30ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 18 octobre 2009Textes bibliques : Lire
Cet évangile évoque d’abord un lieu. Cela se passe à Jéricho, une ville située au dessous du niveau de la mer. Jésus et ses disciples passent par cette ville alors qu’ils sont en route vers Jérusalem. Pour lui, ce sera la dernière fois et il le sait. Une foule nombreuse se presse autour de lui. Mais les cris de l’aveugle mendiant l’empêchent de l’écouter. Le mendiant ne mesure pas la gravité de ses propos : il appelle Jésus à son secours et il ose lui donner le titre de “Fils de David”. Les autorités juives n’aiment pas ces mouvements de foule car elles craignent des représailles de la part du pouvoir Romain. Quant à désigner Jésus comme le Messie, il n’appartient pas au peuple de le faire.
Ce même Jésus continue à passer sur nos routes, au cœur de nos vies. Il passe partout où il est annoncé, partout où des gens se rassemblent pour le prier, l’écouter et parler de lui. Des gens qui sont loin de lui entendent comme une rumeur. Ils cherchent à savoir. Parfois, ils viennent à l’église pour voir. Comment les accueillons-nous ? On voit parfois des chrétiens qui préfèreraient rester bien entre eux. Les disciples avaient eu cette attitude de rejet à l’égard des enfants qui agaçaient les grandes personnes. Mais Jésus leur avait répondu : “Laissez les enfants venir à moi.” Et aujourd’hui, il dit aux disciples : “Appelez-le.” Tous les hommes sans exception sont appelés à Jésus. Voilà un message de la plus haute importance pour nous qui fonctionnons souvent sur le mode de l’exclusion.
Cet évangile nous annonce une bonne nouvelle : L’aveugle a été guéri, oui bien sûr, mais le plus important est ailleurs ; sa confiance absolue en Jésus l’a sauvé. Il a quitté son manteau, son seul bien, sa seule protection pour aller vers Celui qu’il appelle “Fils de David”. C’est absolument le contraire du jeune homme riche qui n’a pas eu ce courage et qui est reparti tout triste car il avait de grands biens. Nous pouvons demander au Seigneur de nous donne” la même foi que ce mendiant aveugle ; qu’il nous donne de rejeter le manteau qui nous empêche d’aller vers lui, le manteau de notre aveuglement spirituel, de notre manque de foi, le manteau de notre repli sur nous-mêmes. Qu’il nous libère de tout ce qui nous ferme à lui et à tous nos frères.
Ce récit nous parle aussi de la conversion de la foule. Elle est toujours présente dans les évangiles. Ici, elle est avec Jésus sortant de Jéricho. Nous savons qu’une foule est souvent changeante. On peut très bien la manipuler. Au début, elle cherche à faire taire ce mendiant. Puis elle se convertit. Il a suffit d’une parole et d’un regard de Jésus. Désormais, elle n’est plus un mur, elle devient un pont. Nous aussi, nous faisons partie de cette foule. Il nous arrive parfois de rejeter ceux qui ne sont pas comme nous, ceux qui ont un passé très lourd. Ils sont enfermés dans leur mauvaise réputation. On ne leur laisse aucune chance. Mais le Seigneur nous redit inlassablement : “Appelez-le !” Il veut nous apprendre à donner à l’exclu et à l’étranger toute leur place dans notre communauté. Comme les foules du temps de Jésus, nous avons tous à changer notre cœur et notre regard.
En ce dimanche, nous sommes venus au Christ. Nous nous sommes rassemblés autour de lui. Et il nous repose la même question qu’à Bar Timée : “Que veux-tu que je fasse pour toi ?” Ce n’est pas une question piège comme celles que posent les pharisiens. C’est simplement la question d’un Dieu qui veut passer dans notre vie pour nous sauver. Mais sans notre confiance, il ne peut rien faire. Comme l’aveugle de l’évangile, nous crions : “Fais que je voie !” Aie pitié de moi qui ne vois trop souvent que l’affreuse nuit du doute. Aie pitié de moi qui ne vois pas toujours le sens de ma vie et le pourquoi des épreuves qui m’accablent. Aie pitié de moi qui ne vois pas combien tu m’aimes.
