Homélie du 18ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 26 juillet 2020
Dieu nourrit son peuple
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La première lecture et l’Évangile nous parlent de nourriture ou plutôt de manque de nourriture. Le prophète Isaïe s’adresse à des gens désespérés qui vivent en terre d’exil depuis 50 ans. Il les invite à se tourner vers le Seigneur : “Écoutez le Seigneur et vous vivrez”. Leur vie dépend du Seigneur. Ce qu’il leur offre est beaucoup plus important que les frigos bien remplis. C’est Dieu lui-même qui se donne gratuitement et sans mérite de leur part. Nous sommes tous invités à nous en remettre à lui, même dans les situations les plus désespérées.
Dans la seconde lecture, saint Paul nous parle précisément de cette gratuité du don de Dieu en Jésus Christ. Lui-même vit une situation très difficile. Il est persécuté et mis en prison. Mais il pousse un cri de joie car il a découvert la bonté du Seigneur. Même au milieu des pires difficultés, il ne cesse de crier sa confiance car il sait que rien ne peut le séparer de l’amour de Dieu. Ils sont nombreux aujourd’hui les chrétiens persécutés qui témoignent de leur attachement inébranlable au Seigneur.
Dans l’Évangile, c’est la promesse d’Isaïe qui se réalise. En Jésus, c’est Dieu qui a vu la misère de son peuple affamé. Il est saisi de pitié devant tous ces gens. Il guérit les infirmes. Il vient pour guérir et donner aux hommes la paix. À travers ces paroles et ses gestes, c’est l’amour et la miséricorde de Dieu qui se donnent aux hommes. En ce jour, nous demandons à l’Esprit Saint de rendre nos cœurs pareils à celui du Christ, attentifs et ouverts devant la misère et la faim de nos frères. Nous sommes envoyés pour témoigner de cet amour passionné qui est en Dieu. Mais si nous voulons être crédibles aux yeux du monde, il faut que cela se voie dans notre vie, il nous faut mettre nos actes en accord avec l’Évangile.
Le soir venu, c’est le signe de la multiplication des pains. Toute la foule a été rassasiée. Le danger serait de ne voir que le côté merveilleux de cette histoire. C’est vrai que nourrir toute une foule dans un endroit désert, c’est extraordinaire. Mais ce n’est pas le plus important. Cet Évangile nous invite d’abord à reconnaître Celui qui se révèle. Aujourd’hui comme autrefois, il prend soin de son peuple ; il nous nourrit gratuitement. En lui et par lui, c’est tout l’amour du Père qui se donne.
Mais aujourd’hui, il nous faut faire un pas de plus : Jésus a été envoyé pour nourrir l’homme affamé de Dieu. Et puis, il y a un point important qu’il nous faut souligner : Les auteurs des évangiles, ont perçu ce miracle comme un signe de l’Eucharistie. Les gestes de Jésus sont les mêmes qu’à la Cène : “Il prit les cinq pains, il prononça la bénédiction, il rompit les pains, il les donna.” Ce pain qui est annoncé dans l’Évangile de ce jour, c’est celui de la Vie éternelle ; c’est son Corps livré pour nous et pour la multitude. Il y eut douze paniers pleins des morceaux qui restaient. C’est l’annonce de la vraie multiplication des pains qui ne cesse de s’accomplir par le ministère des prêtres.
La multiplication des pains nous enseigne que Dieu nous donne une nourriture qui développe en nous notre capacité d’aimer. Elle nous ouvre à l’humanité toute entière. Tous les hommes sont “invités au festin des noces”. Jésus n’est pas venu pour quelques privilégiés mais pour la multitude. Quand le prêtre dit : “Heureux les invités au Repas du Seigneur”, il ne s’agit pas seulement de ceux qui sont présents physiquement mais de tous les hommes sans distinction. Tous sont invités à partager le don de l’Eucharistie, le don que Jésus fait de sa vie et qu’il fait totalement sans rien garder pour lui.
En sortant de cette messe, nous sommes envoyés vers les autres avec un panier plein. Comme autrefois, Jésus continue à nous dire : “Donnez-leur vous-mêmes à manger”. Donnez à ceux qui ont faim de pain, faim d’amour, faim de reconnaissance. Si nous unissons nos forces humaines à celles du Christ, le miracle pourra se reproduire et l’Église revivra.
Ce que Dieu attend de nous, ce n’est pas notre argent mais notre disponibilité. C’est l’apport du peu que nous avons et du peu que nous sommes. Cinq pains et deux poissons c’est vraiment dérisoire. Mais c’est avec ça que Jésus fait des merveilles. C’est un encouragement pour nous qui avons tendance à nous décourager devant toutes les misères du monde. Nous disons facilement que nous ne pouvons pas répondre à tous les besoins. C’est sans doute vrai. Mais avec un peu de folie, nous pouvons bien lui donner nos pains et nos poissons. Jésus vient nous apprendre à nous mettre au service des plus pauvres. Prêtons nos oreilles et notre cœur pour écouter leur tristesse et leurs rancœurs. Le Seigneur compte sur nous pour soutenir et fortifier. Aujourd’hui encore, il multiplie les fruits de notre bonne volonté bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer.
