Homélie du 23ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 1 septembre 2012
OUVRE-TOI !
Textes bibliques : LIRE
“Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu. C’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il va vous sauver”. Voilà ce message que nous avons entendu dans la première lecture. Comprenons bien, cette revanche de Dieu c’est celle de son amour. Il ne prend pas sa revanche contre nous mais contre le mal qui nous atteint et nous abime. Sa revanche c’est de supprimer le mal, c’est faire en sorte que les aveugles voient et que les sourds entendent. La bonne nouvelle c’est que Dieu nous aime plus que tout être au monde. Notre vie connaît souvent des humiliations physiques et morales. Mais le Seigneur est là ; il vient pour nous libérer et nous sauver. Avec lui, le mal ne peut avoir le dernier mot.
Dans la seconde lecture, saint Jacques nous rappelle ce que doit être la réponse de la communauté chrétienne. Les considérations de personnes n’y ont pas leur place. La tentation de ménager les riches et les puissants reste toujours bien présente. Ce comportement est incompatible avec l’Evangile de Jésus Christ. Dieu a choisi les pauvres et les a faits riches dans la foi. Il en a fait des héritiers du Royaume. Voilà une mise au point très forte pour notre société ambiante de surconsommation. Les discriminations y sont toujours bien présentes. Nous pensons à la montée du racisme, au rejet de l’étranger. On évite de fréquenter celui qui n’est pas de notre monde. La mise au point de saint Jacques s’adresse aussi à nous aujourd’hui.
L’évangile de saint Marc nous montre qu’avec Jésus c’est exactement le contraire. Aujourd’hui, nous le voyons en territoire païen et non en territoire d’Israël. Sa mission n’est pas réservée à un unique peuple. Elle s’ouvre à tous. C’est là qu’il va guérir un sourd muet. Cet homme représente tout un peuple pratiquement fermé à la Parole de Dieu. Il est incapable de proclamer les merveilles de son Créateur. Il est sourd à la bonne nouvelle de l’Evangile. Sa rencontre avec Jésus a été quelque chose d’extraordinaire. Un mot résume bien toute l’action du Christ : “Effata” (ouvre-toi). Jésus vient nous ouvrir à Dieu, aux autres, à tous les autres.
Cet homme handicapé nous ressemble. Même si nous entendons et parlons correctement, il peut nous arriver de nous enfermer sur nous-mêmes. Nous pensons à tous ces hommes, ces femmes, ces jeunes qui sont “bouclé” dans leur solitude. Ils sont incapables de communiquer avec les autres. Ils vivent repliés sur eux-mêmes, sans relation, sans ami, sans travail, sans conversation. Rien ne les intéresse en dehors de leur “moi”. Nous vivons dans un monde super médiatisé, mais beaucoup continuent à vivre dans l’individualisme. Chacun y cherche à tout prix à ménager ses intérêts et ses privilèges. Cette attitude nous rend sourds aux drames du monde et au bien commun.
A travers cet évangile, saint Marc s’adresse aussi aux chrétiens. Il vient nous montrer ce qui se passe quand nous sommes sourds à la Parole de Dieu. A cause de cette surdité, nous ne pouvons que bégayer un témoignage que le monde ne peut comprendre. Mais Jésus est là comme autrefois. Il fait sans cesse le premier pas vers nous. Comme autrefois, il continue à nous dire “OUVRE-TOI”. C’est avec lui et par lui que se réalise en nous l’ouverture du cœur, des yeux, des oreilles et de la bouche. C’est Jésus seul qui établit notre communication avec Dieu. Il est le médiateur qui nous permet d’entrer en conversation avec Dieu. Toutes les guérisons qui nous sont rapportées dans l’Evangile nous révèlent la guérison profonde que Jésus vient réaliser en nous.
Quand Jésus nous dit “Ouvre-toi”, c’est pour nous ouvrir à la Parole de Dieu. Cette parole nous la découvrons en lisant la Bible. C’est dans notre vie de tous les jours et à travers les divers événements que Dieu nous parle. La Bible, l’Evangile nous donnent de pouvoir décoder le langage de Dieu à travers toutes les réalités de la vie. En cette année de la foi voulue par notre pape, nous prendrons le temps de nous nourrir de cette Parole de Dieu pour qu’elle transforme réellement notre vie. Elle nous est donnée pour que nous comprenions à quel point Dieu nous aime.