Le Seigneur est là pour nous guérir de nos aveuglements, pour nous ouvrir à l’amour de Dieu et à celui de tous nos frères. Laissons Bartimée nous apprendre à avoir cette confiance inébranlable en Jésus. Des gens chercheront peut-être à nous en dissuader. Les mêmes pourront nous y encourager plus tard. La confiance est un combat de tous les jours, parfois dans l’obscurité de la foi. Mais grâce au fils de Timée, nous savons que la nuit n’a pas le dernier mot. C’est de cette espérance que nous avons à témoigner tout au long de notre vie auprès de tous ceux et celles qui nous entourent.
Nous voulons être du Christ ? Nous voulons marcher avec lui. Commençons dès aujourd’hui. Arrêtons-nous chaque fois que nous rencontrons un homme, une femme ou un enfant qui crie sa peine. Prenons le temps d’écouter et de regarder. Nous ne pourrons peut-être faire grand chose sur le moment. Mais si tous les disciples de Jésus prennent ainsi le temps de s’arrêter, s’ils préfèrent la rencontre personnelle des frères à toutes les grandes idéologies, ils changeront le monde. Demandons au Seigneur qu’il nous guide sur ce chemin de conversion.
D’après diverses sources
Comme Bartimée, j’ai été longtemps aveugle. En effet, mes pensées étaient toutes tournées vers moi. Mais depuis que je suis catholique, j’essaie de me mettre en dernière position. Mais parfois, prise dans la spirale de consommation, je ressens un énorme plaisir à m’acheter des produits dérisoires dont certains me font du mal comme des revues concernant des stars.
Alors, comme Bartimée, je crie : “Seigneur, fais que je voie”. Seigneur, enlève les écailles de mes yeux, qui sont souillés par trop de dérisoire. Aide-moi à avoir des yeux laser qui vont au coeur de l’âme d’autrui.
Mon plus grand défaut est d’être toujours pressée. En effet, je dépends de bus et j’essaie de ne jamais les rater. Mais être toujours pressée implique que je vois peu mes congénères et si ma conscience me dit : “Et alors, c’est ton frère quand même!” eh bien, je passe outre malheureusement. Alors Seigneur, que faire pour apprendre à prendre le temps ?
Heureusement, je me déplace aussi chaque jour à pieds dans mon village pour faire mes courses et là je suis très aimable et très sincère avec les gens que je rencontre.
J’ai aussi quelques doutes au sujet de ma foi, mais j’ai confiance en ma religion catholique car mes doutes sont tout à fait secondaires, à mon avis.
J’ai confiance en le Seigneur. Il me suffit de voir quel était mon passé sans Dieu et quel sera mon avenir guidée par les paroles du Seigneur. Dieu est mon roc et je m’agrippe de toutes mes forces au Seigneur car il n’y a que lui au monde qui m’apporte la paix et une grande sérénité.
D’autre part, malgré toutes mes imperfections et mes défauts, j’ai confiance en Dieu car je suis sûre d’être sauvée. C’est pourquoi, d’ores et déjà, je me jette dans les bras du Seigneur et j’ai en lui une confiance totale.
Portez-vous bien !
Christiane
30e dimanche dans l’année B
Le cri d’un mendiant aveugle, assis au bord de la route il y a deux mille ans, nous venons de l’entendre à l’instant. « Fils de David, aie pitié de moi ! » A l’endroit même où la clameur de guerre accompagnée par le son du cor – le shofar – avait fait tomber les murailles de Jéricho, un autre fils d’Israël, du fond de sa détresse, a lancé une plainte qui nous rejoint par delà les siècles. Il ne s’agit plus d’un épisode peut-être légendaire et en tous cas guerrier (la prise de Jéricho sous la conduite de Josué), mais du cri de détresse et de confiance surgi de plus loin de notre abîme intérieur : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » « Fils de David » : la foi israélite en avait fait un des titres du Messie, de l’Envoyé de Dieu qui viendrait rassembler le peuple dispersé dans les larmes de l’exil pour « les conduire aux eaux courantes » (Jérémie 31, première lecture).