En lisant cet Évangile, nous pensons à Marie aux noces de Cana. Elle a vu qu’il n’y avait plus de vin. Elle voit aussi tous nos manques, manques de pain, manques d’amour… Et elle ne cesse d’intercéder auprès de son Fils pour nous et pour notre monde. Et aujourd’hui encore, elle continue à nous dire : “Faites tout ce qu’il vous dira.”
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Sources : Revues liturgiques – Guide Emmaüs des dimanches et Fêtes (JP. Bagot) – Commentaire de Claire Patier – Dossiers personnels.
Jésus voulait se retirer loin de toute agitation, mais les gens le suivaient… Le soir venu, les disciples lui suggèrent de renvoyer la foule pour qu’elle aille chercher à manger. « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » Cette réplique de Jésus a dû les laisser certainement interloqués ! Déconcertés, les disciples l’informent : « Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons. » Avec cette ration, comment peuvent-ils nourrir tout ce peuple ?
L’Évangile de saint Jean, plus précis sur l’événement, nous rapporte un détail marquant qui retient notre attention. Ces ‘cinq pains et deux poissons’ c’est le repas d’un jeune garçon. « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons. » (Jn 6:9) Et c’est grâce à son geste généreux qui remet tout à Jésus que « tous mangèrent à leur faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze paniers pleins. Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants. » Contraste saisissant entre la modestie de l’offrande et l’énormité du résultat. Une belle leçon pour nous tous. L’altruisme du jeune garçon nous invite à partager de bon cœur le peu que nous avons avec ceux et celles qui sont dans le besoin. Dieu a besoin de notre collaboration pour venir en aide à nos proches.
Manquer du nécessaire, c’est la dure réalité de la vie quotidienne des milliers de gens autour de nous. En cette période de crise, le drame se joue devant nous yeux. Le chômage et la précarité mettent en danger la santé de nombreuses personnes… Les gens ont faim ! Des familles entières se demandent quotidiennement comment trouver à manger. Et face à l’ampleur des désastres, notre compassion se double souvent d’un énorme sentiment d’impuissance. Nous avons l’impression de n’avoir pas grand-chose à offrir. Quoique nous fassions, cela semble tellement minime devant l’étendu des besoins ! Cependant, le Christ nous demande avec insistance : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! ». Peu importe nos moyens, nous avons toujours quelque chose à partager avec les plus démunis. L’exemple de ce jeune garçon montre la force des petits gestes et des humbles élans.
Plusieurs prétendent que ce n’est pas en donnant du poisson aux gens qu’on leur apprend à pêcher… donc à les laisser se débrouiller par eux-mêmes. Nous risquons alors d’adopter les mêmes attitudes de ceux qui suggèrent à Jésus : « L’endroit est désert et il se fait tard. Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger ! » La majorité des démunis fait des efforts immenses pour essayer de s’en sortir ! Ils vivent souvent des situations qui ne leur permettent pas de se démêler de leur pétrin dans l’immédiat. Il leur faut de l’aide. Il leur faut du temps. On ne peut pas échapper à la misère du jour au lendemain !
Saint Jacques nous exhorte : « Mes frères, que sert-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez ! Et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? » (Jc 2:14-16) Notre foi doit se traduire par des actions de solidarité. Nous sommes appelés à partager, même si ce que nous possédons est presque rien, comme ‘ces cinq pains et ces deux poissons’ du jeune garçon ! Mais des fois, le ‘peu de chose’ peut créer une grande différence ! Alors nous assisterons au miracle. Soyons attentifs aux besoins de ceux qui vous entourent. Offrons-leur le peu que nous avons. Le Seigneur nous invite à ouvrir notre cœur. Le partage renforce la solidarité. La générosité suscite plus d’amour. Si les nantis décident de partager avec ceux qui sont dans le besoin, le désert fleurira, la terre aride se changera en champ d’abondance.
La misère ne se limite pas au besoin matériel, elle se traduit également dans la solitude autant physique que psychologique ! Sachons aussi partager un peu de notre temps, de notre amitié, de nos sourires… Ne restons pas enfermés dans notre bulle, bien tranquilles, ancrés dans l’égoïsme individualiste, les yeux fermés sur cette réalité douloureuse du monde. Ouvrons généreusement nos mains et notre cœur à nos proches.
Nguyễn Thế Cường Jacques
J’ai apprécié votre homélie du 18e Dimanche.
P. Charles
Merci à vous deux pour vos paroles très intéressantes
merci pour ces commentaires si riches et lumineux !!