En ce jour, nous te supplions, Seigneur : Touche mes oreilles pour qu’elles entendent. Touche mes lèvres pour qu’elles proclament ta louange. Dans ton Eucharistie, le sacrement des sacrements, touche tout mon être, tout mon corps, pour que je vive par toi et pour toi. Amen
Sources : Feu Nouveau, Ta Parole est joie (Joseph Proux) – avec Saint Marc (Claire Patier) – Lectures d’Evangile d’un vieux prêtre de Montpellier – Dimanche en Paroisse N° 364
Il m’a été demandé si je ne pourrais pas mettre un peu d’humour sur ce blog. Alors voici :
Un petit garçon demande à son curé : “C’est Dieu qui te dicte tes sermons ?
– oui, répond le curé
– Alors pourquoi tu en raye la moitié ?”
23ème Dimanche ordinaire – année B – 9 septembre 2012 – Evangile de Marc 7, 31-37
QUE NOUS SOMMES DURS D’OREILLE !!…
Beaucoup de mois se sont écoulés depuis que le charpentier Jésus de Nazareth, à la suite de son baptême, a commencé à circuler à travers sa région de Galilée pour annoncer que Dieu, avec lui, inaugure son Règne et donc pour inviter les gens à entrer dans ce Royaume en se convertissant c.à.d. en changeant totalement de point de vue et en adoptant un nouveau comportement. La réalité définitive de l’homme est décision personnelle, option libre et fondamentale pour le Royaume de l’amour dans les épines.
Or quels sont les résultats obtenus par cette mission ? Bien maigrichons.
Le peuple accourt vers Jésus dans l’enthousiasme, écoute (un peu) ses enseignements mais surtout lui demande des guérisons, des exorcismes et des distributions gratuites de pain.
Les théologiens et les pharisiens sont stupéfaits puis de plus en plus exacerbés par son comportement : cet homme bafoue le shabbat, il mange avec des pécheurs notoires, il rejette les traditions des ancêtres. Et surtout ses auto-déclarations sont intolérables : comment ose-t-il se dire « Fils de l’homme », « Médecin des âmes », « Epoux d’Israël » ?…
Alertés, des scribes sont descendus de Jérusalem et répandent leur diagnostic : « Cet individu a fait un pacte avec le diable ».
Epouvantés, certains pharisiens sont même décidés à le supprimer.
Les membres de sa famille, apeurés par les menaces, ont tenté, sans succès, de le récupérer et de le ramener à la maison.
Les gens de son village, intrigués par leur ancien voisin, l’ont écouté poliment mais sans être ébranlés le moins du monde.
Il y a enfin le groupe de disciples qui le suivent, qui partagent les aléas de sa vie itinérante et semblent lui être attachés mais ils ne comprennent ni ses paraboles ni ses distributions de pain et ils s’interrogent sur son identité. Il s’énerve devant leur lourdeur, il critique leur manque de foi, leur incompréhension. « Pourquoi avez-vous peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? »(4,49), « Vous aussi, vous êtes sans intelligence ? »(7,18), « Vous ne saisissez pas ? Vous avez le cœur endurci ? » (8,17).
Jésus s’est heurté à un mur : son peuple est « sourd » à son appel, il n’entend pas ses exigences.
Des prodiges, des pratiques régulières, des prières, des liturgies, l’espérance d’un messie futur : on en était d’accord. Mais ne nous parlez pas d’un Evangile qui remet en question les options de vie, qui oblige à affronter les tempêtes, qui mêle gens pieux et pécheurs devant le même pardon de Dieu et qui sépare les membres d’une famille.
Pourquoi donc, à son tour, le chrétien d’aujourd’hui devrait-il s’étonner de ses échecs et de sa solitude ?…
AU-DELA DES FRONTIERES
La province de Galilée où Jésus a passé sa vie est une région ouverte sur le monde, carrefour de routes internationales qui relient les grands ports phéniciens de Tyr et Sidon avec Damas et la Syrie. Sur les bords du lac, des officiers romains vivent dans de belles villas, fréquentent gymnases, hippodromes et théâtres. Pas loin de Nazareth, de grands travaux commandés par le roi Hérode transforment Séphoris en une ville « moderne ». Au contraire de la Judée, enclose dans ses montagnes arides, concentrée sur le temple de Jérusalem et enfermée dans le réseau des préceptes imposés par prêtres et scribes, en Galilée souffle l’esprit du monde, se mélangent les hommes de toutes origines, de plusieurs religions. Jésus y sent l’air du large, l’appel du monde.