Faisons nôtre cet appel de Bartimée. Et si nous ne trouvons pas les mots pour le dire, empruntons ceux des psaumes. « Qui sème dans les larmes, moissonne dans la joie… ramène, Seigneur, nos captifs comme torrents au désert. » Chaque fois qu’un pauvre crie, le Seigneur entend nous dit le psaume 30.
Dieu entend nos lamentations et nous invite à la confiance. Quand nous sommes angoissés par le règlement d’une situation conjugale apparemment sans issue, d’un échec qui semble définitif, d’une habitude compulsive enracinée, autant d’esclavages qui nous privent de liberté, crions avec foi et audace vers le Seigneur. La prière de l’aveugle de Jéricho : « Fils de David, aie pitié de moi » a été conservée dans l’Église d’Orient qui en a fait la prière du cœur ou prière de Jésus. Répétée sans cesse comme une respiration, elle devient communion avec Dieu. «Prendre pitié» veut dire: «Prends-moi avec tout ce que je suis, là où j’en suis, et crée de la paix en moi.» Répétons fréquemment cette prière: chez nous, en rue, au travail, à l’école, en bus, en auto. Murmurons-la comme une respiration. Les fruits en sont pacifiant et nous permettent de mieux affronter ce qui nous trouble.
Certes, le plus souvent les épreuves et le soucis ne disparaîtront pas comme par enchantement. Mais nous deviendrons plus énergiques et plus apaisés pour les vivre. Et surtout à ce que nous demandons, Dieu répond en se donnant de Lui-même, don si vertigineux qu’il pourrait nous faire croire que notre prière n’est pas exaucée, alors qu’Il est plus que jamais là en nous. Il est plus proche de nous que nous ne le sommes nous-mêmes. Et en lui, nous sommes plus authentiquement présents au monde, aux hommes et à nous-mêmes. Nus découvrirons en nous et autour de nous l’étincelle de sa présence.
Soyons prêts à laisser tomber nos manteaux, ces protections derrière lesquelles nous nous abritons et qui ont pour noms : illusions, mensonge, apparences où chacun est considéré d’après ce qu’il représente, où chacun est pris dans l’engrenage de la compétition, où chacun est entraîné dans le faux bonheur de la surconsommation.
« Rabbouni, que je voie. » Ne désirons pas avoir des visions ou voir des miracles. Ayons des yeux pour reconnaître, chaque jour dans l’ordinaire de nos journées, les merveilles de Dieu.
Avec l’aimable autorisation de Kerit.be
Notre cécité est-elle incurable ?
La grande traversée du pays par Jésus et son groupe atteint Jéricho, ultime étape avant l’entrée à Jérusalem. Dès le point de départ (8, 27) et tout au long de la route, Jésus a annoncé son destin de souffrance et il a prévenu ses disciples qu’ils devaient renoncer à leurs conceptions pour le suivre.
” Qui veut sauver sa vie la perdra; qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera” ( 8, 35).
Effectivement cette montée vers la capitale a été marquée par des enseignements d’une extrême rigueur et Marc, à dix reprises, a souligné les réactions négatives des disciples, incapables d’admettre ces leçons qui contrariaient toutes leurs conceptions naturelles:
– Lorsque Jésus connaît un moment de transfiguration, ils se demandaient ce que peut bien signifier la résurrection d’entre les morts ( 9, 10)
– Un pauvre papa leur avait demandé de guérir son fils épileptique et ils avaient lamentablement échoué à cause de leur manque de prière ( 9, 14-29)
– A la 2ème annonce de la Passion, “ils ne comprenaient pas et ils craignaient de l’interroger” ( 9, 32)
– En chemin, le ton montait: ils se disputaient pour savoir “qui était le plus grand parmi eux” ! (9, 33)
– Rencontrant un guérisseur invoquant le nom de Jésus, ils prétendaient l’en empêcher ( 9, 38)
– Ils ne comprenaient pas pourquoi Jésus interdisait la répudiation de l’épouse ( 10, 10)
– Ils repoussaient les mamans qui demandaient la bénédiction du Maître sur leurs enfants ( 10, 13)
– Ils étaient sidérés quand Jésus dénonçait le danger des richesses ( 10, 24-26)
– A la 3ème annonce de la croix, ils étaient remplis d’effroi ( 10, 32)
– Par jalousie, certains manœuvraient pour dépasser Pierre et obtenir les places d’honneur ( 10, 35)
10 fois: sans doute à la ressemblance des ancêtres hébreux sortis d’Egypte et qui, à 10 reprises dans le désert, n’avaient cessé de geindre, de regretter leur prison dorée, de critiquer leur chef ( Livre des Nombres 14, 22).
