28ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 3 octobre 2010C'était un Samaritain…
Textes bibliques : Lire
L'évangile de ce dimanche commence par nous montrer Jésus en marche sur les chemins de la Galilée et de la Samarie. C'est très souvent que nous le voyons ainsi avec ses disciples : “Un jour, il dira : “Je suis le chemin… Personne ne va au Père sans passer par moi”. Ainsi donc, les chemins sont des lieux de circulation pour aller d'un endroit à l'autre. Mais aujourd'hui, nous voyons surtout qu'ils sont un lieu de rencontre. C'est ce qui se passe avec les dix lépreux dont nous parle l'évangile de ce jour.
A plusieurs reprises, la Bible nous rappelle la situation tragique de ceux qui sont atteints par cette terrible maladie. Ils sont exclus de leur communauté. Ils doivent aller sur les chemins et se tenir à l'écart de ceux qui passent. Le lépreux est donc un homme fini ; tous ses amis se sont éloignés de lui ; il se retrouve avec ses compagnons dans la misère la plus complète. En lisant cet évangile, nous pensons aux lépreux d'aujourd'hui mais aussi à tous les exclus que nous croisons sur notre chemin. Ils sont nombreux ceux et celles qui sont rejetés par leur famille, leur communauté, ceux et celles qui sont considérés comme infréquentables à cause de leur passé et leurs erreurs.
Mais voilà que les pas de ces pauvres malheureux les conduisent vers ce Jésus dont tout le monde parle. Ils pensent sans doute qu'à force de tendre les mains, il ne les rejettera pas. C'est sans doute la distance qui les pousse à crier pour être entendus. Mais ce cri révèle leur désarroi, leur souffrance physique et morale. En venant à lui, ils demandent seulement un peu de douceur. Or voilà que Jésus leur a parlé. Il n'a pas détourné son regard. Il a suffi de quelques mots d'autorité : “Allez-vous montrer au prêtre.” Et voilà qu'en cours de route, ces hommes sont purifiés.
Nous, chrétiens d'aujourd'hui, nous sommes appelés à suivre Jésus sur le chemin qu'il nous montre. Et sur ce chemin, nous rencontrons les lépreux de notre temps, des exclus, des gens qui crient leur souffrance, leur désarroi. Ces hommes, ces femmes et ces enfants sont animés par un grand désir de vivre. Certains se retrouvent dans une situation familiale compliquée et se sentent rejetés par l'Eglise. Bien sûr, nous n'aurons pas de solution toute faite pour tous les problèmes des uns et des autres. L'Evangile de ce jour nous invite simplement à nous mettre à l'école de Jésus et à prendre le temps de voir et d'entendre comme lui les gens que nous croisons sur notre chemin. Nous connaissons tous ce chant : “La route est courte, ce serait dommage de se croiser sans se rencontrer… sans se regarder.”
En ce jour, l'évangile nous conduit à faire un pas de plus avec le dixième lépreux. En cours de route, tous se retrouvent purifiés. Mais le dixième ne peut aller vers le prêtre car il est samaritain. Il se serait fait renvoyer car il ne peut rejoindre la communauté des croyants. Alors, il revient vers Jésus en rendant gloire à Dieu : “Acclamez le Seigneur, terre entière, chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles.” Cet homme n'a plus besoin de garder ses distances. Il va jusqu'à Jésus et se prosterne devant lui. A travers ce samaritain, c'est la terre entière qui se prosterne et chante la gloire du Seigneur. En ce dimanche, nous nous unissons à cette prière d'action de grâce. La Parole de Dieu continue à traverser nos histoires d'hommes. L'amour du Christ nous rejoint pour opérer des merveilles d'une tout autre ampleur. Des hommes, des femmes, des enfants qui étaient très loin de Dieu se sont mis en route et ont progressé dans la foi.