Assez vite, il avait entraîné ses disciples à sortir des frontières : « Passons sur l’autre rive ». Déjà il avait fait une incursion, vers l’est, au pays de Gerasa, y avait guéri un fou furieux qui effrayait le voisinage mais les habitants avaient renvoyé Jésus dans son pays (5, 1-20). Maintenant, à la suite de ses heurts avec les pharisiens (dimanche passé), Jésus emmène les siens vers le nord-ouest, au sud du Liban : il voulait demeurer incognito mais une femme de l’endroit l’a reconnu et, après un refus, a obtenu la guérison de sa petite fille en disant : « Nous, les païens, sommes comme des petits chiens : nous pouvons bien recevoir les miettes de la table ». Jésus semble avoir été « converti » par cette femme qui portait la plainte des multitudes païennes : le messie juif doit se reconnaître envoyé à tout le monde.
C’est alors que Marc continue son récit (évangile du jour : attention à la traduction)
Jésus quitta la région de Tyr : passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. On lui amène un sourd qui parlait difficilement et on le prie de poser la main sur lui. Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles et, prenant de la salive, lui toucha la langue. Puis les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! » c.à.d. « Ouvre-toi ». Ses oreilles s’ouvrirent : aussitôt sa langue se délia et il parlait correctement.
Marc ne semble pas bien situer la Décapole, mais il montre Jésus en un lieu frontière, là où s’affrontent les cultures et les différences. Il faut à nouveau rectifier la traduction liturgique : l’handicapé du récit n’est pas un « un sourd-muet » mais « un sourd qui parlait difficilement », précision qui, avec la réflexion finale des gens, est une citation d’Isaïe annonçant les merveilles du Messie (« Voici votre Dieu : il vient vous sauver… » Isaïe 35, 4-6)
Un orthophoniste ratifierait la pratique de Jésus : l’homme s’exprime mal parce qu’il entend mal. C’est l’oreille qui commande la diction : c’est pourquoi Jésus se préoccupe d’abord de guérir l’audition.
Mais que l’opération est pénible ! Alors que Jésus a réussi tant de merveilles d’un simple mot, d’un geste, on dirait qu’il se heurte ici à une résistance farouche qui exige tout un déploiement de manipulations :
– L’acte doit se dérouler en secret, loin de la foule. Il ne s’agit pas d’un « miracle » public pour attirer les applaudissements mais d’une rencontre privée.
– Jésus doit toucher les organes déficients : le contact physique est nécessaire.
– Il lève son regard vers le ciel et il soupire: c.à.d. qu’il adresse un appel spécial à Dieu, il inspire pour obtenir le souffle de l’Esprit.
– Il ordonne d’un mot important puisque Marc l’a conservé dans la langue originale : EFFATA : OUVRE-TOI
– Prière, gestes, contacts et parole s’unissent afin d’obtenir le but : l’homme « est ouvert ».
On comprend la portée du récit. Alors que Jésus se débat avec des compatriotes sourds à ses appels, voici qu’après la Phénicienne, il rencontre des païens de bonne volonté qui cherchent à entendre. Certes la lutte est dure pour ouvrir à la foi des hommes perdus dans l’idolâtrie mais pour celui qui se prête à l’action de Jésus, le résultat est possible. La conversion est tout sauf un acte facile et anodin.
Alors Jésus lui recommanda de n’en rien dire à personne.
Mais plus il le leur défendait, plus ils le proclamaient. Très vivement frappés, ils disaient : « Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets ».
Comme précédemment, la consigne de silence est formelle : en effet le danger est permanent de ne voir en Jésus qu’un thaumaturge que l’on supplie et que l’on admire pour ses bienfaits. On en resterait au « miracle » sans en percevoir la signification. Oui à un Dieu qui guérit mais non à un Dieu qui fait entendre un appel « in-ouï » afin que l’handicapé spirituel (que nous sommes tous) ne se contente pas de s’exclamer : « Je suis guéri, je vais mieux… » (grâce aux soins d’une Eglise philanthropique) mais « J’ai compris, j’accueille Jésus comme mon Sauveur, j’adopte son Evangile et je veux, à sa suite, le proclamer dans sa vérité ».