Le chemin de Jésus “accomplit” celui de Moïse et des Hébreux jadis: le véritable Exode est en train de s’effectuer. VOYONS-NOUS les tentations dans lesquelles nous ne devons pas tomber ?
ETRE AVEUGLE ET DESIRER VOIR
Devant cette “cécité” terrible des disciples, on comprend pourquoi Marc encadre toute cette section par deux guérisons d’aveugles: à Bethsaïde d’abord (8, 22) puis aujourd’hui à Jéricho.
Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse,
un mendiant aveugle, Bartimée, fils de Timée, était assis au bord de la route.
Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier: ” Jésus, fils de David, aie pitié de moi !”.
Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire
mais il criait de plus belle: ” Fils de David, aie pitié de moi !”.
Jésus s’arrête et dit: ” Appelez-le”.
On appelle donc l’aveugle et on lui dit: ” Confiance, lève-toi: il t’appelle”.
L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Jésus lui dit: ” Que veux-tu que je fasse pour toi ? – Rabbouni, que je voie !”.
Et Jésus lui dit: ” Va, ta foi t’a sauvé”. Aussitôt l’homme se mit à voir et il suivait Jésus sur la route.
La portée symbolique du geste est évidente: les disciples ne parvenant pas à VOIR ce que Jésus veut, il leur est donc absolument nécessaire de lui demander le don d’une vue nouvelle, capable de percevoir les véritables enjeux du Royaume de Dieu. Mais ne les accablons pas de lourdeur et d’imbécillité: les textes sont écrits par Marc non seulement comme des souvenirs mais comme des avertissements pour les lecteurs de tous les temps. Bartimée demeure, aussi pour nous, un grand modèle à imiter.
Jéricho, la palmeraie aux lauriers-roses, est la 1ère ville que les Hébreux, menés par Josué, rencontrèrent en entrant dans la Terre promise et on connaît le célèbre et légendaire récit de sa conquête où les 7 liturgies finirent par provoquer l’écroulement des remparts de la cité (Josué 6). Aujourd’hui Jésus, d’une simple parole, détruit les voiles opaques qui empêchaient Timée de voir.
Il était assis, mendiant, en bordure de route: ni debout comme un homme, ni travailleur comme un citoyen, ni intégré sur la voie commune à tout le monde. Misérable, marginal, enfermé dans sa prison.
La rumeur d’une foule passante l’intrigue, il s’informe: Qui est-ce ? – C’est Jésus de Nazareth ! — Qui est-il ? – Un descendant du roi David, il annonce le Royaume, fait des miracles, il doit être le Messie.-
Timée crie sa détresse; il doit crier fort pour que sa voix domine celle de la foule en liesse.
Mais une foule n’a que faire d’un handicapé alors qu’elle participe à un cortège triomphal en l’honneur d’un grand personnage qui va sauver la nation. “Tais-toi, ne viens pas briser l’enthousiasme par tes plaintes. Jésus a autre chose à faire que s’occuper de toi.”
Eh bien oui justement ! A travers le joyeux brouhaha, Jésus a perçu un appel: Allez le chercher !
Quelques-uns se dévouent, vont vers lui, l’encouragent: “Viens, confiance ! ”
L’aveugle est pressé, il rejette son manteau, il se dépouille, il s’appauvrit de son seul trésor: alors que le jeune homme riche craignait tellement de renoncer à tous ses biens !
Il fait confiance à ses guides: avec eux, il accourt vers Jésus: “Que je voie !!! Que je voie !”
