Homélie du Jeudi saint
Abbé Jean Compazieu | 8 avril 2019
« Il les aima jusqu’au bout… »
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En cette soirée du Jeudi Saint, nous célébrons un événement absolument essentiel dans l’histoire du salut. Il nous est rapporté par les Évangiles de Saint Matthieu, Marc et Luc ainsi que par Saint Paul que nous venons d’écouter. La veille de sa mort, Jésus a réuni ses disciples pour son dernier repas. Il prit du pain et du vin et dit : “Prenez et mangez, ceci est mon corps…Prenez et buvez, ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude…” C’est ce soir-là que Jésus a institué l’Eucharistie et le sacerdoce.
Ce Jeudi Saint nous rappelle donc que Jésus se donne comme nourriture et comme boisson. Dans l’Évangile de saint Jean (chapitre 6), nous lisons : “Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.” Au moment de la communion, quand le prêtre dit “Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde”, il ne s’adresse pas seulement à la communauté qui est devant lui ; le Christ Pain de vie ne demande qu’à se donner au monde entier.
Le Concile Vatican II nous a dit que “l’Eucharistie est source et sommet de toute vie chrétienne et de toute évangélisation”. Il est absolument essentiel pour tout chrétien de puiser à cette source et de gravir ce sommet. C’est là que nous recevons la force dont nous avons besoin pour continuer notre route à la suite du Christ. C’est Jésus qui se donne en nourriture. Il veut faire de nous ses amis intimes. Il se donne à nous pour nous communiquer sa vie et son amour. Malheureusement, beaucoup ne sont pas convaincus. Pensons à la facilité avec laquelle on se dispense de la messe parce qu’on a un repas de famille ou pour toute autre raison.
Cela montre bien que beaucoup n’ont pas vraiment compris l’importance de l’Eucharistie. Le Pain partagé est le symbole de la vie offerte par Jésus. “Ceci est mon Corps livré pour vous”. Dans cette expression, nous sommes tous inclus. Cette coupe est celle de “mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés”. C’est donc la nouvelle alliance entre Dieu et le monde. Cette veillée du jeudi saint nous révèle cet amour extraordinaire de Dieu pour le monde. Nous n’aurons jamais fini de méditer sur cette générosité qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. C’est par ce sacrifice suprême du Christ que tous les hommes peuvent accéder au salut.
Le problème, c’est qu’on a trop tendance à réduire l’Eucharistie au memento des défunts. Comprenons bien, c’est important de prier pour eux et de faire célébrer des messes à leur intention. C’est même le plus beau cadeau qu’on peut leur faire. Mais si nous nous rassemblons à l’église le dimanche, ce n’est pas seulement pour un défunt ; c’est pour une raison bien plus importante : à chaque messe, c’est Jésus qui se donne pour nous et pour la multitude, vivants et défunts. C’est par son sacrifice suprême que tous les hommes peuvent accéder au salut.
Cet amour que nous recevons du Christ doit aussi nous unir les uns aux autres. Des chrétiens divisés ne peuvent que donner un contre-témoignage. Sans la charité, la communion n’est qu’une hypocrisie. L’Évangile insiste sur le lien très fort entre l’Eucharistie et la charité. Le partage du pain n’a donc pas suffi. Il a fallu que le “Maitre et Seigneur” se lève et se mette à genoux. Et cela non plus n’a pas suffi : il s’est mis à laver les pieds de ses disciples. Il s’est abaissé devant chacun sans dire un mot. À travers ce geste, c’est Dieu qui s’avance vers nous : il s’agenouille pour laver nos souillures.
Aujourd’hui comme autrefois Jésus nous rejoint dans une humanité blessée. Beaucoup y souffrent de la haine, de la violence et de la précarité. C’est dans ce contexte que nous devons faire preuve d’inventivité pour célébrer ce “mémorial” institué par le Seigneur. Le pain partagé et l’abaissement de Jésus nous convoquent au service et à l’humilité.
Nous sommes là pour reconnaître tout ce que le Seigneur a fait pour nous et pour le monde entier. Nous voulons l’accueillir et nous émerveiller. Mais cela ne sera possible qu’ensemble, les uns avec les autres, jamais les uns sans les autres. Tout au long de cette semaine sainte, nous prenons conscience de l’Amour qui se manifeste en actes. C’est un amour toujours à l’œuvre aujourd’hui et chaque jour.
Oui, Seigneur, donne-nous de t’aimer en toute humilité. Donne-nous de t’aimer et de te suivre dans ton amour pour chacun. Donne-nous de les aimer, proches et lointains, comme tu les aimes, un amour qui s’éprouve et se prouve.
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Sources : revue Feu Nouveau – lectures bibliques des dimanches (Albert Vanhoye) – Missel communautaire (André Rebré) –