Le rite du baptême d’adulte comportait ce cri « EFFATA » qui signifie que, de soi, notre ego est enfermé dans sa citadelle et qu’il faut le cri « perçant » du Seigneur pour ouvrir une brèche et lui permette de naître à la parole et de s’engager dans ce nouveau monde où l’égo doit se perdre pour vivre.
« On lui amène… » : serons-nous des intermédiaires, émus par la surdité spirituelle de nos frères, et qui sauront les « amener » à Celui-là, seul, qui peut les OUVRIR ?
Raphaël D
L’essentiel ? 23ème Dimanche 2012 – 9 septembre
« Branchez-vous sur l’essentiel ! » En ouvrant, un jour de la semaine passée, mon ordinateur pour prendre sur Internet la radio chrétienne j’ai lu cette mention avec « service temporairement indisponible ». Aucune indication sur l’essentiel. La liturgie, constamment disponible, va fournir la réponse.
En 1ère lecture le prophète Isaïe indique « aux gens qui s’affolent » : « Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu » Oui, c’est Lui l’essentiel ! Pour tous ceux et celles qui sont troublés, dans la souffrance, dans l’angoisse, dans la tristesse, Isaïe annonce « la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver »
Sa vengeance ? « S’ouvriront les yeux des aveugles, les oreilles des sourds » ; « le boiteux bondira » ; « la bouche du muet criera de joie » ; la nature elle-même sera transformée pour satisfaire ceux qui souffrent de la famine ou du manque d’eau.
Tout cela bien sûr doit se conjuguer au spirituel et nous y voyons l’annonce du Christ Jésus et de sa Bonne Nouvelle, la promesse d’un monde nouveau, parfait, éternel !
Avec le Psaume 145 nous pouvons bien chanter : « Je te chanterai, Seigneur, tant que je vivrai ». Il « fait justice aux opprimés » ; « aux affamés donne le pain » ; « délie les enchaînés » ; « aime les justes » ; « protège l’étranger » ; toutes indications qui complètent celles d’Isaïe au sujet de son amour, et avec la collaboration humaine !
L’Evangile (Marc 7, 31-37) va appliquer à Jésus tout ce qui est dit du Seigneur précédemment. « Eternel est son amour ! » Présent en Décapole, territoire païen à l’est du Jourdain, « on lui amène un sourd-muet ». « Il l’emmena à l’écart, loin de la foule ». Jésus ne recherche pas la propagande, à se payer un succès. L’humilité sera toujours sa conduite, de sa naissance à sa mort. Avec des gestes corporels : doigt dans les oreilles, langue touchée par sa salive, yeux levés au ciel, il manifeste sa proximité de l’homme et son lien avec Dieu. « Effata » (Ouvre-toi) sa parole produit la guérison : oreilles ouvertes, langue déliée. Le sourd-muet « parle correctement » S’il recommande de n’en rien dire à personne, les témoins du miracle ne peuvent guère s’empêcher de proclamer ouvertement : « Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets »
Toutefois l’essentiel ne se trouve pas dans la guérison corporelle, seulement individuelle. Elle concerne tous les humains. Ils sont trop souvent sourds à sa parole, muets pour bien parler de son nom et d’agir selon sa loi d’amour.
Avec l’Esprit d’amour qui dissipe les brouillards et les ténèbres de nos esprits, l’essentiel c’est d’aimer, et Dieu, et toute l’humanité. Saint Jacques (2ème lecture) en tire la conclusion que tous les hommes sont égaux en droit. La foi en Jésus Christ demande : « pas de considérations de personnes ». Bien recevoir un riche et négliger le pauvre – ce qui est fréquent aussi dans le monde actuel – c’est « juger selon des valeurs fausses » Les pauvres aux yeux du monde peuvent être « riches de la foi » Ils seront « héritiers du Royaume promis à ceux qui l’auront aimé ».
Branchons-nous sur Jésus, fortement, fidèlement. Ne négligeons pas de le voir présent particulièrement dans les petits, les pauvres, les souffrants de toutes catégories : « ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mtt. 25, 40)
Branchons-nous aussi sur Marie. Nous connaissons sa puissance d’intercession pour ne faire qu’un avec son Fils et pour que nous partagions sa gloire auprès du Père.