Va: ta foi, ta confiance, ton élan, ton cri, ta misère et ta persévérance t’ont fait découvrir ton Sauveur.
Bartimée recouvre la vue ! et aussitôt “il suit Jésus sur la route”.
Il ne fait pas seulement partie d’une procession jubilant devant un miracle, acclamant un guérisseur exceptionnel. Bartimée suit Jésus…qui entreprend la dernière montée vers Jérusalem et sa passion.
Il n’est pas seulement devenu un homme normal, avec des yeux, mais un “disciple”: il ne voit pas seulement le monde, la société, la ville, la nature, les choses: il voit comment il doit vivre, quelle conduite il doit prendre, quelle histoire il doit partager: celle de Jésus qui est plus qu’un médecin, qu’un rabbi, qu’un maître, que le fils de David: il est le Fils de l’Homme qui accepte le destin du Serviteur souffrant.
“Qui veut sauver sa vie la perdra; qui la perd la sauve”
Il est trop facile de critiquer la balourdise des apôtres, d’en vouloir aux Juifs qui n’ont pas cru en Jésus.
Nous-mêmes, encore aujourd’hui, nous prétendons être ses disciples mais dès qu’on nous rappelle ses enseignements les plus précis, les plus exigeants, nous répétons les péchés de jadis (cf. supra): nous nous disputons, des évêques et des théologiens se jalousent, nous hurlons devant l’interdiction du divorce, plus encore devant l’obligation de nous méfier des richesses et du devoir de nous dépouiller afin de passer par la porte d’entrée du Royaume, aussi étroite que “le chas de l’aiguille”; nous aimons les liturgies solennelles mais le son des cantiques nous empêche d’entendre les cris des misérables qui appellent au secours; nous ne savons pas aller chercher les marginaux qui, à l’écart de nos bonnes manières, appellent à l’aide et, lorsqu’il clament trop fort, nous les faisons taire.
Notre Église occidentale est en crise: chute des vocations, de la pratique liturgique…Comment VOIR ce que nous devons faire, les nouveaux chemins où nous engager ?…” Seigneur, que je te voie, TOI ! ……Que je voie ce que tu commandes…Et que j’ose agir selon ce que j’ai vu” !
Cher Bartimée : comme toi, je suis un aveugle qui ne distingue pas bien la route à suivre.
Je me dis chrétien “en marche” …et je suis “en marge” du chemin vrai de l’Evangile.
Comme toi, je dois crier – sans accepter que les bien-pensants me fassent taire.
Comme toi, et en union avec tous les hommes enfermés dans leur nuit, je dois crier encore.
Convaincu que jamais de moi-même je ne parviendrai à “voir” vraiment ce que Dieu veut de moi.
Que je sache me dépouiller du superflu et parfois même du nécessaire
afin de courir plus vite à la rencontre de ce Jésus qui me promet la liberté.
Que je ne cherche plus à “voir” un Dieu Roi-Soleil mais un Serviteur humilié qui donne sa vie.
Que je ne cherche plus à “voir” une Eglise triomphante, superbe, sûre d’elle-même, fastueuse –
mais un peuple de pèlerins qui parfois est transi de peur devant ce qui l’attend
mais qui “voit” qu’il n’a d’autre salut
Une bonne vue !
Une bonne vue ! Qui ne désirerait pas la posséder, surtout lorsque de naissance ou par accident l’on est devenu aveugle, ou, comme assez souvent pour les personnes âgées, on est mal voyant. C’est le cas de ce Bartimée, fils de Timée, connu sans doute à Jéricho, de plus mendiant devant quêter les passants pour vivre, et dont nous parle l’Evangile (Marc 10, 46b-52). Ce n’est ni un conte, ni du cinéma !
Sur la route où il s’est placé il apprend le passage de Jésus qui se rend à Jérusalem. Celui-ci est accompagné de ses disciples qui le suivent déjà depuis bien des mois … mal voyants vis à vis de ce qui devait arriver bientôt malgré une prédiction de sa mort et sa résurrection. De plus une foule nombreuse est présente, ceux qui sans doute ne le connaissent pas vraiment.