La bonne nouvelle de ce dimanche, nous la trouvons aussi dans cette parole du Christ : “Relève-toi ; ta foi t'a sauvé.” Tout au long des évangiles, nous trouvons des gens qui ont été “relevés” par Jésus, des malades guéris mais aussi des pécheurs pardonnés. C'est la même puissance qui a ressuscité Jésus d'entre les morts. C'est aussi la même puissance qui nous relève et fait jaillir en nous l'action de grâce. Au jour de notre baptême, nous avons été plongés dans la mort de Jésus. Nous avons été immergés dans cet amour qui est en Dieu Père, Fils et Saint Esprit. Désormais, c'est la vie de Jésus qui coule en nous comme un fleuve. Rappelons-nous : “Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons”. C'est toute notre vie qui est appelée à devenir louange du Seigneur en actes.
En ce dimanche, nous sommes venus à Jésus pour lui rendre grâce. Le chemin de l'étranger nous indique celui qui doit être le nôtre quand nous venons à l'église. Il s'agit de glorifier Dieu et de lui rendre grâce. Oui, Seigneur, donne-nous un cœur comme celui du Samaritain. Pour tous les pardons reçus, pour ta miséricorde inlassable, béni sois-tu. Amen
D'après diverses sources
je voudrais me placer sous la bénédiction de la sainte vierge afin de recevoir sa grâce pour être humble et penser toujours à visiter l’autre qui a besoin de moi
Du Père Raphaël D
Le lépreux reconnaissant
Ce dimanche offre l’occasion de montrer comment dépasser les lectures superficielles de l’Evangile. Trop souvent on se contente de ceci :
— « Un jour Jésus a guéri 10 lépreux. Quelle puissance ! » — Bien, j’enregistre. Mais est-ce vrai ? Qu’ai-je à y voir ?
— « Un des lépreux est revenu rendre grâce : il faut donc apprendre à dire merci ». Un peu court.
Serait-ce là le tout du texte ? Apprenons à scruter tous les détails : seule une lecture patiente et attentive nous fait entrer dans la profondeur afin d’entendre la Parole qui aujourd’hui encore nous guérit.
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Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie et la Galilée.
Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre.
Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! ».
En les voyant, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres ».
Pour la 3ème et dernière fois, Luc note que Jésus est en route vers Jérusalem : rappel intentionnel car c’est là qu’il va accomplir le salut de l’humanité. En portant, sur la croix, l’horreur du mal, il va purifier l’humanité de l’horreur du péché – dont la lèpre, à l’époque, était un symbole frappant. Pourquoi ? Parce que la lèpre
– commence de façon indolore. Ainsi le premier péché paraît insignifiant et ne se remarque guère.
– ronge peu à peu et étend ses ravages. Le péché défigure, détruit la ressemblance divine en nous.
– est contagieuse. Le mal se diffuse et contamine tout le milieu.
– isole, rompt les relations. Le péché introduit hostilité, méfiance, il brise la communion.
– conduit à la mort.
JESUS LE GUERISSEUR
Ces malades (de lèpre ou maladies de peau graves et contagieuses) provoquaient la terreur, ils étaient chassés des lieux d’habitation et interdits de contacts selon la Loi :
« Le lépreux doit avoir ses vêtements déchirés, ses cheveux défaits, sa bouche recouverte et il doit crier :
« Impur ! Impur ! ». ; il habite à part hors du camp » (Lévitique 13, 45)
On avait parlé à ces pauvres de ce guérisseur Jésus dont on rapportait qu’il avait déjà purifié un lépreux en le touchant (5, 12). Le voyant sur la route, ils s’arrêtent et de loin ils l’interpellent avec force cris et supplications : « Pitié ! ».
Curieusement Jésus, sans les toucher, sans les guérir sur le champ, les envoie au temple de Jérusalem où, d’après la Loi, le lépreux guéri doit aller se montrer au prêtre qui offre les sacrifices prescrits, fait le rite d’absolution (preuve que la lèpre est liée au péché) et le déclare purifié. L’homme peut dès lors retrouver la convivialité avec les siens et la société (Lévitique 14).
Jésus ne les a pas touchés, ne les a pas guéris…néanmoins, dans la confiance, ils obtempèrent.
En cours de route, ils furent purifiés.
L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce.
Or c’était un Samaritain. Alors Jésus demanda : « Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ?…Et les neuf autres ?…On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu. Il n’y a que cet étranger ».
Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé »
Constatant leur guérison subite, les hommes ont dû bondir de joie et ils se hâtent vers Jérusalem pour accomplir les rites et obtenir les constats légaux. Sauf un. Un homme de la province du nord, de cette Samarie considérée comme hérétique puisqu’elle s’était jadis détachée de la Judée en édifiant un temple rival de celui de Jérusalem, temple qui, à l’époque, avait été détruit (cf. la scène de la femme samaritaine : Jean 4). Laissant les autres se presser vers le temple de Jérusalem, le Samaritain revient sur ses pas, plein d’allégresse.
JESUS GUERISSEUR OU SAUVEUR ?
Tous les mots de la description sont à décrypter :
– au lieu de se rendre au temple de Jérusalem, lieu unique où la guérison est authentifiée par un prêtre qui offre le sacrifice d’un agneau en absolution du péché (Lév. 14), l’homme se présente devant Jésus.
– Il proclame la Gloire de Dieu à pleine voix : il reconnaît dans sa guérison un acte de Dieu
– C’est pourquoi il ne se contente pas dire sa gratitude : il se prosterne devant Jésus dans un acte d’adoration
– Et « il rend grâce » – du verbe « eucharistô » qui désigne la grande action de grâce de l’Eglise envers son Seigneur.
– Or c’est un « allogène » (au sens strict : « d’une autre race ») : les autres (Judéens, Juifs) ne sont pas revenus. Ils sont demeurés accrochés aux rites du temple.
– « Lève-toi » dit Jésus – ce qui est un verbe utilisé pour la résurrection. L’homme était « mort » : il est re-suscité. Il participe au « mystère pascal » de Jésus.
– C’est pourquoi Jésus peut lui affirmer : « Ta foi t’a sauvé ».
On remarque donc les étapes successives :
1) les hommes malades crient au secours : ils demandent la guérison physique.
2) Ils croient Jésus sur parole et se mettent en route
3) La majorité guérie ne revient plus ; ils ont obtenu ce qui leur importait : la santé du corps.
4) Un seul revient « adorer » Jésus en chantant son « eucharistie ». Il proclame sa « reconnaissance » au double sens du mot :
– gratitude
– et nouvelle connaissance de son guérisseur. Il a re-connu Jésus selon ce que dit son nom : Iéshouah = Sauveur.
5) Donc il n’est pas seulement guéri mais sauvé. « Va » : il est relevé, ressuscité, vivant. Il peut réintégrer la société et y témoigner de sa foi nouvelle.
6) C’est « un allogène », un étranger. Alors que la Judée a rejeté Jésus, la Samarie puis les pays païens lui donneront foi. (ainsi jadis le général syrien Naaman avait été purifié : cf.1ère lecture)
Jésus, lui, suit un itinéraire en sens contraire :
1) Il est en bonne santé et appelé comme un médecin : « Pitié ! »
2) L’homme vient vers lui au lieu d’aller au temple : Jésus remplace le prêtre.
3) Jésus, lui, continue sa montée vers Jérusalem et son temple où les grands prêtres vont le rejeter. Au Golgotha, sur la croix, il connaîtra l’horreur du lépreux : défiguré, rejeté, excommunié. Mais il sera l’agneau qui devait être immolé pour l’absolution des lépreux.
4) Sa prière sera exaucée : « se levant », ressuscitant, « sauvé » par Dieu, il pourra « aller ».
5) Son « action de grâce » deviendra l’ « Eucharistie » des disciples, lépreux purifiés, pécheurs pardonnés.
6) Désormais le peuple des croyants, comportant une forte majorité d’ « étrangers », de païens, priant pour la purification de son péché et sauvé par son Seigneur, pourra l’adorer en se prosternant devant lui et en chantant son action de grâce (son « Eucharistie »).
CONCLUSION
Le peuple chrétien est la part de l’humanité qui comprend à quel niveau se joue sa purification. Faisant foi à la Parole de Jésus, il vient vers lui chaque dimanche pour demander et recevoir non la guérison physique mais le SALUT, le pardon de son égoïsme, sa méchanceté, ses divisions.
Alors, en adorant son SEIGNEUR, « Agneau qui enlève le péché du monde », il chante l’EUCHARISTIE de sa reconnaissance. Dès lors il peut retourner vers les hommes afin de témoigner de sa purification.
