. D’apparence, rien ne se voit, mais c’est une illusion de penser que rien ne s’active… Un mouvement d’épanouissement est à l’œuvre. Petit à petit, la vie s’éveille et prend forme. Il en est de même de la grâce divine agissant en nous !
Cette courte parabole fait résonner en nous une note d’optimisme et de confiance. L’Esprit-Saint travaille sans relâche en profondeur dans chaque âme, et ce, dans la continuité. L’action de Dieu à notre égard est une force imperceptible qui s’active sans que nous en soyons conscients. Elle est toujours présente même si nous ne nous en apercevons pas. À travers cette petite parabole, Jésus nous invite donc à être patients dans la voie où Dieu nous mène. Il nous encourage à ne pas brûler les étapes et à poursuivre patiemment notre idéal. Un temps de maturation est indispensable pour une bonne récolte. Il en est de même pour toute voie spirituelle. La patience finit toujours par payer ! La grâce de Dieu opère tout en douceur en chacun de nous. « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » (Isaïe 55:10-11) Ainsi proclamait Dieu par la bouche d’Isaïe. Soyons donc patients… Et dans certaines circonstances, il faut savoir ‘laisser le temps au temps’ !
Laissons Dieu nous transformer à son rythme. Apprenons de Marie à écouter Dieu, à vivre sereinement le plan de Dieu dans notre vie. « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1:38) Avec le temps, un bon projet mûrit et se bonifie. Cela prend du temps aussi à un arbre pour devenir majestueux, du temps à l’enfant pour devenir adulte… Ainsi, chaque personne a son rythme de développement et d’affinement. On peut se mordre les doigts aussi bien d’avoir trop tardé que d’avoir agi trop vite. Il faut savoir quand il vaut mieux attendre et quand il faut forcer le destin. Il est nécessaire de prendre son temps pour trouver sa propre voie. C’est le dilemme de tous ! Souvent, dans l’effervescence de nos activités, nous ne prenons pas assez de temps pour régler un problème ou pour bien digérer un incident. Nous voulons avoir des résultats tout de suite sans prendre la peine d’aller au fond des choses. On ne se donne même plus du temps pour apprécier l’instant présent. S’arrêter, regarder, respirer et s’imbiber du moment qui nous fait du bien… Écouter ce que la nature nous dit, écouter ce que Dieu nous suggère !
Cependant, si dans la nature ce développement reflète un processus normal de la vie, cela suppose néanmoins une relation dynamique entre la semence et son milieu. La force vive de la semence ne peut s’exprimer pleinement que si elle rencontre un terrain favorable à sa germination. La grâce de Dieu nous est donnée, mais cette énergie vitale ne peut circuler en nous que si nous-mêmes nous favorisons son dynamisme en laissant à Dieu une place dans notre vie. La parabole n’entend pas du tout nous inviter à la paresse ou à la négligence, mais bien à la confiance. Vivons en enfant de Dieu et laissons-Lui agir en nous ! La vie spirituelle se construit souvent par petite étape, parfois même au terme d’une longue patience. Le chemin vers Dieu est un long parcours ponctué de joies mais aussi d’embûches ! Sa lente progression demande un engagement dans la durée de notre part.
À travers cette parabole, Jésus nous invite également à semer les petites graines de bonheur autour de nous. Même si c’est peu de choses dans ce que nous faisons dans le quotidien, les petits élans de générosité produiront de bels effets. Le Règne de Dieu « est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » (Mc 4:31-32) Le bonheur demande des fois du temps pour s’installer. Il lui faut de la patience, de l’endurance propre à la germination. Même si le résultat tarde à venir, soyons patients. La petite graine est semée. Elle grandira et fera le bonheur autour de nous. Une ambiance de bien-être se produira et tout le monde trouvera cela bien naturel !…
Nguyễn Thế Cường Jacques