Bartimée n’hésite pas à crier : Jésus, fils de David, aie pitié de moi. Pour lui, Jésus, c’est déjà le Messie, l’envoyé de Dieu annoncé par les Saintes Ecritures. Il n’ignore pas non plus son amour de tous mais particulièrement des souffrants et des pécheurs. Son cri, Jésus l’a entendu et le fait appeler. Joie de l’aveugle ! Il jette son manteau, bondit, court vers Jésus qui demande : Que veux-tu que je fasse pour toi ?- Que je voie ! Aussitôt Jésus lui dit : Va, ta foi t’a sauvé. Bartimée se mit à voir et il suivait Jésus sur la route. En Jésus il n’a pas vu qu’un guérisseur mais l’Envoyé de Dieu, le Sauveur du monde annoncé.
Ce récit de l’Evangile va plus loin qu’une seule guérison corporelle. C’est l’homme tout entier qui retrouve la vue, corps, esprit et cœur.
Aujourd’hui, comme il y a 2000 ans, Jésus ressuscité et vivant auprès du Père, a des apôtres et des disciples, dans l’Eglise chargée de continuer en son nom sa mission évangélique. Ils peuvent être des mal voyants ! Les apôtres et les disciples – qui peuvent être simples laïcs – sont invités à suivre Jésus sur la route, celle de l’amour qu’il n’a jamais cessé d’enseigner et de vivre jusqu’au don total de sa vie sur la croix.
Comme Bartimée, dans la joie de la rencontre, si nous pouvions davantage bondir vers lui pour lui demander : aveugles, de découvrir la vérité, mal voyants, de croire plus profondément en lui et d’agir généreusement avec lui et comme lui.
Poussez des cris de joie. Seigneur sauve ton peuple. Ce n’est plus seulement Israël comme le mentionne Jérémie (1ère lecture). Il rassemble l’humanité des extrémités du monde. C’est une grande assemblée qui revient ; qu’il va conduire aux eaux courantes (celles de l’amour) par un bon chemin où ils ne trébucheront pas.
La lettre aux Hébreux (2ème lecture) gère une application exemplaire en notre « année sacerdotale ». Il y est fait comparaison entre le grand prêtre juif, pris parmi les hommes, intervenant en faveur des hommes pour leurs relations avec Dieu, offrant dons et sacrifices pour les péchés accomplis par ignorance ou par égarement. Sa fonction est un honneur reçu par appel de Dieu, mais il doit se reconnaître lui-même faible et pécheur.
Grand prêtre il l’est Jésus Christ, gloire reçue de Dieu. Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré … selon le sacerdoce de Melkisédek, ce qui signifie prêtre pour toujours, et seul grand prêtre pour l’humanité toute entière.
Si, dans l’Eglise, tous sont appelés à faire corps avec Jésus, certains ont été choisi spécialement par le Seigneur pour guérir les esprits et les cœurs, pardonner les péchés, tout en annonçant la Bonne Nouvelle : les évêques et les prêtres.
Prions pour eux, prions avec eux, prions pour qu’augmente leur nombre et leur sainteté. Devant les milliards d’êtres humains qui ne connaissent pas ou si peu Jésus Christ, et Marie sa mère et notre mère du ciel, que tous les chrétiens se mobilisent pour les annoncer sans peur.
Ayons faim et soif de l’Eucharistie où Jésus se donne comme source d’un amour si nécessaire à notre monde troublé, souvent désaxé et désabusé. En union sacrificielle offrons nos vies pour servir, partager et aimer.
Catéchèse en famille
Cette guérison miraculeuse est relatée dans les évangiles de M atthieu (Mt 20, 29-34), de Marc (10, 46-53) et de Luc (Lc 18,35-43). Matthieu fut le seul témoin de la scène et à la différence de Marc et de Luc, il parle de deux aveugles. Ils devaient être deux, mais le deuxième ayant joué un rôle effacé par rapport à son compagnon, n’a pas retenu l’attention de Marc et de Luc.