Les hommes vont de l’avant, préoccupés de leur santé, de leur confort, de leur tranquillité…Les chrétiens, chaque dimanche, reviennent vers leur Seigneur, demandent et obtiennent la purification et repartent en chantant leur joie.
Il est grave d’ « abandonner les assemblées » « : cf. texte ci-dessous
Raphaël D
Aujourd’hui la parole de Dieu va nous parle de la disposition de cœur indispensable pour que nous puissions être libérés de toutes les lèpres nous rongent le cœur. Ecoutons-la.
Naaman, le général syrien, et les dix lépreux de l’évangile cherchent désespérément un guérisseur. Le premier se présente à la porte d’Elisée. Les dix autres ont interpellé Jésus sur la route. La réponse tant d’Elisée que de Jésus est aussi sobre que simple. Pour Naaman, c’est se plonger sept fois dans l’eau du Jourdain » et pour les dix lépreux sur le chemin, Jésus leur dit de loin : « Allez vous montrer aux prêtres », pour faire constater la guérison en vue de la réinsertion dans la communauté. Naaman finit par s’exécuter, pressé par ses serviteurs. Les lépreux de l’évangile – eux – se mettent en marche pour aller rencontrer le prêtre, et c’est en marchant qu’ils sont débarrassés de leur lèpre.
Tout cela nous dit d’abord que la guérison, le miracle, n’est pas un acte magique. La guérison s’enracine d’abord dans la reconnaissance de sa propre maladie, de ses limites, de son besoin d’aide. Ensuite, elle exige la foi cette foi qui anticipe le salut. Comme Israël célèbre en Egypte le repas d’action de grâces pour sa libération encore à venir (Exode 12, 1-11), ainsi le Christ célèbre la dernière Cène, action de grâce pour l’œuvre de Dieu, avant même de passer par la mort. De la même manière aussi, chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous rendons grâce pour notre propre résurrection alors que nous avons encore à vivre le passage par la mort. La foi nous transporte déjà au terme. La guérison débute lorsque l’on commence à obéir, à vivre de l’Evangile, et non plus à nous-mêmes et à nos habitudes.
L’histoire pourrait finir là. Or, nous dit le texte, « l’un d’eux, voyant qu’il était guéri, s’en retourne vers Jésus en glorifiant Dieu à pleine voix ».
Certes, comme les neuf premiers lépreux, nous pourrions nous contenter – et c’est déjà bien – de croire à l’amour sauveur de Dieu. Mais si nous n’allons pas plus loin, nous resterons centrés sur nous-mêmes, sur notre maladie ou notre santé recouvrée, et Dieu n’apparaît que comme moyen de guérison.
Le Samaritain, lui, va franchir l’étape décisive dans l’itinéraire de la foi : il va passer du bienfait reçu à la reconnaissance de la personne par qui ce bienfait est reçu. Pour les neuf, Jésus n’a été qu’un instrument, pour le dixième, le Christ devient une personne rencontrée dans la confiance te la gratitude. Il comprend qu’il est encore plus important d’avoir trouvé le Christ et de lui remettre sa vie que d’être guéri. Il entre en amitié reconnaissante avec celui « qui reste toujours fidèle (2e lecture).
Et c’est là qu’il peut entrer dans la louange. Le Samaritain revient sur ses pas, « en glorifiant Dieu à pleine voix ». Mais comment le fait-il ? Il glorifie Dieu en rendant grâce à Jésus. Qui en effet, sinon son Fils Jésus, nous révèle le mieux le cœur du Père et sa puissance de vie, de guérison et de salut ?
Naaman – nous l’avons entendu – avait cru devoir emporter de la terre d’Israël, comme autel pour rendre grâce. Le Samaritain n’a pas, lui, à déplacer la terre, ni à entrer en Israël : Jésus seul est, pour lui, le lieu où Dieu se rencontre. C’est là, dans cette rencontre du Christ qu’il peut alors entendre la parole de salut : « Ta foi t’a sauvé », et le mot de la résurrection : « Relève-toi ». « Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons.Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. » (2 Timothée 2)
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