Dans ce récit, l’évangéliste Marc raconte comment la rencontre avec Jésus est source de guérison et de transformation.
À cette époque, et bien des années plus tard, il n’existait pas de structure, ni d’organisme venant en aide aux aveugles. La cécité était très courante dans l’Orient ancien, et due sans doute à une insuffisance de soins donnés aux nouveau- nés ou une carence dans leur alimentation. Les aveugles étaient donc réduits à la mendicité et à l’immobilité. Saleté et misère étaient leur lot quotidien ; ils vivaient en marge de la société, tributaires de la charité des gens.
Dans la symbolique biblique, l’aveugle est l’image même de la pauvreté. Et l’aveugle Bartimée est tragiquement dépendant des autres. En nous intéressant à ce malheureux, nous découvrons qu’il va devenir notre modèle. Oui, il est le modèle de ceux et de celles qui croient voir !
Et Marc de préciser que les gens qui accompagnent Jésus ont, à l’égard de ce malheureux, une attitude de rejet caractérisant bien la société de cette époque: ils veulent le faire taire. (Mc 10, 48a)
Malgré l’hostilité de la foule à son égard, Bartimée n’abandonne pas : il crie de plus belle. (Mc 10, 48b)
Jésus a entendu les cris de détresse de cet homme ; des cris qui sont l’expression de sa souffrance, mais surtout d’une incroyable confiance. Bartimée fait donc un acte de foi remarquable. Jésus ne peut donc pas faire la sourde oreille et continuer son chemin. Ce n’est pas son genre. Voilà un malheureux qui a besoin de lui. Il s’arrête et demande qu’on le lui amène. (Mc 10, 49a)
Voyant cela, la foule encourage l’aveugle (Mc 10, 49b). L’aveugle se défait de sa tunique qui le gêne et lui ferait perdre du temps. Il est pressé de rencontrer Jésus. Il ne faut pas qu’il rate l’occasion, car elle est unique (Mc 10, 50). Le voilà devant le Christ, silencieux, qui lui demande ce qu’il lui veut (Mc 10, 51a).
Bartimée n’a qu’un désir, voyons! C’est de pouvoir voir. Comme si Jésus ne le savait pas… Encore veut-il que Bartimée le lui dise. Et Bartimée répondit aussitôt : “Rabbouni, que je voie !” (Mc 10, 51b)
“Demandez, et l’on vous donnera. Cherchez, et vous trouverez. Frappez, et l’on vous ouvrira!” – Jésus lui donne ici une leçon de foi.
Bartimée est le modèle du disciple fidèle. C’est à Dieu qu’il a demandé de voir et Dieu lui a donné de voir. À l’inverse du jeune homme riche (Mc 10, 17-22), qui était venu chercher la lumière et qui a fait demi-tour lorsqu’il l’a entrevue, Bartimée supplie Jésus de lui accorder la vue, et quand il voit, il se met en route à la suite de Jésus. (Mc 10, 52)
En résumé : Jésus ne déçoit pas la foi des personnes qui croient en lui. Il sait les reconnaître et les secourir.
Mettons la même fougue que Bartimée pour approcher le Christ, dans sa Parole et ses sacrements, pour voir et croire.
* Nous sommes nous aussi bien souvent des aveugles du coeur et de l’esprit. Nous sommes immergés dans nos doutes et perplexes sur le sens de la vie.
* Nous sommes des aveugles quand nous ne voyons pas les traces de Dieu dans le monde.
* Nous sommes des aveugles quand nous nous faisons une idée fausse de Dieu : un Dieu qui détruit, un Dieu qui condamne, un Dieu qui punit, alors qu’il donne, qu’il construit, qu’il pardonne, qu’il libère.
* Nous sommes des aveugles quand nous ne voyons pas la souffrance qui est à notre porte, quand nous ne voyons pas la détresse d’un tel dans notre rue et que nous pensons que c’est de sa faute qu’il en est arrivé à ce stade.
* Nous sommes des aveugles quand nous utilisons notre intelligence pour justifier nos erreurs et nos fautes les plus évidentes.
Tres content de lire ces Homelies. j’aimenrais bien les avoir sur mon mail.